• Aucun résultat trouvé

Partie I : La collecte de l’information

Section 2 : Analyse de l’information et constatation directement par l’acteur chargé de

2.2.3 Le pouvoir d’utiliser un ordinateur

Par pouvoir d’utiliser un ordinateur, on entend le pouvoir d’utiliser les ordinateurs présents sur les lieux auxquels a accès l’acteur de l’Administration. Il s’agit d’un pouvoir particulièrement rare et dont les exemples identifiés dans l’échantillon sont relativement récents.

Le plus vieil exemple identifié d’un tel pouvoir permettant spécifiquement d’utiliser un ordinateur est prévu à la Loi sur l’administration fiscale. Adopté en 2009, le paragraphe b.1) du deuxième alinéa de l’article 38 de cette loi se lit ainsi :

La personne ainsi autorisée par le ministre peut: […]

b.1) utiliser tout ordinateur, tout matériel ou toute autre chose se trouvant sur les lieux pour accéder à des données contenues dans un appareil électronique, un

187 Loi sur la sécurité du transport terrestre guidé, préc., note 54, article 69. 188 Loi sur la Commission municipale, préc., note 137, article 91.

189 Loi sur la police, préc., note 45, article 271; Loi sur la qualité de l'environnement, préc., note 37, article 119.

190 Loi sur l'aménagement durable du territoire forestier, préc., note 108, article 205; Loi sur la

sécurité du transport terrestre guidé, préc., note 54, article 69.

62

système informatique ou un autre support ou pour vérifier, examiner, traiter, copier ou imprimer de telles données;192

Cette habilitation, qui constitue une adaptation au contexte technologique actuelle, est rédigée de telle façon qu’elle permet aussi de prendre en compte les évolutions technologiques à venir en prévoyant l’utilisation d’un ordinateur ou de toute autre chose permettant d’avoir accès aux données contenues dans un appareil électronique, un système informatique ou un autre support.

De plus, tel que rédigé, le libellé prend en compte la nature variée des données contenues dans un appareil électronique en prévoyant spécifiquement la possibilité pour l’acteur de l’Administration de traiter les données afin d’en obtenir l’information recherchée et, ultimement, de l’en extraire soit sur papier ou sur un autre support.

Il s’agit là d’une innovation intéressante en matière de pouvoir de contrainte qui demeure cependant anecdotique dans l’échantillon sous étude. Le seul autre exemple a été identifié dans la Loi sur les biens non réclamés193, où on a mis en place en 2011 une habilitation en

tout point identique à celle utilisée deux ans plus tôt dans la Loi sur l’administration fiscale. Tel que mentionné à la section 1.1.1, une telle habilitation expresse à utiliser un ordinateur n’a cependant pas toujours été jugée nécessaire par les tribunaux. Par exemple, dans l’affaire Gauthier c. Deschênes, le syndic du Collège des médecins avait effectué une copie miroir des données contenues sur le disque dur de l’ordinateur d’un médecin à l’occasion d’une visite au cabinet médical de ce dernier. Amenée à se prononcer sur la légalité de cette procédure, la juge Martel, j.c.s., écrit :

[44] L'article 122 du Code des professions permet au syndic d'un ordre professionnel « d’exiger qu'on lui fournisse tout renseignement et tout document

relatif à cette enquête », même ceux détenus par des tiers.

[45] L'article 192 du Code des professions régit les pouvoirs de consultation de documents du syndic.

[…]

[46] Il est expressément stipulé que le syndic peut « prendre copie » d'un dossier ou d'un document. Il n’y a aucune ambiguïté dans ces dispositions législatives. Il est vrai qu'en matière civile, une saisie avant jugement ou une ordonnance Anton Piller

192 Loi sur l'administration fiscale, préc., note 34, article 38. 193 Loi sur les biens non réclamés, préc., note 84, article 33.

63

doit être préalablement autorisée par un juge assurant ainsi la protection de l’intérêt privé.

[47] Cependant, les dispositions du Code des professions, faisant l’objet d’analyse, ne sont pas du même ordre. Elles sont de nature normative dont le but est de permettre une surveillance adéquate de l’exercice des professions. Elles visent la protection du public.

[…]

[49] Depuis les enseignements de la Cour suprême dans l’affaire Pharmascience, les Tribunaux sont invités à interpréter les dispositions du Code des professions de manière libérale et conforme à l’intention du législateur. La soussignée s’est d’ailleurs déjà prononcée dans l’affaire Terjanian relativement à la nécessité d’examiner le contexte global dans lequel s’inscrit la disposition de l’article 193 du Code des professions afin de permettre aux ordres professionnels de bien remplir leur rôle de protection du public.

[50] De l’avis du Tribunal, le prélèvement par le syndic d’une copie miroir des fichiers images contenus sur le disque dur de l’ordinateur du Dr Gauthier est conforme au pouvoir qui lui est conféré par le législateur aux articles 122 et 192 du

Code des professions.194

Ce faisant, la Cour supérieure considère qu’une habilitation expresse n’était pas nécessaire pour effectuer une copie miroir des données contenues à l’ordinateur, palliant à l’absence d’habilitation par une interprétation libérale des dispositions existantes justifiée principalement par l’importance des fonctions exercées par le syndic. Il est cependant pertinent de noter que dans cette affaire, l’administré avait consenti à ce que le syndic ait accès à l’ordinateur d’où furent extraites les données, bien qu’il prétendait que cet ordinateur ne contenait que des données personnelles. Ce faisant, la Cour supérieure n’a pas eu à se prononcer sur l’existence d’un pouvoir permettant de forcer l’accès aux données, se limitant plutôt au pouvoir d’en faire une copie.

* * *

Cela termine la présente section portant sur les pouvoirs de contrainte permettant d’obtenir l’information nécessaire à l’exercice de la compétence des acteurs de l’Administration. Les dispositions sous étude visaient les formes les plus usuelles de ce qui constitue un pouvoir de contrainte et, conséquemment, leurs effets juridiques se conçoivent relativement bien. Néanmoins, cette section aura permis de démontrer la diversité des pouvoirs, de leur application et des façons de les mettre en place, malgré un

64

objectif souvent constant d’un cas à l’autre. Cela soulève déjà un doute quant à l’opportunité d’opter pour des habilitations au cas par cas et quant aux libellés parfois utilisés. Quant à la prochaine section, elle porte sur les pouvoirs de contrainte et accessoires qui ont pour objectifs d’éliminer les entraves à la collecte d’informations et de permettre à l’acteur de l’Administration de s’assurer de l’application de la Loi à l’occasion de cette collecte d’informations. Compte tenu que leur application est d’autant plus abstraite, cette seconde section permettra d’observer si ces constats se confirment lorsque l’objet de l’étude s’éloigne de la contrainte usuelle.

65

PARTIE II : L’ÉLIMINATION DES ENTRAVES ET L’APPLICATION DE LA LOI