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Le pouvoir d’ordonner la cessation d’une contravention ou la prise de

Partie II : L’élimination des entraves et l’application de la loi par l’acteur de

Section 2 : Dispositions permettant d’assurer l’application de la loi à l’occasion de la

2.2.1 Le pouvoir d’ordonner la cessation d’une contravention ou la prise de

Au sein de l’échantillon, quatre habilitations bénéficiant d’un pouvoir d’ordonner la cessation d’une infraction ont été identifiées. Dans trois de ces quatre cas, les dispositions mettant en place un tel pouvoir, adoptées entre 1978 et 2010, prévoient simplement la possibilité pour l’acteur de l’Administration d’ordonner la cessation de la contravention reprochée350, l’acte reproché351 ou les activités exercées sans droit352.

La Loi sur la santé publique contient une disposition plus spécifique à l’objet de la loi, en prévoyant que les directeurs de la santé publique peuvent « ordonner la cessation d'une activité ou la prise de mesures de sécurité particulières si c'est cette activité qui est une source de menace pour la santé de la population » 353.

On constate cependant que ce type d’ordonnance semble superfétatoire dans la mesure où tout administré doit respecter la loi. Ainsi, un administré est généralement déjà tenu de mettre fin à une contravention sans qu’il lui soit ordonné de le faire. L’ordonnance de cesser une contravention semble faire plutôt office de préavis adressé à l’administré à l’effet que l’acteur de l’Administration considère qu’il y a infraction à la loi. En effet, tel qu’il sera exposé à la section 2.2.3 de la présente partie, chacune des habilitations jouissant d’un pouvoir d’ordonner la cessation d’une contravention se voit aussi octroyer le pouvoir d’obtenir l’exécution forcée d’une ordonnance par les tribunaux.

À l’opposé, d’autres habilitations jouissent plutôt du pouvoir d’ordonner des mesures spécifiques permettant de corriger des problématiques identifiées354 et liées à l’objet de la

350 Loi sur la protection du territoire et des activités agricoles, préc., note 69, article 14. 351 Loi sur la protection de la jeunesse, préc., note 171, article 25.2.

352 Loi sur l'aménagement durable du territoire forestier, préc., note 108, article 68. 353 Loi sur la santé publique, préc., note 35, article 106.

354 Rebuts solides canadiens inc. et Syndicat canadien de la fonction publique, section locale 301, préc., note 324, par. 228.

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loi355. Les dispositions mettant en place un tel pouvoir peuvent ouvrir la porte à une grande

diversité de mesures, pouvant aller jusqu’à la démolition complète d’un édifice dans certaines circonstances356.

Le plus vieil exemple de ce type de pouvoir identifié à l’échantillon a été adopté en 1979 dans la Loi sur la santé et la sécurité du travail357. L’article 182 de cette loi fait l’objet d’un

contentieux important à l’occasion duquel la Commission des lésions professionnelles a considéré que le pouvoir d’émettre un avis de correction constitue une mesure moins préjudiciable que l’ordonnance d’arrêt des activités et qui permet « de répondre à des situations moins urgentes ou de moindre gravité »358.

La Commission des lésions professionnelles conclut aussi que les mesures ordonnées n’ont pas à correspondre à des normes définies359 et, dans une certaine mesure,

pourraient même viser un tiers plutôt qu’un administré directement visé par la loi360.

Les dispositions octroyant le pouvoir d’ordonner des mesures correctrices varient cependant quant au libellé utilisé. Ainsi, parmi les neuf dispositions identifiées dans l’échantillon de lois, on retrouve les pouvoirs suivants :

 le pouvoir d’exiger des mesures corrigeant certaines non-conformités et de fixer le délai pour les effectuer361;

 le pouvoir d’exiger des mesures correctives déterminées362;

 le pouvoir d’exiger des mesures correctives déterminées et de fixer le délai pour les effectuer363;

355 P. ISSALYS et D. LEMIEUX, préc., note 20, p. 159.

356 9175-7468 Québec inc. c. Montréal (Ville de), 2015 QCCA 811, par. 32-34, 46-47, 71-74. 357 Loi sur la santé et la sécurité du travail, préc., note 121, articles 182 et 217.

358 9282-4614 Québec inc. et CPQMC international, préc., note 323, par. 20-21; 9182-9119 Québec

inc. et CPQMC international, préc., note 323, par. 46-47. Voir aussi : Leblanc et Commission de la santé et de la sécurité du travail, préc., note 323, par. 53.

359 Rebuts solides canadiens inc. et Syndicat canadien de la fonction publique, section locale 301, préc., note 324, par. 749-750; Société de transport de Montréal (gestion du patrimoine) et

Association accréditée de la Société de transport de Montréal, 2010 QCCLP 7240 (requête en

révision rejetée, C.L.P., 04-04-2011, 377010-71-0905-R et 377010-71-0905), par. 71.

360 Collège d'enseignement général et professionnel Bois-de-Boulogne et Éco-Centre l'Acadie, [2002] C.L.P. 192 (requête en révision judiciaire rejetée, C.S., 17-01-2003, 500-05-073290-023), par. 40-42, 54-57.

361 Loi sur la santé et la sécurité du travail, préc., note 121, article 182; Loi sur les services de garde

éducatifs à l'enfance, préc., note 54, article 74.

