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Section II – La fin du monopole de l’action publique sur le droit des pratiques

A. La possibilité d’entendre les parties privées sur leur demande

36. L’Autorité de concurrence statuant sur les intérêts privés – Une hypothèse à

envisager pour simplifier le recours des personnes privées est celle consistant à attribuer à l’autorité de concurrence la compétence de trancher la question de l’indemnisation des victimes. Cette hypothèse n’est pas infondée au plan théorique. Il est vrai que, de prime abord, l’autorité de concurrence doit prévenir ou sanctionner les pratiques anticoncurrentielles. Elle assure ainsi la protection du marché et non celle des concurrents. Elle est de cette manière la garante de l’intérêt général. En revanche, les acteurs du marché défendent leurs intérêts privés. Ils n’ont pas à défendre l’intérêt général. On retrouve cette logique en droit pénal.

La défense d’un droit personnel ne revient pas en principe à une autorité publique comme l’autorité de concurrence. En France, la remarque est discutable. L’action civile au pénal528 témoigne d’une conciliation de l’intérêt personnel de la victime avec

l’intérêt général. Ces deux intérêts se retrouvent dans un procès pénal par nature public529. La Chambre criminelle de la Cour de cassation a ainsi pu affirmer que l’action

civile de la victime est recevable en ce qu’elle permet d’établir l’existence de l’infraction pénale530. La victime fait bien plus que demander réparation, elle aide l’autorité de poursuite. D’une certaine manière, son droit de parole et de réparation dans le procès sont la juste rétribution de son aide, non seulement à l’enquête, mais plus

528 Supra, au par. 3.

529 Par « public », nous entendons un procès représentant l’intérêt général et non son ouverture à des

spectateurs, en ce sens le terme s’opposerait au huis clos.

137 largement au maintien de l’ordre dans la société. En effet, les représentants de l’État ne sont pas omniprésents pour détecter toutes les infractions. La victime joue un rôle d’auxiliaire utile à la détection, la dénonciation et à la poursuite des auteurs d’infractions pénales. Au plan théorique, la France pourrait donc plus facilement franchir le pas en confiant à l’Autorité de la concurrence le pouvoir de se prononcer sur les intérêts civils sur le modèle de l’action civile au pénal.

Au Canada, la procédure pénale est issue de la Common law et n’a rien à voir avec la procédure pénale française. La victime est absente de la procédure. Elle n’est que le témoin principal de la poursuite. Elle n’est pas représentée dans le procès pénal, ni par un avocat, ni par le Ministère public. La réparation de la victime est conçue comme un objectif de la peine publique531. La victime n’est pas au Canada un auxiliaire

de la poursuite jouant un rôle vindicatif et dénonciateur de l’infraction. Par conséquent, il serait très surprenant de voir la victime canadienne d’une pratique anticoncurrentielle agir devant une Cour se prononçant sur une infraction criminelle prévue par la L.c.532,

comme un complot anticoncurrentiel prévu à l’article 45 de cette loi. Pour ces raisons, nous ne nous risquerons pas à le proposer. Le contraire heurterait les principes fondamentaux du système juridique canadien. En revanche, en France, la proposition semble plus réalisable au plan des principes.

37. La saisine des juridictions de droit commun par le Ministre de l’économie en France – En effet, en France, une situation particulière existe qui tend à prouver qu’en

matière de concurrence, le mélange des intérêts est possible. L’article L. 442-6, III, du Code de commerce, prévoit que le Ministre de l’économie peut saisir des juridictions

531 V. Pierre BÉLIVEAU et Martin VAUCLAIR, Traité général de preuve et de procédure pénale,

Cowansville, Éd. Yvon Blais, 2011, aux par. 267, 269, 270, 271. Il faut relever qu’au mieux la victime pourra s’exprimer via un formulaire administratif pour donner des éléments au juge pour fixer le quantum de la peine. De plus, une ordonnance de dédommagement peut toutefois être rendue par le juge, v. p. 1048, au par. 2499.

532 Précisons ici qu’au Canada, le droit de la concurrence se divise en une branche criminelle et une

branche civile, administrative dirait le juriste français, c’est-à-dire que certaines infractions font l’objet d’une poursuite pénale, comme les ententes, au même titre et devant les mêmes tribunaux que pour les contrevenants au Code criminel. L’abus de position dominante est quant à lui une infraction civile traitée par le Tribunal de la concurrence, lequel ne se prononce que sur les infractions civiles à la L.c. On retrouve cette distinction en matière d’accord entre concurrents, certain relèvent de la législation criminelle, d’autres des dispositions civiles de la Loi, v. Randal HUGHES et Emmy DAVID, « Competitor Agreements : Interpreting Criminal Conspiracy In A Blended Criminal-Civil Regime » (2012) 25/2 Canadian Competition Law Review 215-235. En France, le même système a été pratiqué entre 1977 et 1986 avec un régime à la fois pénal et administratif avec la loi du 19 juillet 1977, supra note 211. Face à une infraction, le ministre de l’économie pouvait transmettre l’affaire au Parquet ou à la Commission de la concurrence.

