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Chapitre 2 : Analyse dendroécologique de la pruche (Tsuga canadensis) et du pin blanc (Pinus

2.3. Résultats

2.3.5. Années d’abattage du pin blanc et de la pruche

Les traces d’exploitation du pin blanc les plus anciennes ont été décelées au lac Benoit où une vieille bille de pin a été abattue vers la fin du 17e siècle, le dernier cerne visible étant

daté de 1693. Sur 10 autres billes, la distribution des années de formation du dernier cerne (entre 1803 et 1952) indique que l’exploitation du pin blanc au lac Benoit remonterait au début du 19e siècle et qu’elle se serait prolongée jusqu’au milieu du 20e siècle.

Au lac Isaïe, l’année maximale de coupe des 17 pins blancs est comprise entre 1753 et 1916. Le nombre de cernes externes manquants est de 12, en moyenne, mais il est plus élevé chez les billes les plus anciennes, respectivement de 26 et 57 chez les deux billes dont le cerne externe le plus ancien fut formé respectivement en 1753 et 1797. En raison du nombre peu élevé d’échantillons de pin blanc et du degré d’altération élevé des billes de bois, le début de l’exploitation du pin blanc dans le secteur du lac Isaïe est difficile à cerner, mais il se situerait aux environs de 1820. Le pin blanc y aurait été exploité jusque dans les années 1910.

Dans le secteur du lac Bouchard, du lac Français et du lac Aux Chevaux, les derniers cernes chez les quatre pins blancs échantillonnés sont datés entre 1832 et 1900. La structure en bois de pin blanc érigée à la décharge du lac Aux Chevaux aurait été construite durant la décennie 1850 (derniers cernes formés en 1855, 1856, 1858 et 1859). Ces années étant

rapprochées, il est probable que les cernes externes manquants soient peu nombreux. Les pins blancs dans le secteur du lac Aux Chevaux et du lac Français ont la particularité d’être les plus vieux arbres de tous les sites d’étude. Ils couvrent respectivement la période de 1440 à 1850 et de 1513 à 1832 (Figure 2.2. D). Aucune bille de pin blanc n’a été extraite du lac du Pimbina.

Au lac Solitaire, les pins blancs ont été trouvés en assez grande quantité (n = 34). Les cernes externes ont été datés entre 1828 et 1903. Prenant en compte le nombre moyen (15,6) de cernes manquants chez le pin blanc dans ce site (Tableau 2.3.), le secteur aurait été exploité entre 1840 et 1920. Bien que nous n’en ayons aucune trace dendrochronologique, les cartes d’exploitation forestière de la région indiquent que la dernière période d’exploitation du pin blanc dans le secteur du lac Solitaire remonte à 1961- 1962 (Gelinas, 1984).

Dans le secteur du lac Houle (Figure 2.1.), 4 des 9 billes de pin blanc échantillonnées au sol ont été interdatées. Les derniers cernes sont ceux de 1864, 1902, 1916 et 1924 qui ne sont pas les années d’abattage, mais l’année maximale de la coupe (Figure 2.4. A). Une fois la correction apportée aux billes bien conservées au sol par l’ajout de 31 années, soit le nombre moyen de cernes manquants chez le pin blanc dans ce site, les années d’abattage se situeraient vers 1895, 1933, 1947 et 1957. Les données historiques couvrant la période 1910-1970 obtenues des autorités du parc indiquent que le secteur a été exploité entre 1930 et 1949. Il est peu probable que ce secteur éloigné ait été exploité avant 1930, ce qui en fait le secteur le plus récemment exploité de notre aire d’étude.

Le secteur du lac Solitaire est celui qui présente les traces d’exploitation de la pruche les plus anciennes. Les rares pruches (n = 3) extraites de ce lac auraient été abattues entre 1870 et 1900. Dans le secteur du lac Isaïe, l’abattage de la pruche (n = 154) a essentiellement été effectué entre 1896 et 1911, en une quinzaine d’années (Figure 2.4. A-B). Environ 18 % des billes ont au moins un rayon complet, ce qui a permis de déterminer les années exactes d’abattage qui s’échelonnent entre 1901 et 1911 (Figure 2.4. A-B). L’interdatation dendrochronologique des autres échantillons de pruche (n = 131) a permis d’établir que le dernier cerne présent a été formé entre 1877 et 1915. Si l’on apporte la correction afin de tenir compte du nombre de cernes externes manquants, on peut conclure que c’est à la

charnière du 19e siècle et du 20e siècle que la pruche a fait l’objet de coupes dans le secteur du lac Isaïe.

Figure 2.4. A) Histogramme montrant les années de formation des derniers cernes annuels présents sur les billes de bois de flottage de pruche (vert et bleu) et de pin blanc (teintes de brun et orangé) dans l’ensemble des sites d’échantillonnage. En vert foncé, les années exactes d’abattage des tiges de pruche avec écorce. Les autres couleurs montrent les années maximales d’abattage déterminées sur des billes dont la partie externe est altérée (sans écorce), par secteur. B) Période d’exploitation par secteur (BEN : lac Benoît; ISA : lac Isaïe; SOL : lac Solitaire; HOU : secteur du lac Houle; BOU : lac Bouchard; PIM : lac du Pimbina; FR : lac Français) et par espèce (pin blanc en jaune, pruche en vert). La zone hachurée correspond à la correction qui a été appliquée afin de tenir compte de l’altération des tiges et des cernes externes manquants. C) Grandes phases d’exploitation de la forêt et principales compagnies exploitantes sur le territoire correspondant au Parc national de la Mauricie.

Les restes du barrage érigé à la décharge du lac Isaïe, bien que celui-ci fût construit en bois de pruche, n’ont pu être interdatés, car l’échantillon prélevé ne comprenait que 30 cernes annuels. À la charge du lac, cinq pièces d’une structure qui semble être un ancien barrage ou un pont, aussi en bois de pruche, ont été interdatées. La construction remonterait au tout début du 20e siècle (derniers cernes formés en 1904 et 1907), mais cette structure aurait été restaurée et réutilisée au cours de la décennie 1950 (derniers cernes formés en 1951, 1953 et 1954).

Les années d’abattage corrigées des pruches indiquent que les secteurs du lac Bouchard et du lac du Pimbina auraient été exploités à la charnière du 19e et du 20e siècles, soit au

même moment que le secteur du lac Isaïe.

La structure d’un ancien barrage au lac du Pimbina comprenait une pièce de bois de pruche équarrie dont le dernier cerne date de 1789, ainsi qu’une pièce de thuya (Thuya occidentalis L.) qui n’a pu être interdatée. Les cernes de l’aubier ont probablement été en grande partie supprimés lors de l’équarrissage, rendant impossible la datation précise de cette structure.

Enfin, l’exploitation de la pruche dans le secteur du lac Français semble plus récente (décennie 1920). Aucune pruche extraite du lac Benoit n’a pu être interdatée.