362 Loi sur la santé et la sécurité du travail, préc., note 121, article 217; Loi sur l'aménagement

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le pouvoir d’exiger des mesures correctives temporaires364;

 le pouvoir d’ordonner de prendre les mesures énumérées dans la loi365;

 à la fois le pouvoir d’ordonner de prendre les mesures énumérées dans la loi, le pouvoir d’ordonner de respecter des directives et celui d’exiger toute autre

mesure366.

Soulignons au passage la forme peu commune que prend l’article 25.2 de la Loi sur la

protection de la jeunesse : « La Commission peut recommander la cessation de l'acte

reproché ou l'accomplissement, dans le délai qu'elle fixe, de toute mesure visant à corriger la situation. ». À la lecture de cette disposition seule, la Commission des droits de la personne et de la jeunesse ne peut donc que recommander des mesures correctrices qui, selon le sens usuel des mots, ne seraient pas obligatoires. Néanmoins, ces recommandations prennent un caractère contraignant à la lecture de l’article 25.3 de cette même loi, lequel spécifie que la Commission peut saisir le tribunal lorsque sa recommandation n’a pas été suivie dans le délai imparti.

La diversité des libellés crée une certaine confusion dans l’interprétation de ces pouvoirs et de leur portée. Par exemple, les mentions expresses de la possibilité de fixer un délai dans certains cas pourraient signifier que les autres libellés ne permettent pas de fixer un tel délai. Or, si tel était le cas, la contrainte résultant d’une telle ordonnance devient rapidement théorique.

De même, le fait que certaines dispositions habilitent spécifiquement à déterminer les mesures à prendre emporterait l’impossibilité de le faire dans les autres cas. Telle semble être l’interprétation de la Commission des lésions professionnelles en ce qui concerne l’article 182 de la Loi sur la santé et la sécurité du travail, lequel permet à l’inspecteur de la CSST d’enjoindre un employeur à se conformer à la loi, tout en lui laissant le choix des moyens367. Dans ces circonstances, le pouvoir d’ordonner des mesures correctrices

devient comparable au pouvoir d’ordonner la cessation d’une contravention.

363 Loi sur la protection de la jeunesse, préc., note 171, article 25.2.

364 Loi sur la sécurité du transport terrestre guidé, préc., note 54, article 76.

365 Loi sur la protection du territoire et des activités agricoles, préc., note 69, article 14; Loi sur

l'aménagement durable du territoire forestier, préc., note 108, article 205.

366 Loi sur la santé publique, préc., note 35, article 106.

367 Rebuts solides canadiens inc. et Syndicat canadien de la fonction publique, section locale 301, préc., note 324, par. 927.

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À l’opposé, la Cour d’appel du Québec a cependant reconnu que l’acteur de l’Administration, même s’il était habilité à dicter des mesures précises, n’était pas tenu de le faire. À ce propos, la Cour écrit :

Le second volet est aussi facile à comprendre et à exécuter. À défaut par l'intimé de donner au bâtiment une vocation agricole, il devra dans un délai de deux mois remettre le lot visé dans son état antérieur. Le résultat dans ces circonstances ne peut être obtenu que par le déménagement ou la démolition des travaux déjà exécutés. Il laisse à l'intimé le choix de la solution.

Quant à la modification de la vocation du bâtiment, ce sera, en temps et lieu, une question d'appréciation des faits, comme dans tous les autres cas où une partie invoque le manquement à une injonction et prétend à outrage. Il appartiendra alors à la Cour supérieure, compte tenu de la preuve administrée par les parties, de déterminer la présence de contravention à la loi, à l'ordonnance de la Commission et à l'injonction de la Cour supérieure. […]368

De plus, l’acteur de l’Administration conserverait une grande discrétion dans le choix des mesures correctrices qu’il impose à l’administré. Ainsi, dans une affaire où la Commission de protection du territoire agricole avait ordonné la destruction de bâtiments dérogatoires, le juge Théroux de la Cour du Québec écrit :

[81] Il ressort de l'étude des précédents soumis par les appelants qu'il n'existe aucune règle jurisprudentielle contraignante permettant d'affirmer, comme ils le plaident, qu'une ordonnance de démolition ou de déplacement de bâtiments dérogatoires et de remise en état des lieux est abusive et déraisonnable lorsqu'il pourrait être possible d'utiliser le tout en lui donnant une vocation agricole, si ténue soit-elle.

[…]

[88] Vu la législation applicable et l'état du droit sur la question, la simple prétention voulant qu'il soit éventuellement possible de transformer les bâtiments dérogatoires et leur donner une éventuelle vocation de remisage de matériel agricole est insuffisante, à elle seule, pour enrayer les pouvoirs confiés par la loi à la Commission et au TAQ d'en ordonner la démolition ou le déplacement.

[89] Adhérer à l'argumentation soumise par les appelants équivaudrait à accepter à l'avance de neutraliser les pouvoirs de l'art. 14 LPTAA à chaque fois qu'on prétendrait que des constructions, bâtiments ou aménagements dérogatoires peuvent être convertis en une vocation agricole.

[90] Soit dit avec égards, c'est plutôt cette position qui apparaît déraisonnable.369

368 Commission de protection du territoire agricole du Québec c. Houle, J.E. 99-2286 (C.A.), p. 5. 369 Bernier c. Tribunal administratif du Québec (Section du territoire et de l'environnement), 2011 QCCQ 16094, par. 81, 88-90.

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