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Conséquences pathologiques des altérations du métabolisme sphingolipidique : les sphingolipidoses.

II. Les sphingolipides.

II.2. Conséquences pathologiques des altérations du métabolisme sphingolipidique : les sphingolipidoses.

L’importance des sphingolipides dans la physiologie a été particulièrement mise en évidence par l’identification de plusieurs sphingolipidoses, des maladies associées à des défauts de leur métabolisme, le plus fréquemment de leur catabolisme (pour une revue détaillée, Sabourdy et al., 2008). Les sphingolipidoses peuvent également être liées à un défaut d’adressage des enzymes du métabolisme à leur compartiment subcellulaire habituel ou à un déficit de cofacteur enzymatique. Potentiellement également, des altérations du transport des sphingolipides eux-mêmes pourraient aussi conduire à des pathologies similaires. De nombreux groupes de recherche ont généré des souris déficientes en certaines enzymes du métabolisme des sphingolipides permettant une meilleure compréhension du rôle physiologique et physiopathologique de ces différents lipides. Les sphingolipidoses sont caractérisées par l’accumulation d’un sphingolipide en particulier, le plus souvent au sein du compartiment endolysosomal et la plupart de ces maladies font donc partie d’un ensemble de maladies dites de surcharge lysosomale. L’apparition de ces pathologies pourrait être la résultante, non seulement, de l’accumulation du substrat, mais également de la diminution des produit(s) de la réaction enzymatique concernée, voire des deux phénomènes.

Concernant les enzymes lysosomales du métabolisme sphingolipidique, leur localisation nécessite leur adressage à cet organite. Cet adressage dépend de la présence d’un mannose-6-phosphate, modification post-traductionelle qui a lieu au sein de l’appareil de Golgi via l’action successive de deux enzymes sur des oligosaccharides riches en mannose : l’ajout d’un groupement N-acétylglucosamine-1-phosphate puis le retrait du groupement N- acétylglucosamine. Le mannose-6-phosphate ainsi exposé interagit avec un récepteur mannose-6-phosphate au niveau du trans-golgi, permettant l’adressage des enzymes vers le lysosome. Le déficit en N-acétylglucosamine-1-phosphotransférase conduit à l’apparition d’une maladie génétique rare nommée I-Cell-Disease, (pour revue, Kollmann et al., 2010). Cette maladie est en effet caractérisée par la présence d’inclusions au sein des lysosomes, particulièrement enrichies en sphingolipides qui ne peuvent être dégradés en raison d’un défaut de mannose-6-phosphorylation et donc d’adressage de plusieurs enzymes lysosomales du catabolisme des sphingolipides. Les patients présentent généralement plusieurs signes morphologiques et psychiques, tels qu’une hépatomégalie, des dysmorphies faciales, des limitations articulaires, un retard psychomoteur. La maladie conduit au décès des patients au cours des 8 premières années de vie par complications cardiorespiratoires. Il est à noter que des récepteurs mannose-6-phosphate et mannose sont également exprimés à la surface cellulaire et permettent l’endocytose d’enzymes mannose-6-phosphorylées extracellulaires vers le lysosome, mécanisme mis à profit pour des enzymothérapies substitutives pour le traitement de certaines maladies lysosomales. Certaines enzymes, comme la GlucosylCéramidase, sont adressées au lysosome indépendamment de la présence d’une résidu mannose-6-phosphate (Reczek et al., 2007).

De nombreuses pathologies sont liées à des défauts de dégradation des GSLs au sein du lysosome (Figure 21), seules certaines seront evoquées dans la suite de ce paragraphe. De nombreuses hydrolases sont responsables de la dégradation des GSLs et l’absence de l’une d’entre elles induit l’accumulation de son substrat respectif et peut conduire à l’apparition d’une pathologie de surcharge lysosomale. Par exemple, des mutations ponctuelles, ou des délétions du gène codant pour la GalCér !-galactosidase, provoque la maladie de Krabbe chez l’Homme, une leucodystrophie récessive fatale au cours de la petite enfance (Suzuki & Suzuki, 1970). Au niveau sphingolipidique, cette pathologie se caractérise notamment par une accumulation de psychosine (ou galactosyl-sphingosine), un sphingolipide normalement présent à l’état de traces chez l’individu sain, qui serait à l’origine des anomalies cellulaires

