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Chapitre 5. Conclusion générale

5.1 Contributions de la thèse

Cette étude a permis d’apporter une contribution importante à la compréhension des facteurs qui influencent la croissance radiale de la pruche et du pin blanc, deux espèces de la forêt tempérée du sud du Québec dont l’abondance a beaucoup diminué au cours des derniers siècles. Ces conifères ont une grande longévité et les cernes annuels constituent, dans les deux cas, une source de données environnementales que nous avons tenté d’exploiter sous plusieurs aspects. Les billes de bois de flottage mises à notre disposition par les autorités du Parc national de la Mauricie ont permis de confectionner de longues séries dendrochronologiques dans une région où de telles séries n’existaient pas, et de documenter la croissance radiale de ces conifères pendant les 5-6 derniers siècles, les séries remontant à 1523 dans le cas de la pruche et à 1440 dans le cas du pin blanc. Les trois volets de cette thèse sont complémentaires, car nous abordons les principales perturbations qui ont influencé la croissance radiale chez ces espèces.

Le premier volet de la thèse (Chapitre 2) complète les connaissances que nous avons de l’historique de la coupe forestière dans le Parc national de la Mauricie. Les analyses dendrochronologiques ont révélé que la période d’exploitation du pin blanc a largement dépassé le cadre temporel décrit dans les documents historiques, tandis que celle de la pruche est conforme aux données qui ont trait à son exploitation, d’ailleurs plutôt concentrée dans le temps, à des fins de production du bois de sciage. Cette différence traduit, entre autres, le grand intérêt porté au pin blanc par l’industrie forestière, alors que la pruche est restée peu prisée. Encore aujourd’hui, certaines mesures visent à favoriser la régénération en pin blanc, notamment le brûlage dirigé, mais aucune ne vise à favoriser celle de la pruche dans les peuplements où cohabitaient pourtant ces deux espèces.

La chronologie des épidémies de la TBÉ, établie à l’aide de la pruche, est la plus longue produite à ce jour au Québec et dans l’est du Canada, bien qu’il s’agisse d’une espèce hôte secondaire de la TBÉ. La sensibilité de la pruche varie en fonction de la composition du peuplement dans lequel elle a crû. Dans les régions où abondent le sapin baumier et l’épinette blanche, deux espèces hôtes principales de la TBÉ, la pruche peut subir une

défoliation sévère, tandis que dans les régions où les forêts de feuillus dominent, elle y est peu affectée dans sa croissance radiale, la défoliation demeurant légère.

À l’échelle régionale, une augmentation de l’abondance du sapin baumier et de l’épinette dans les peuplements en régénération augmenterait la fréquence des épidémies de la TBÉ, mais diminuerait leur durée. Les relations entre la coupe forestière et les épidémies sont habituellement abordées sous l’angle de la production forestière, car la mortalité massive d’individus matures et la dégénérescence des forêts pendant et suivant les épidémies peuvent causer d’énormes pertes en bois. Cependant, l’impact de la coupe sur les épidémies de la TBÉ est plus rarement abordé. Ce volet de notre recherche apporte un nouvel éclairage sur les relations entre la croissance de la pruche et l’activité de cet insecte ravageur. À ce jour, aucun travail dendroentomologique n’a été consacré à ce conifère. Toutefois, l’analyse des épidémies d’insectes chez des individus qui ont été témoins de coupes sélectives demande un ajustement méthodologique. Les reprises de croissance qu’enregistrent ces arbres en réponse à l’ouverture du couvert atténuent, du moins en partie, les ralentissements de croissance découlant de la défoliation. Il est donc impératif de prendre en compte ce patron de croissance particulier et de procéder à une analyse de la croissance radiale par segments, dont la limite correspond à des moments charnières de l’exploitation des forêts.De plus, les études dendroclimatiques antérieures n’ont guère pris en compte la sensibilité de la pruche à l’activité des insectes défoliateurs.

En raison de l’importance de ces perturbations sur le patron de croissance de la pruche et du pin blanc, la question de la force du signal climatique dans les séries dendrochronologiques se pose. Le second volet de la thèse documente le potentiel dendroclimatique de ces deux espèces dans un contexte de perturbations multiples. Chez la pruche, les résultats montrent que dans les régions qui ont subi des prélèvements sélectifs et où le sapin baumier et l’épinette blanche, c'est-à-dire les espèces hôtes principales de la TBÉ, abondent, le patron de croissance est très perturbé. Aucun signal climatique n’est d’ailleurs ressorti des séries provenant de la Mauricie et de la région de Lotbinière. En Outaouais, où dominent les forêts de feuillus, la pruche est en dehors de la zone de vulnérabilité à la TBÉ. L’analyse dendroclimatique a permis de conclure que la croissance de la pruche est surtout influencée par les températures de mai et les précipitations de juillet.

Le pin blanc est moins sensible aux perturbations biotiques et il affiche une grande tolérance au regard des conditions climatiques et édaphiques. De ce fait, la qualité de la réponse climatique chez ce conifère dépend largement des contraintes associées à un stress thermique comme sur l’île d’Anticosti ou hydrique comme en Outaouais.

Dans le troisième volet de cette thèse, la présence généralisée de faux cernes chez le pin blanc de l’Outaouais nous a donné l’occasion d’approfondir un aspect particulier de la relation cernes annuels/climat, cette fois à l’échelle intraannuelle. Contrairement aux pins blancs des régions du centre du Québec (Mauricie et Lotbinière), ceux de l’Outaouais portaient de nombreux faux cernes, la majorité étant située dans la moitié distale du cerne annuel (près du bois final). Bien qu’elle ait été rapportée chez plusieurs espèces du genre Pinus, la formation de faux cernes n’avait pas encore été rapportée chez le pin blanc. L’activité du charançon du pin blanc n’a eu que peu d’impact sur les caractéristiques anatomiques du bois du pin blanc en Outaouais où les faux cernes constituent plutôt un indicateur de sensibilité à un stress hydrique. Notre étude a permis d’identifier les facteurs qui prédisposent à la formation de faux cernes (âge cambial des tiges et conditions de drainage) et ceux qui la déclenchent (stress hydrique pendant la saison de croissance). Nous avons aussi montré que les facteurs qui régissent la formation de faux cernes chez le pin blanc diffèrent de ceux qui influencent sa croissance radiale (largeur des cernes).