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Chapitre 2 : Analyse dendroécologique de la pruche (Tsuga canadensis) et du pin blanc (Pinus

2.4. Discussion

2.4.4. Activité des insectes défoliateurs

2.4.4.3. Potentiel d’analyse d’une espèce hôte secondaire de la TBÉ

Bien que la reconstitution de l’historique des épidémies de la TBÉ repose généralement sur des séries confectionnées à l’aide du sapin baumier et de l’épinette blanche, les deux espèces hôtes principales de cet insecte, notre reconstitution à long terme (près de 500 ans) a été effectuée sur la base d’une espèce hôte secondaire de la TBÉ, la pruche (Martineau, 1985 ; MacWilliams et Schmidt, 2000). L’épinette rouge, considérée par certains comme une espèce hôte principale (Fraver et al., 2007), n’a permis de couvrir que les deux derniers siècles.

D’après Médoc et Beisel (2011), la pruche, en tant qu’espèce hôte secondaire, ne permet pas aux larves de la TBÉ d’atteindre leur plein développement. Ces dernières ne séjournent que peu de temps dans la couronne, de sorte que les arbres ont peu de chances de mourir des suites d’une défoliation. En raison de la perte d’une partie de leur feuillage, ceux-ci enregistrent tout de même une réduction de croissance en période épidémique. Le synchronisme des périodes de réduction de croissance chez la pruche et l’épinette rouge

témoigne de la capacité d’enregistrement du signal épidémique chez cette espèce hôte secondaire.

La pruche est donc une espèce très appropriée dans la reconstitution à long terme de l’activité de la TBÉ en raison 1) de sa grande longévité et ; 2) de sa résistance à plusieurs événements successifs de défoliation. Elle peut en effet atteindre un grand âge, soit 500- 600 ans (Farrar, 2001), bien que plusieurs espèces d’insectes s’y attaquent. Elle affiche une bonne capacité de récupération, même après une défoliation sévère par la TBÉ, comme ce fut le cas lors de l’épidémie survenue en 1984 dans le PNM (Bordeleau, 1984). Cet événement a causé une réduction de croissance modérée entre 1986 et 1997 chez les pruches, pourtant matures au moment de l’épidémie, alors que la mortalité fut très élevée chez le sapin baumier (Plante, communication personnelle)

Il est possible que le mode de développement architectural de la pruche la rende moins vulnérable que le sapin ou les épinettes aux effets de la défoliation, fut-elle sévère. Comme la TBÉ se nourrit d’abord des axes apicaux, le mode de croissance plagiotrope et la mortalité élevée chez les axes apicaux (Hibbs, 1981) feraient de la pruche une espèce moins attrayante pour la TBÉ, sauf en période de grande disette. L’abondance de son feuillage et sa capacité de réitération (à former de nouveaux axes de remplacement après un traumatisme) pourraient aussi expliquer sa facilité à récupérer après une défoliation. De plus, cette bonne capacité de récupération post-épidémique lui permet de rester attrayante pour les insectes à la différence des individus d’espèces hôtes principales qui généralement meurent en grand nombre après une épidémie. Dans un tel cas, il faut attendre que la régénération pré-établie forme la strate supérieure, ce qui entraîne un délai d’une trentaine d’années. Cette caractéristique permet à la pruche d’enregistrer des vagues d’épidémies plus rapprochées que les espèces hôtes principales.

Dans notre analyse, le début et la fin d’une épidémie donnée correspondent respectivement à l’année la plus ancienne et à l’année la plus récente comptant le pourcentage minimal d’arbres affectés (≥ 40%), chez l’une ou l’autre des deux espèces hôtes (pruche et épinette rouge). Si l’année correspondant au début d’une épidémie donné paraît relativement juste, la fin de la même épidémie est plus difficile à déterminer. Visiblement, cette difficulté peut entraîner une surestimation de la durée de certaines épidémies. Par exemple, les

événements de 1642-1670 chez la pruche (28 ans) et de 1865-1896 chez l’épinette rouge (31 ans) sont d’une durée deux fois plus longue que celle des épidémies de la TBÉ les plus longues, à savoir une quinzaine d’années (Blais, 1961 ; Martineau 1985 ; Belle-Isle et Kneeshaw, 2007). Cette durée correspond en fait à la période entière de réduction de croissance, laquelle comprend à la fois la période de défoliation et la reprise post- épidémique qui est parfois longue chez des arbres sévèrement défoliés. Il est possible aussi que ces longues périodes découlent de deux vagues de défoliation successives (Morin et al., 1993). En outre, les individus d’une espèce hôte secondaire semblent n’être affectés que durant quelques années qui peuvent d’ailleurs varier quelque peu d’un arbre à l’autre (Figure 2.8. A-C). De ce fait, les réductions de croissance, telles qu’enregistrées dans les séries dendrochronologiques chez l’ensemble des individus d’espèces hôtes secondaires, s’étendent sur des périodes plus longues que celles enregistrées dans les séries élémentaires.

Les courbes de croissance de quelques individus montrent que l’épinette rouge (Figure 2.8. A) subit plus durement que la pruche (Figure 2.8. B-C) les effets de la défoliation. Étant une espèce hôte secondaire, la pruche ne subit probablement qu’une défoliation légère ou modérée. De plus, les peuplements de pruche sont de nos jours peu étendus et s’insèrent dans une mosaïque végétale qui s’est beaucoup modifiée au fil du temps, au profit des arbres feuillus. Le caractère mixte de la mosaïque végétale pourrait donc causer une dilution du signal dendrochronologique relié à la défoliation chez cette espèce.

Figure 2.8. Courbes de croissance radiale (mm) A) d’une épinette rouge vivante, B) d’une pruche vivante, C) d’une pruche morte et D) série de référence (non indicée) du pin blanc. Les bandes grises représentent les périodes d’épidémie telles que décelées chez la pruche par l’entremise du logiciel Outbreak (Holmes, 1983).

2.4.4.4 Historique des épidémies dans les régions avoisinant la Mauricie tel qu’établi à