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CHAPITRE III – MÉTHODOLOGIE

3.1 La Posture épistémologique de notre recherche et le choix méthodologique

Compte tenu des ambitions théoriques et conceptuelles de nos objectifs de recherche (général et spécifiques), une méthode d’analyse secondaire de recherches qualitatives nous est apparue tout indiquée (Beaucher, 2009; Beaucher et Jutras, 2007). Dans cette perspective, la métasynthèse s’impose comme la méthode la plus adaptée. Notre conception de la métasynthèse s’appuie sur la définition synthétique que nous présentent Beaucher et Jutras (2007) des nombreuses définitions formulées à ce jour par les spécialistes de cette approche méthodologique. Ainsi, à l’instar des auteurs analysés et synthétisés par Beaucher et Jutras34, nous concevons la métasynthèse comme :

Un terme « parapluie » se référant à la synthèse des résultats de plusieurs recherches qualitatives pour en créer une nouvelle interprétation. […] Ainsi : la métasynthèse ne serait pas une revue systématique des écrits ou encore le réarrangement de résultats de recherche. Il ne s’agit pas non plus de l’addition des constats de diverses études, ou encore d’une analyse (purement) conceptuelle. Plutôt, il s’agit de mettre ensemble et de décomposer des résultats, les examiner, découvrir les éléments fondamentaux et, en quelque sorte, combiner divers phénomènes dans un tout transformé. […] une métasynthèse doit être autre chose qu’une simple accumulation de données. (p. 62)

Une telle démarche s’inscrit dans la perspective de la philosophie interprétative de Gadamer (1996). Ainsi, notre lecture des expériences de CdeP rapportées par les auteurs repose sur les fondements théoriques et conceptuels présentés dans la section précédente. Toutefois, ces sous-bassements à notre compréhension offriront la souplesse permettant l’émergence d’un sens nouveau. Cette position dialectique permanente associée à la quête d’un sens nouveau, est décrite par Gadamer (1996) :

Celui qui veut comprendre accomplit toujours une projection. Il projette par anticipation un sens du tout dès qu’un premier sens du texte se manifeste. Mais un tel sens ne se manifeste à son tour que si on lit déjà le texte avec certaines attentes quant à son sens précis. La compréhension de ce qui est là s’effectue toujours à travers l’élaboration d’une telle projection préalable, laquelle doit bien sûr être constamment révisée au fur et à mesure que l’on avancera dans la pénétration du sens. (p. 76)

Notre posture interprétative nous amènera donc à reconnaître les fragments théoriques et conceptuels retenus (et présentés dans notre cadre conceptuel) eu égard aux expériences

rapportées de collaboration interprofessionnelle au sein de communautés de pratique centrées sur le patient atteint de maladies chroniques, mais à les remettre en question ou à les repositionner quant aux fondements rationnels et pratiques exposés par les auteurs. L’ouverture à un sens nouveau ou, du moins, à un approfondissement ou à une réflexion prolifique devrait donc advenir de notre démarche de métasynthèse.

[…] une conscience passée à l’école herméneutique devra faire preuve de réceptivité à l’égard de l’altérité du texte. Mais cette réceptivité ne présuppose ni une « neutralité » sur le fond, ni même un effacement de soi, elle implique plutôt l’appropriation et la mise en relief de ses propres opinions préalables et de ses préjugés. Il importe de s’aviser de son parti pris afin que le texte puisse se manifester dans son altérité et acquérir ainsi la possibilité de faire valoir sa vérité de fond contre notre propre opinion préalable (Gadamer, 1996, p. 77-78).

Comme le précisent Beaucher et Jutras (2007), la métasynthèse offre le principal avantage de la méta-analyse qualitative, qui est d’obtenir une vue d’ensemble sur un phénomène donné. Toutefois, selon ces auteurs, dans le cadre de la méta-analyse « cette vue d’ensemble risque de n’être qu’une simple accumulation de résultats [dont] fait défaut une réflexion ou une analyse qui permettrait de jeter un regard différent sur le phénomène étudié » (p. 61), ce qui marque en revanche l’apport spécifique de la métasynthèse, dans la perspective de Gadamer, dirions- nous.

De toute évidence, une telle démarche revêt un enjeu nomothétique du fait que sa finalité est le développement et le raffinement des connaissances théoriques (Van der Maren, 1996) liées aux expériences de communautés de pratique dans le milieu de la santé. Toujours dans l’optique de Van der Maren, un tel enjeu implique « une attitude critique à l’égard des énoncés antérieurs » (présentés dans notre cadre conceptuel) qui nous servirons de repères conceptuels afin de « faire progresser la connaissance ». Cette attitude implique donc « un positionnement de recherche spéculative ou théorique où la critique et la reformulation de théories » se réalisent à partir d’une « argumentation de faits apportée par d’autres chercheurs » (Van der Maren, 1996, p. 62).

Il importe également de souligner que la métasynthèse que nous comptons mener est de type descriptif et dans la perspective qu’en dressent Beaucher et Jutras (2007), la métasynthèse nous amènera à une synthèse des résultats de recherche qualitatives retenues avec comme

objectif l’analyse compréhensive des expériences, rapportées dans la littérature, de collaboration interprofessionnelle au sein de communautés de pratique centrées sur le patient atteint de maladies chroniques. Ainsi, aux yeux de Van der Maren (1996), la visée nomologique de notre recherche s’inscrirait d’abord au niveau descriptif mais également au niveau compréhensif. Ultimement, cette démarche analytique de la littérature se rapportant à notre objectif de recherche nous permettra de proposer des avenues d’approfondissement ou de réflexion eu égard aux expériences de communautés de pratique.

Dans cette perspective, pour plusieurs auteurs (mais pas de manière unanime), la métasynthèse s’inscrit dans un paradigme interprétatif s’opposant au simple cumul de données (Beaucher et Jutras, 2007). Ces mêmes auteurs formalisent de manière éloquente l’intention analytique et interprétative de la métasynthèse qui vise le développement de connaissances :

Le but de la métasynthèse consiste à produire une interprétation nouvelle et intégrée des résultats des recherches analysées qui soit plus précise, plus substantielle que l’ensemble de ces résultats. Ainsi, la métasynthèse vise à clarifier des concepts et des modèles avec l’objectif de renchérir et de solidifier l’état actuel des connaissances de même que les modèles et théories qui sont en émergence (Finfgeld, 2003 et Sherwood, 1999, cités dans Beaucher et Jutras, 2007).

Ce positionnement interprétatif correspond de toute évidence aux objectifs spécifiques de la métasynthèse projetée, lesquels s’inscrivent dans un registre d’analyse conceptuelle ou empirique, comme on a pu le constater. Comme le mentionne Van der Maren (1996, p. 139) : « L’analyse conceptuelle tentera de dégager, par diverses comparaisons, quelle est l’intention ou la compréhension du concept et quelle est son extension ou son étendue ». Ainsi, compte tenu de nos objectifs (général et spécifiques), la métasynthèse nous permettra de mieux saisir l’opérationnalisation des notions de communauté de pratique, de collaboration, d’interdisciplinarité, d’interprofessionnalité et de [co]construction des connaissances ainsi que de mieux saisir leur mise en application dans les expériences rapportées à ce jour dans le milieu de la santé. Dans une perspective contributoire, ceci nous amènera à identifier les flous conceptuels et les difficultés de mise en application qui permettront de formuler des éclaircissements théoriques et des recommandations pragmatiques.