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La posture de contrôle à l’égard de l’infirmier débutant : cas de Katie et de Marie

Dans le document Le sentiment identitaire professionnel (Page 176-179)

Chapitre 2 : La reconnaissance professionnelle reconnue et vécue par les débutants

2. La posture de contrôle à l’égard de l’infirmier débutant : cas de Katie et de Marie

Contexte des débuts professionnels :

Katie (IDE 1) travaille depuis trois mois dans un service de soins en oncologie, premier poste depuis sa prise de poste en tant qu'infirmière. Elle a choisi son service d’affectation. Elle a bénéficié d'un mois complet d'intégration qui a pris la forme d'un tutorat en doublon avec une infirmière expérimentée.

Marie (IDE 6) a commencé par travailler dans un service de maladies infectieuses pendant 15 jours, elle est en poste en chirurgie depuis. Elle est diplômée depuis quatre mois environ. Au bout de 9 mois, elle est affectée en psychiatrie par choix de sa part. Elle n’est pas tutorée.

La posture de contrôle par le cadre de santé

Le processus de reconnaissance professionnelle est visible dans les débuts professionnels de Katie (période entre 0 et 4 mois). Le cas de Katie est emblématique d’une logique du genre professionnel et d’une posture de contrôle.

La posture de contrôle « vise à vérifier une conformité d'actions ou de postures avec des standards et des normes » (Jorro & De Ketele, 2011).

Il s’agit pour le cadre de santé d’observer, de vérifier et d’évaluer les connaissances et les capacités de la nouvelle recrue.

On fait des bilans avec elle, et il y a deux semaines, quand elle m’a demandé mes normes, oui je me suis ressentie étudiante quand je me suis vu réciter mes normes. Ouais, et là c’est vrai quand je suis rentrée, je me suis dit, ben je ne l’ai pas volé mon diplôme […] mais après c’est sa façon d’être, elle est peut-être comme cela avec tout le monde, c'était vraiment évaluer mes connaissances et du coup, me remettre en question, mais moi, ça me remettait en question devant elle (Katie, IDE1, EdE1, ligne 265).

Le processus d’évaluation de l’infirmière débutante par le cadre de santé consistant à faire des bilans d’évaluation des connaissances s’apparente à la procédure d’évaluation de la progression en stage de l’étudiant infirmier (Référentiel de formation). Le cadre de santé s’appuie sur une grille d’évaluation des connaissances en interrogeant la débutante sur les

normes biologiques. Elle recherche alors la conformité avec un diplôme, celui d’infirmier diplômé d’état, et le niveau de connaissances et compétences s’y apparentant.

L’évaluation des connaissances vérifie le niveau requis pour prendre en soins les patients et faire preuve de réflexivité dans les prises en soins.

J’ai une cadre hyper carrée, c’est vrai qu’elle est beaucoup sur mon dos, à regarder mes dossiers, quand je fais mes transmissions, tout ça, et des fois, j’ai l’impression d’être un peu étudiante, et je me dis, non, t’es infirmière (Katie, IDE1, EdE1, ligne 259).

La posture de contrôle peut prendre des formes différentes et être vécue différemment selon le sujet débutant.

La posture de contrôle par les acteurs non mandatés par l’institution

La posture de contrôle par les acteurs non mandatés par l’institution peut être remplie par les collègues de l’équipe de soins. Les infirmières plus expérimentées évaluent les connaissances de la nouvelle recrue de façon moins formelle que ne le fait le cadre de santé. Elles portent sur elle une exigence comparable à celle portée sur une infirmière plus ancienne et la confrontent à un manque de connaissances en situation réelle de travail (cas de Marie, IDE 6). Ce manque de connaissances peut empêcher l’infirmière débutante de remplir son rôle professionnel. Les tensions intra- et intersubjectives décrites par la débutante, ainsi que la pression, peuvent entraîner un abandon du poste de travail.

