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Potentiel thérapeutique de l’utilisation d’agonistes des DR en cancérologie.

I. 2.7.1.3 Les IAPs.

I.5. Potentiel thérapeutique de l’utilisation d’agonistes des DR en cancérologie.

La potentielle utilisation thérapeutique d’agonistes du récepteur CD95 en thérapie anticancéreuse a été rapidement freinée par l’observation initiale que l’utilisation de CD95L, ou d’anticorps agonistes anti-CD95, s’accompagne d’une hépatite fulminante chez la souris (Ogasawara et al., 1993 ; Huang et al., 1999). Comme alternative à l’utilisation d’agonistes, plusieurs groupes ont testé in vitro et chez la souris, une stratégie de thérapie génique permettant l’expression de CD95L et ont obtenu des résultats prometteurs. Par exemple, l’injection de vecteurs adénoviraux permettant l’expression de CD95L dans les cellules tumorales induit une régression de tumeurs de carcinome colique chez la souris (Arai et al., 1997). Toutefois, ceci n’a à ce jour aboutit à aucun essai clinique. Seul l’APO010, ou Mega- FasLigand, un CD95L humain formé de 3 domaines extra-cellulaires de CD95L associés en dimères, qui présente un effet hépatotoxique réversible, est en cours d’essai clinique de phase I chez des patients souffrant de cancers solides.

Alors que l’utilisation de CD95L ou d’anticorps agonistes a été associée à d’importants effets toxiques, l’utilisation d’analogues de TRAIL, a priori moins toxiques sur les cellules saines, semble plus envisageable en thérapie anti-cancéreuse. Dès la fin des années 1990, plusieurs groupes ont mis en évidence in vivo cet intérêt potentiel d’agonistes des récepteurs de TRAIL en thérapie anti-cancéreuse, en monothérapie ou en association à diverses molécules. Concernant l’innocuité de TRAIL, une étude a d’abord mis en évidence que des injections intraveineuses répétées de TRAIL à des singes ne sont pas toxiques. De plus, l’injection intra-péritonéale ou intra-tumorale de TRAIL à des souris Nude xénogréffées avec des cellules cancéreuses coliques humaines, permet de réduire l’établissement et la progression tumorale et augmente la survie des animaux (Ashkenazi et al., 1999). Plusieurs types d’agonistes aux récepteurs de TRAIL ont été générés : du TRAIL recombinant humain, rhTRAIL, mais également des constructions qui favorisent son oligomérisation, comme les TRAIL étiquetés FLAG ou Histidine (FLAG-TRAIL et His-TRAIL) ainsi que leucine zipper et isoleucine zipper (TRAIL (LZ)-TRAIL et (IZ)-TRAIL). Des groupes ont également généré des anticorps agonistes dirigés contre les récepteurs TRAILR1 ou R2, dont la toxicité pourrait

s’exercer sur des cellules cancéreuses malgré l’expression éventuelle de récepteurs leurres. Plusieurs études laissent penser que l’utilisation de certaines formes de TRAIL pourrait induire une hépatotoxicité et ont ainsi remis en cause leur utilisation potentielle en clinique. Ainsi, His-TRAIL induit l’apoptose d’hépatocytes humains en culture (Jo et al., 2000). Certaines études ont suggéré que LZ-TRAIL et rhTRAIL, efficaces pour diminuer la progression tumorale, ne semblent pas avoir d’effet hépatotoxique in vivo (Ashkenazi et al., 1999 ; Walczak et al., 1999 ; Lawrence et al., 2001). Toutefois, une étude a mis en évidence que LZ-TRAIL, IZ-TRAIL et FLAG-TRAIL sont toxiques vis-a-vis d’hépatocytes fraichement isolés. Cet effet cytotoxique semble dépendre du nombre de passages effectués sur les hépatocytes primaires en culture. Seul le TRAIL recombinant non étiqueté n’a pas d’effet cytotoxique même sur des hépatocytes fraichement isolés (Ganten et al., 2006). Une étude de phase I, réalisée sur 71 patients souffrant de différents types de cancers avancés, a mis en évidence que l’administration intraveineuse répétée de doses croissantes de TRAIL recombinant humain non étiqueté est relativement bien toléré, mais ne permet généralement qu’une stabilisation de la maladie (Herbst et al., 2010). Certains groupes ont également généré des anticorps agonistes des récepteurs TRAILR1 ou R2, qui présentent une demi-vie augmentée en comparaison au TRAIL recombinant. Ces anticorps semblent être efficaces et peu toxiques chez la souris. Par exemple, l’utilisation d’un anticorps agoniste monoclonal spécifique anti-TRAILR-2 (TRA-8) permet de diminuer la croissance de différentes tumeurs sans induire d’effet hépatotoxique, contrairement au FLAG-TRAIL utilisé en comparaison dans cette étude (Ichikawa et al., 2001). Plusieurs anticorps anti-TRAILR humains ont été généré, la plupart ciblant TRAILR2 et un, le mapatumumab, ciblant TRAILR1. Un essai de phase I de monothérapie avec du lexatumumab, qui cible TRAILR2, a été réalisé permettant d’observer que cet anticorps est bien toléré, permet une stabilisation durable de la maladie chez un tiers des patients mais aucune réponse partielle (Plummer et al., 2007). Le même type d’observations, c’est-à-dire une bonne tolérance mais une efficacité limitée, a été réalisé suite à plusieurs essais cliniques utilisant des anticorps agonistes en monothérapie. D’autres essais associant anticorps agonistes, ou TRAIL recombinant, et chimiothérapie ont alors été menés pour tenter d’améliorer l’efficacité anti-tumorale du traitement.

