• Aucun résultat trouvé

Approche psychosociologique du sentiment identitaire

Dans le document Le sentiment identitaire professionnel (Page 102-106)

Chapitre 3 : Les enjeux identitaires

2. Le sentiment identitaire

2.1. Approche psychosociologique du sentiment identitaire

La question de l’identité personnelle versus identité sociale est au cœur des enjeux identitaires des professionnels.

L’identité personnelle peut être définie comme le système de représentations et de sentiments à partir desquels le sujet construit et utilise un horizon temporel. Grâce au sentiment d’identité, il peut, en effet, se percevoir le même (idem) dans le temps, se vivre dans une continuité existentielle. Il aspire à une certaine cohérence, met en place la fonction de personnalité, c’est-à-dire organise et coordonne ses conduites, ses aspirations, ses désirs ou ses fantasmes et, ce faisant, cherche à rester lui-même (is dem). Il préserve une positivité, une estime de soi à partir desquelles les angoisses et le sentiment d’échec peuvent être canalisés (Tap, 1988, p.53).

La recherche d’une frontière entre l’identité personnelle et l’identité sociale est vaine dans le sens où l’identité sociale serait une zone de l’identité personnelle. L’identité personnelle renvoie à la conscience de soi. A la suite d’Erikson (1968) et Tap (1988), elle s’assimile au sentiment identitaire.

Mon identité, c’est donc ce qui me rend semblable à moi-même et différent des autres, c’est ce par quoi je me sens exister en tant que personne et en tant que personnage social (rôles, fonctions, relations), c’est ce par quoi je me

définis et me connais, me sens accepté et reconnu, ou rejeté et méconnu par autrui, par mes groupes et ma culture d’appartenance (Tap, 1988, p.69).

L’articulation du psychologique et du social serait alors pertinente, notamment dans des problématiques comme celle de l’intégration du nouveau professionnel qui mobilise chez le sujet des ressources identitaires relevant du domaine psychologique (personnalité) et du domaine social (groupe d’appartenance, groupe professionnel). Cette combinaison est possible dans une approche qui valorise le sujet et la conscience de soi comme celle de la psychophénoménologie.

Le sentiment d'identité (Tap,1988) est une des sept dimensions de l’identité qui permet de rendre compte de la dimension dialectique de l’identité avec l’environnement. Le sentiment d’identité est décrit comme « étroitement lié à celui de continuité dans la perspective temporelle » (Ibid., 1988). Le sentiment d’unité ou de cohérence interne, la multiplicité des identités organisées en système dynamique, les processus de séparation, d’autonomie et d’affirmation de l’individu face à l’extérieur, le renforcement par le sentiment d’originalité ou expérience de son unicité, l’enracinement dans l’action et dans la production d’œuvres, la valorisation de soi par l’action et aux yeux d’autrui conduisant à une estime de soi (Tap, 1988, p. 60) sont des dimensions complémentaires de l’identité. L'estime de soi est alors envisagée comme un « ensemble structuré de représentations de soi qui joue un rôle déterminant dans la genèse et la gestion des rapports de l’individu avec l’environnement et avec lui-même » (Ibid., 1988, p. 60). Elle dépend largement de l’interaction avec les composantes sociales de l’environnement (par exemple, groupe d’appartenance, de référence…) et aussi de son ancrage dans l’action (Ibid., p.74-77).

Le sentiment d'identité requiert une dimension psychosociale ; il se trouve à la fois chez les individus, les groupes ou les cultures.

Les composantes du sentiment d'identité sont visibles dans le Moi, le Je et le Soi. D’après James (1921), le Moi est composé du Moi empirique et du Moi social ; le Je est le sujet connaissant. Le Moi est alors la représentation de nous-mêmes ou des autres en considérant un ensemble de faits psychiques (James, 1921). Mead (1963) apporte une distinction entre le « Moi », le « Je » et le « Soi ». Il considère le Moi comme un ensemble des rôles des autres intériorisés et assumés par l'individu et rajoute avec la conscience de soi, l'idée d'être un objet pour soi en lien avec ses relations avec les autres. Le Soi ou conscience de soi (Allport, 1937, 1970) est la présence en nous d'un sujet épistémique qui nous fait ressentir et unifier un ensemble d'états éprouvés. Sept éléments constitutifs sont alors décrits en référence

- Le sentiment corporel

- Le sentiment de l'identité du Moi dans le temps

- Le sentiment des appréciations sociales de notre valeur - Le sentiment de possession

- L’estime de soi

- Le sentiment de pouvoir raisonner

- L’effort central (intentionnalité de l'être).

Des besoins fondamentaux humains rejoignent ces aspects du sentiment d'identité personnelle (les besoins de sensations, de points de repère, de considérations, de possessions, de connaissances et d'objectifs).

Le sentiment d'identité peut être central dans la notion d'identité, jusqu'à en devenir la notion elle-même (Erikson, 1968). Le sentiment d’identité est « un sentiment subjectif et tonique d’une unité personnelle et d’une continuité temporelle au principe le plus profond de toute détermination de l’action et à la pensée que je possède » (Ibid., p.14) Les sentiments et processus constitutifs de l’identité s'appuient sur :

- Le sentiment subjectif d'unité personnelle - Le sentiment de continuité temporelle - Le sentiment de participation affective - Le sentiment de différence

- Le sentiment de confiance ontologique - Le sentiment d'autonomie

- Le sentiment de self-control

- Les processus d'intégration de valeurs et d'identification.

Ces sentiments sont organisés autour de la volonté d'existence et d'un projet que l'on peut qualifier de projet identitaire.

L'idée du sentiment optimal de l'identité est intéressante au regard de notre problématique. Il apporte la notion de complétude du sentiment, de projet identitaire et de reconnaissance. Erikson (1968, p. 173) s'interroge sur la conscience du sentiment d'identité, qui, selon lui, serait parfois trop éveillé.

Le sentiment optimal de l'identité est, d'autre part, vécu simplement comme un bien-être psychosocial. Ses concomitants les plus manifestes sont le sentiment d'être chez soi dans son corps, le sentiment de « savoir où on va » et l'assurance intérieure d'une reconnaissance anticipée de la part de ceux qui comptent (Erikson, 1968, p. 173).

Par ailleurs, la notion de maturité de l'identité renforce le caractère changeant et évolutif de celle-ci. Elle nous intéresse au regard de notre objet de recherche qui cible la période des débuts professionnels des infirmiers. Une identité mature est une identité où tous les sentiments constitutifs du sentiment d'identité ont pu se développer. Le développement de ces sentiments permet le sens du réel et du présent, l'utilisation de l'expérience, le contrôle de soi, la souplesse de l'accommodation, la tolérance à la frustration, l'initiative, le sens de la responsabilité, le sens de la solidarité, la capacité de donner et de recevoir, la capacité de décentration et d'empathie, la capacité de changer (Osterrieth, 1965). La maturité de l’identité peut se repérer dans l’adaptation du sujet lors d’expériences personnelles ou professionnelles nouvelles. Le sujet s'est construit à partir de sentiments existentiels déterminant la manière dont il aborde les situations de sa vie, personnelles et/ou professionnelles. La prise en compte du positionnement social du sujet ainsi que son histoire personnelle, qui fait qu'il s'est construit de telle ou telle manière, peut éclairer le vécu subjectif de ses débuts professionnels en tant qu'infirmier.

Cette première approche de type psychosociologique peut être complétée par la psychanalyse qui éclaire la constitution du sentiment identitaire.

Dans le document Le sentiment identitaire professionnel (Page 102-106)