Parce que j’ai l’impression quand on est jeune diplômée, j’ai l’impression on cherche toujours à pousser les limites, qu’on nous pousse au bord de nos limites, pas pousser les limites, mais toujours nous pousser au bord de nos connaissances, enfin, il y a des choses qu’on sait pas, il faudrait savoir tout tout de suite, il faudrait être très rapide tout de suite, il faudrait faire tout tout de suite tout bien. (Marie, IDE6 EdE6, ligne 292)

La verbalisation de ses difficultés et de ses limites en tant que débutante permet de rapporter ici des éléments sur la professionnalité émergente du débutant infirmier. Les injonctions à être opérationnel rapidement et à tout connaître sont caractéristiques des exigences et des contraintes professionnelles, dont les débutants ne sont pas dispensés.

Le vécu de la posture de contrôle et ses effets sur le sujet débutant

La posture de contrôle se dégage d’une logique de la reconnaissance du genre professionnel (Jorro, 2009) qui fait référence à un référentiel métier et de formation. La posture de

contrôle s’apparente à un processus d’évaluation d’autrui permanent. Lorsque l’évaluation est conduite lors d’un entretien, elle pourra produire ou ne pas produire de la reconnaissance (Jorro, Pana-Martin, 2012).

C’est le cas de Katie. La posture de contrôle déployée par la cadre de santé, en partie lors d’un entretien, a un effet de reconnaissance professionnelle vis-à-vis de l’infirmière en tant que débutante. La posture de contrôle renvoie temporairement la jeune diplômée dans une position de stagiaire infirmière dans un moment d’évaluation.

Le vécu de cette posture de contrôle influence ici positivement ses effets sur le sujet qui se sent reconnu. En référence à Ricœur (2004), des étapes permettent au sujet de se reconnaître et de devenir un sujet responsable à partir d'actes d'identification, d'attestation et d'imputation. Dans cette situation où la posture de reconnaissance des acteurs lui est favorable et dont le résultat du processus est positif sur la reconnaissance de l’infirmière par elle-même. Elle entraîne une remise en question du niveau de formation par l'infirmière elle-même, elle déclenche un processus d’auto-évaluation chez l’infirmière qui se demande « est ce que tu as

vraiment le niveau pour être infirmière ? ».

Ce processus de contrôle est visible à différents moments professionnels, en situation d’entretien, et en situation d’interactions professionnelles lors des transmissions, ou encore à partir de l’étude des traces professionnelles (transmissions écrites dans les dossiers du patient) par les autres professionnels. La confiance en elle est alors renforcée et déclenche une reconnaissance de soi vers soi.

Ma cadre m'a dit qu’elle a pu voir la différence (Katie, IDE1, EdE1, ligne 328).

Parce que moi après je l’ai vu, elle (la cadre de santé) me l’a dit après. Moi j’ai vu qu’après ces entretiens, il y avait une évolution (Katie, IDE1, EdE1, ligne 316).

La reconnaissance institutionnelle vécue par Katie provient de la cadre de santé qui, après évaluation des connaissances de la jeune infirmière, reconnaît son changement de posture et lui donne sa confiance. La posture évaluatrice de la cadre dans les débuts professionnels de l’infirmière Katie lui a permis de se reconnaître elle-même comme légitime d’avoir obtenu son diplôme, et de remplir les fonctions infirmières actuellement (« Ton diplôme tu ne l’as

Le vécu de la posture de contrôle des acteurs de l’institution peut avoir une influence négative sur le processus de reconnaissance de soi par soi. Certains débutants peuvent vivre le contrôle de leur « professionnalité » avec difficulté alors que celle-ci est en pleine émergence dans les débuts professionnels. Nous pouvons décrire ces vécus comme des épreuves de professionnalité. Nous y reviendrons.

3. La posture de reconnaissance à l’égard de l’infirmier débutant

Dans le document Le sentiment identitaire professionnel (Page 176-179)