observées au cours de cette pathologie. Il existe plusieurs modèles murins de la maladie de Krabbe, un qui correspond strictement à la maladie génétique humaine, avec une mutation de la GalCér !-galactosidase, et un autre qui correspond à une mutation de la saposine A, un cofacteur activateur de cette enzyme. La maladie de Gaucher est la sphingolipidose liée à un défaut de dégradation de GSLs la plus fréquente, avec une incidence de 1/60000 par an en France. Elle résulte d’une déficience en glucosylcéramidase et en une accumulation de GlcCer au niveau lysosomal. Il est à noter que les patients atteints de la maladie de Gaucher ont un risque accru de développer certaines pathologies cancéreuses telles que le myélome multiple et des carcinomes hépatocellulaires (De Fost et al., 2006), ce qui laisse penser que certaines anomalies du métabolisme sphingolipidique pourraient être pro-tumorales.

Des mutations homozygotes dans le gène SMPD1, qui code pour la SMase acide conduisent à l’apparition d’une maladie de surcharge lysosomale, la maladie de Niemann- Pick (Brady et al., 1966). Cette maladie se caractérise par une accumulation de SM lysosomale dans plusieurs tissus et se traduit par des symptômes plus ou moins marqués tels que des atteintes neurologiques, une hépatosplénomégalie et une atteinte pulmonaire. Les malades présentant les différents symptômes, dont la neuropathie, souffrent d’un Niemann Pick de type A, avec une perte totale d’activité sphingomyélinasique acide, et décèdent généralement dans les trois premières années de leur vie. A l’inverse, les patients atteints de la forme, non neurologique, de type B, ont une activité sphingomyélinasique acide résiduelle et peuvent vivre jusqu’à l’âge adulte. Des souris KO pour la aSMase ont été générées. Ces souris présentent des atteintes nerveuses qui s’aggravent au fil du temps, une atrophie cérébrale, des taux de SM particulièrement élevés dans le foie et le cerveau et un poids corporel réduit par rapport au souris sauvages. Elles meurent prématurément à l’âge de 8 mois (Horinouchi et al., 1995).

Des mutations du gène ASAH1, codant pour la céramidase acide, sont responsables d’une maladie héréditaire autosomique récessive rare : la maladie de Farber. Les patients atteints de cette maladie présentent généralement des atteintes neurologiques, associées à une hépato-splénomégalie, des vomissements, de l’arthrite et des adénopathies. Ils décèdent au cours de la petite enfance. Les souris KO pour ce gène meurent au cours du développement embryonnaire tandis que certaines cellules, notamment hépatiques, d’animaux hétérozygotes

présentent une accumulation de vacuoles lipidiques intracellulaires au cours du temps (Li et al., 2002).

Concernant les enzymes de l’anabolisme sphingolipidique, des mutations ponctuelles du gène SPTLC1 codant pour SPT1 induisent une neuropathie héréditaire sensitive et autonomique de type I, maladie dominante rare (Dawkins et al., 2001 ; Bejaoui et al., 2001). Cette maladie est caractérisée par une dégénération progressive des neurones sensitifs, avec une apparition de symptômes vers 20-30 ans. Les souris KO pour ce gène ou pour SPTLC2 meurent à l’état embryonnaire (Hojjati et al., 2005).

Figure 21 : Principales maladies liées à un défaut de dégradation des sphingolipides. Les noms des différentes pathologies et la réaction catalytique affectée correspondante sont représentées en gras. Les sialidoses, pathologies résultant d’un déficit en sialidases, enzymes qui retirent les groupements d’acides sialiques, ne sont pas représentées ici. Cer : ceramide, GalNAc : N-acetylglucosamine, SA : acide sialique (Ginzburg et al., 2004).