L’induction d’apoptose par TRAIL, tout comme ce qui est observé pour des molécules de chimiothérapie ou CD95L, est variable selon la lignée cellulaire concernée comme mentionné ci-dessus, mais également au sein de populations cellulaires. Cette variabilité pourrait à la fois être la résultante de variations génétiques des différents composants de la

signalisation apoptotique mais également d’une variabilité épigénétique qui semble être particulièrement importante (Spencer et al., 2009). Ainsi, l’utilisation d’agonistes des récepteurs de TRAIL, en association avec des molécules de chimiothérapies, décrites comme pouvant moduler le niveau et l’activation de certains de ces composants, pourrait également être une solution prometteuse pour espérer éviter toute maladie résiduelle. In vitro, de nombreuses études ont mis en évidence que le potentiel cytotoxique de TRAIL peut être augmenté par le pré-traitement ou le co-traitement avec des molécules de chimiothérapie, qui, non seulement activent la voie mitochondriale, mais aussi régule l’expression des récepteurs de TRAIL et de molécules de signalisation telle que FLIP (cf. chapitre I.2.7.3). Ainsi, certains groupes ont testé in vivo chez la souris ce type d’association. Un étude a, par exemple, mis en évidence l’effet synergique anti-tumoral de l’utilisation d’association 5FU-TRAIL ou CPT- 11, un inhibiteur de la topoisomérase I, TRAIL (Ashkenazi et al., 1999). Une autre étude a mis en évidence que des injection répétées de LZ TRAIL permettaient de supprimer la croissance de tumeurs d’adénocarcinomes mammaires humains xénogréffées chez des souris SCID (Walczak et al., 1999). Cet effet s’accompagne au niveau microscopique de zones de nécrose apoptotique, au niveau tumoral, observées dans les 9-12 heures suivant l’injection (Walczak et al., 1999). Chez l’homme, des essais cliniques utilisant des associations d’anticorps agonistes des TRAILRs ou de rhTRAIL avec différentes chimiothérapies ont été débutées. Un essai de phase I, associant mapatumumab (anti-TRAIL-R1) paclitaxel et carboplatine, mené chez 21 patients souffrant de divers cancers solides a permis d’observer une bonne tolérance du traitement menant à une réponse partielle chez 5 patients et une stabilisation de la maladie chez 12 patients (Leong et al., 2009). Il a également été testé l’effet d’une association rhTRAIL, paclitaxel, carboplatine et bevacizumab chez 24 patients atteints de cancers du poumons non à petites cellules à des stades avancés (Soria et al., 2010). Les auteurs ont observé que ce traitement était bien toléré et avait permis d’obtenir une réponse complète chez un des patients et 13 réponses partielles (Soria et al., 2010). Cette association est maintenant en cours d’étude de phase II. Les thérapies combinées d’agonistes de TRAILRs avec des molécules chimiothérapeutiques pour le traitement de pathologies cancéreuses semblent donc prometteuses.