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CHAPITRE 4 : CADRE EPISTEMOLOGIQUE ET METHODOLOGIQUE DE LA RECHERCHE

4.2 S TRATÉGIE DE RECHERCHE

4.2.2 Canevas général de la recherche

4.2.2.2 Posture de recherche

Une posture de recherche-intervention

Afin d'avoir une meilleure lisibilité de ce travail de recherche, notamment lors de la récolte des données il est important, à ce stade de préciser la posture du chercheur. Il s’agit en l’occurrence d’éclairer et d’argumenter les choix méthodologiques qui ont

CAS 1 : organisme de gestion des

fonds de la formation.

CAS 2 : siège social d’une

entreprise de l‘action sociale.

CAS 3 : Institut Médico-Éducatif CAS 4 : commerce de prêt-à- porter A Collaboration chercheur - praticien

Enseignements

généraux

INDU

CTIO

N

Mise au point de la méthode Particulier Général CAS 5 : commerce de prêt-à- porter B

été réalisés au cours de ce dernier. Pour mener cette explicitation, nous prenons appui sur les travaux d’Hatchuel (2000) distinguant trois postures de recherche différentes : - La posture du laboratoire est l’une des plus classiques, toutes sciences confondues. Elle consiste à « extraire » le phénomène étudié, à isoler les variables susceptibles de l’influencer et à en mesurer les effets.

- La posture du terrain provient des sciences sociales. Ici, le chercheur reconnaît la complexité du phénomène qui l’intéresse. Il l’étudie alors tel qu’il est, dans son environnement naturel, mais sans s’impliquer.

- La posture de la recherche-intervention part du principe que le chercheur ne peut être « hors du monde » (Hubert, 2009). Il est nécessairement acteur des phénomènes qu’il étudie et, partant de ce principe, il s’engage explicitement dans l’action collective avec des partenaires sur le terrain.

De par la nature de notre objet de recherche – le processus de changement – nous avons naturellement été amenés à adopter une posture de recherche-intervention. Provenant des sciences de gestion, de l’ethnométhodologie et de la sociologie compréhensive (Hubert, 2009), elle se différencie fondamentalement des autres postures par sa visée transformative. Dans ce cadre, le chercheur tente de mieux comprendre les phénomènes étudiés « par et pour l’action ». Une telle posture s’associe bien à la stratégie de l’étude de cas ; elles renoncent l’une comme l’autre à définir des hypothèses a priori, basées sur une revue de la littérature préalable. Cela ne signifie pas pour autant que ce travail de thèse soit dénué de référentiels théoriques solides. Il repose en effet sur des propositions théoriques qui seront affinées et opérationnalisées dans la confrontation avec le terrain.

Les corrélats épistémologiques

La posture de recherche-intervention a des corrélats épistémologiques importants à considérer. Du fait de son implication directe dans le phénomène étudié, le chercheur ne peut prétendre à une indépendance à l’égard de ce dernier. Son objectivité et sa neutralité sont alors considérées comme illusoires. De tels corrélats s’inscrivent dans une épistémologie constructiviste (Le Moigne, 2004).

Dans le cas de cette thèse, la posture de recherche-intervention adoptée est particulière puisque, le temps de la démarche en entreprise, le chercheur se comporte peu ou prou comme un intervenant. Il participe au changement. En d’autres termes, lorsque nous avons mené les interventions, nous nous sommes présentés à nos interlocuteurs comme des intervenants externes, sans mettre en avant nos finalités de recherche. Nous ne sommes pas les premiers à convoquer une telle posture de recherche- intervention qu’on pourrait qualifier d’« aménagée ». C’est notamment la voie que des tenants de la sociologie clinique, tels que Enriquez (1992) dans l’Organisation en

analyse, ou encore Lourau (1970) dans L’Analyse institutionnelle, ont choisi. Comme

Enriquez le résume, « Il ne s’agit donc pas d’études d’une réalité sociale, dans lesquelles l’observateur peut, dans une certaine mesure, se croire et se vouloir neutre » (1992, p. 167). Il s'agit plutôt d'assumer l'implication et la présence (postulat de non- extériorité) du chercheur sur le terrain, qui a par ailleurs des visées transformatives

rapport à ce dernier. Il convient alors de rendre compte de cette participation active du chercheur et de l’intégrer à la démarche de recherche. Comme le précisent Detchessahar, Gentil, Grevin et Stimec à propos de la recherche-intervention : « Intervenir c'est « venir entre », en interface, faire du lien, favoriser des confrontations et pas uniquement mettre en œuvre des expérimentations en milieu ouvert. Cela implique donc davantage qu'une étude de terrain et une restitution participant à la validation des observations. » (2012, p.3).

Les limites d’une posture « recherche-intervention »

La posture de recherche-intervention comporte pour nous des avantages indéniables, mais aussi des limites qu’il convient d’aborder. Ces limites reposent principalement sur la difficile conciliation entre les logiques scientifique et d’intervention. Nous en discutons deux qu’il s’avère particulièrement pertinent d’aborder, au vu des modalités dans lesquelles nos interventions étaient conduites.

La tentation du pragmatisme

Une première limite réside dans ce que Pichault, Lisein, Rondeau et Xhauflair (2008) nomment la « tentation du pragmatisme ». Elle consiste à privilégier le maintien de relations satisfaisantes avec les clients, commanditaires et participants de l’intervention, parfois au détriment d’une certaine distance critique. De Gaulejac (1992, cité par Baron, 2008) a également, à sa façon, abordé cette limite en évoquant l’opposition entre une logique d’utilité et une autre, de connaissance. Cette dernière n’étant pas nécessairement utile. Et ce qui est utile n’étant pas nécessairement « vrai ». Généralement, la contractualisation permet de se prémunir de la tentation du pragmatisme puisqu’elle fixe un cadre un tant soit peu solide face aux différents aléas pouvant marquer l’intervention (Detchessahar et al., 2012). Le contrat détermine notamment les finalités de l’intervention, les modalités de participation des salariés et de restitution. C’est ainsi que nous avons procédé dans les interventions que nous avons menées. Un exemple de contrat signé avec l’une des cinq entreprises dans lesquelles nous sommes intervenues est fourni en annexe 2. Le contrat a en effet constitué un rempart utile au maintien d’une rigueur et d’une distance critique. Dans le cas n°2 de la thèse, par exemple, un rappel par courrier des termes du contrat a été effectué auprès du directeur de la structure, afin d’avoir la possibilité d’engager un suivi de l’intervention. Ce rappel a incité le directeur à réunir à nouveau le groupe- client.

La tentation d’une fin précipitée

Une seconde limite s’apparente à la tentation d’une fin précipitée (Pichault et al., 2008). Elle renvoie à la propension à clore l’intervention après le recueil de données, autrement dit lorsque le chercheur a obtenu ce qui l’intéressait. Le risque, évidemment, est que les acteurs soient livrés à eux-mêmes et qu’ainsi les préconisations et solutions issues de la démarche ne soient pas vraiment mises en œuvre. Dans le cadre de la thèse, nous étions protégés de cette tentation en raison de notre intérêt à poursuivre les interventions, à suivre leur déroulement et à les évaluer, puisque nous nous attachions

au processus de changement et à sa « correction » par « petites touches » (David, 2008, cité par Detchessahar et al., 2012).

4.2.3 L’évaluation des interventions