• Aucun résultat trouvé

Le pouvoir d’obtenir l’exécution forcée d’un pouvoir de contrainte par les

Partie II : L’élimination des entraves et l’application de la loi par l’acteur de

Section 2 : Dispositions permettant d’assurer l’application de la loi à l’occasion de la

2.2.3 Le pouvoir d’obtenir l’exécution forcée d’un pouvoir de contrainte par les

disposition permettant expressément le recours aux tribunaux afin d’obtenir l’exécution forcée d’un pouvoir de contrainte de l’acteur de l’Administration.

La Loi sur la protection du territoire et des activités agricoles fournit l’exemple le plus ancien de ce type de disposition, mais pourtant l’un des plus complets373. Adopté en 1978,

l’article 85 de cette loi établit d’abord la possibilité pour l’acteur de l’Administration d’obtenir d’un juge de la Cour supérieure une ordonnance enjoignant l’administré à se conformer à l’ordonnance émise contre lui par l’Administration. L’article 86 précise qu’à l’occasion de cette ordonnance, la Cour supérieure peut autoriser l’acteur de l’Administration à exécuter lui-même les travaux et, tel que spécifié dans la section précédente, à inscrire un avis au registre foncier dont l’inscription constitue une hypothèque légale en faveur du gouvernement.

À l’opposé, la Loi sur la protection de la jeunesse contient une disposition particulièrement générale afin d’habiliter l’acteur de l’Administration à recourir aux tribunaux, prévoyant simplement que « La Commission peut saisir le tribunal lorsque sa recommandation n'a pas été suivie dans le délai imparti ». Cette disposition, adoptée en 1984, ne fournit donc aucune précision quant à l’instance qui peut être saisie ni sur la nature des conclusions qui peuvent être recherchées.

Les six autres habilitations identifiées se voient octroyer le pouvoir de s’adresser aux tribunaux par le biais de dispositions adoptées près de vingt ans plus tard, à compter de 2001. Ces dispositions sont relativement uniformes, permettant de s’adresser à une

372 Loi sur la qualité de l'environnement, préc., note 37, article 119.

114

instance déterminée afin d’obtenir, selon le cas, une ordonnance de se conformer374,

toute ordonnance appropriée375 ou les deux376.

Le libellé de l’article 39.2 de la Loi sur l’administration fiscale, qui est identique à celui de l’article 39 de la Loi sur les biens non réclamés, présente cette particularité qu’il prévoit jusqu’à la procédure d’appel des décisions rendues par les tribunaux saisis par l’acteur de l’Administration :

39.2 […] L'ordonnance peut faire l'objet d'un appel devant la Cour d'appel, avec la permission d'un juge de cette cour.

Toutefois, l'appel n'a pas pour effet de suspendre l'exécution de l'ordonnance, sauf si le juge saisi de l'appel en décide autrement. Ce jugement est sans appel.

Saisi d’une demande d’exécution forcée d’une ordonnance émise par un acteur de l’Administration, le tribunal doit s’assurer de la légalité de l’ordonnance dont on lui demande de forcer l’exécution377. Ainsi, le tribunal pourra refuser d’accorder les

conclusions demandées s’il juge que l’ordonnance d’origine était abusive378.

Le statut du pouvoir d’obtenir l’exécution forcée d’une ordonnance par les tribunaux présente cependant une certaine confusion. D’une part, l’existence d’une disposition prévoyant un tel pouvoir empêche l’acteur de l’Administration de se prévaloir d’un autre recours :

Le Législateur a prévu spécialement que la Commission puisse rendre des ordonnances pour faire cesser des violations à la Loi. La Cour n'est pas prête à se substituer à la Commission pour rendre des ordonnances que cette dernière a le pouvoir d'émettre pour l'unique motif que la Commission s'éviterait de devoir recourir à l'article 85 de la Loi. Si, par contre, la Commission, par la présente requête, recherche la mise en force de son ordonnance, elle doit recourir aux formalités prévues à l'article 85 de la Loi et non pas utiliser le présent recours.379

374 Loi sur la santé publique, préc., note 35, article 110; Loi sur l'aménagement durable du territoire

forestier, préc., note 108, article 68.

375 Loi sur la santé publique, préc., note 35, article 105.

376 Loi sur l'administration fiscale, préc., note 34, article 39.2; Loi sur les biens non réclamés, préc., note 84, article 39.

377 Berger c. Agence du revenu du Québec, préc., note 86, par. 51-59; Agence du revenu du

Québec c. Azran, 2014 QCCQ 12449.

378 Québec (Sous-ministre du Revenu) c. 6217125 Canada inc., préc., note 89, par. 30-32.

379 Commission de protection du territoire agricole du Québec c. R. Racicot Ltée, J.E. 85-43 (C.S.), p. 6-8.

115

D’autre part, on retrouve dans la jurisprudence d’autres exemples où un tribunal accepte de forcer l’exécution d’un pouvoir de contrainte même en l’absence de disposition habilitante, lorsque l’intervention du tribunal semble nécessaire :

[37] Les faits allégués à la requête et à la déclaration sous serment du syndic adjoint devaient être tenus pour avérés par le juge Blanchet. Or, ceux-ci justifiaient la mise en œuvre d'une enquête disciplinaire et permettaient au juge Blanchet de conclure raisonnablement qu'il s'agissait d'un de ces cas exceptionnels où une ordonnance d'assistance s'avérait nécessaire pour préserver l'accès à des documents pertinents dont un syndic peut exiger la remise sur simple demande. On ne saurait prétendre que le juge a alors abusé de sa discrétion ou commis une erreur révisable dans son évaluation de la preuve afin de conclure qu'il était en présence d'un cas justifiant une telle ordonnance.380

Néanmoins, bien que l’absolue nécessité d’une habilitation ne soit pas démontrée, il n’en demeure pas moins qu’une habilitation claire semble orienter le débat sur la légalité de la contrainte exercée, tel qu’exposé plus haut, plutôt que sur l’absolue nécessité de l’ordonnance recherchée, laissant peut-être ainsi une plus grande liberté d’action à l’Administration.

2.3 - SANCTIONS

Se distinguant des sections précédentes, les dispositions étudiées dans cette section sont de nature punitive (et non pénale) plutôt que conservatoire ou réparatrice. Les pouvoirs décrits ici visent donc à décourager la désobéissance aux pouvoirs de contrainte des acteurs de l’Administration en mettant en place des sanctions généralement de nature purement pécuniaire.

Les dispositions de ce type se divisent en deux grandes catégories obéissant à des règles distinctes soit, d’une part, l’interdiction d’entraver et, d’autre part, les sanctions prévues à la LCE.