spécialisées dans le cadre d’un contentieux dans le domaine des pratiques restrictives de concurrence533. À la lecture de cet article, on comprend que le ministre peut se

substituer à la victime d’une pratique restrictive de concurrence pour demander la sanction de cette pratique. Selon la Cour de cassation, il s’agit d’ « une action autonome de protection du fonctionnement du marché et de la concurrence qui n’est pas soumise au consentement ou à la présence des fournisseurs »534. Elle nécessite simplement la constatation d’un avantage indu535. Au sujet d’un contentieux portant sur la compétence territoriale des juridictions dans ce contentieux, la Haute juridiction française a pu

533 L’article énonce : « L'action est introduite devant la juridiction civile ou commerciale compétente par

toute personne justifiant d'un intérêt, par le ministère public, par le ministre chargé de l'économie ou par le président de l'Autorité de la concurrence lorsque ce dernier constate, à l'occasion des affaires qui relèvent de sa compétence, une pratique mentionnée au présent article. Lors de cette action, le ministre chargé de l'économie et le ministère public peuvent demander à la juridiction saisie d'ordonner la cessation des pratiques mentionnées au présent article. Ils peuvent aussi, pour toutes ces pratiques, faire constater la nullité des clauses ou contrats illicites et demander la répétition de l'indu. Ils peuvent également demander le prononcé d'une amende civile dont le montant ne peut être supérieur à 2 millions d'euros. Toutefois, cette amende peut être portée au triple du montant des sommes indûment versées. La réparation des préjudices subis peut également être demandée. Dans tous les cas, il appartient au prestataire de services, au producteur, au commerçant, à l'industriel ou à la personne immatriculée au répertoire des métiers qui se prétend libéré de justifier du fait qui a produit l'extinction de son obligation ».

534 Il s’agit d’une jurisprudence inaugurée en 2008, v. Cass. com., 8 juill. 2008, n° 07-16.761, Bull. civ.

IV, n° 143 (arrêt Le Galec) ; Cass. com., 8 juill. 2008, n° 07-13.350 (arrêt ITM) confirmée par Cass. com., 5 mai 2009, n° 08-15264, D. (arrêt Baguyled) v. obs. Martine BÉHAR-TOUCHAIS, « Autonomie de l’action de protection du fonctionnement du marché et de la concurrence du ministre », RLC 2009/20, p. 39. Cependant, l’article L. 442-6 III a fait l’objet d’une question prioritaire de constitutionnalité devant le Conseil constitutionnel (système de contrôle de constitutionnalité a posteriori), sur la question de savoir si cette action était contraire à la liberté contractuelle, car un tiers intervient dans le contrat, mais aussi contraire au droit à un recours juridictionnel effectif, puisque la victime se voit « subrogée » dans son droit d’agir en justice par le ministre. Dans sa décision Cons. const., 13 mai 2011, n° 2011-126 QPC, JO 13 mai 2011, le Conseil énonce : « que ni la liberté contractuelle ni le droit à un recours juridictionnel effectif ne s’opposent à ce que, dans l’exercice de ce pouvoir, cette autorité publique poursuive la nullité des conventions illicites, la restitution des sommes indûment perçues et la réparation des préjudices que ces pratiques ont causés, dès lors que les parties au contrat ont été informées de l’introduction d’une telle action ; que, sous cette réserve, les dispositions contestées ne portent pas atteinte aux exigences constitutionnelles susvisées » [Nous soulignons]. Le Conseil constitutionnel précise donc sur la jurisprudence de la Cour de cassation. Si le consentement de la victime n’est pas nécessaire, elle droit être informée qu’une action est engagée. Une jurisprudence de la Cour de cassation rendue en Assemblée plénière énonce le 22 avril 2011 que : « constitue une demande reconventionnelle, en vertu de l’article 64 du Code de procédure civile, la demande par laquelle le défendeur originaire prétend obtenir un avantage autre que le simple rejet de la prétention de son adversaire ; qu’ayant relevé que le cessionnaire ne se bornait pas à invoquer la nullité du protocole mais entendait voir tirer les conséquences de cette nullité en sollicitant la remise des parties dans l’état antérieur à la signature de l’acte et la condamnation des demanderesses à lui payer une certaine somme en restitution du prix déjà payé, la cour d’appel en a déduit à bon droit qu’il s’agissait d’une demande reconventionnelle et qu’elle était irrecevable faute d’avoir été faite à l’encontre des autres parties à l’acte, tiers à l’instance, dans les formes prévues par l’article 68, alinéa 2, du Code de procédure civile », dans Cass. ass. plén., 22 avr. 2011, n° 09-16.008, P+B+R+I. Cette décision semble annoncer un changement dans la jurisprudence mais l’interprétation en est délicate, v. Martine BÉHAR-TOUCHAIS, « L’arrêt d’Assemblée plénière du 22 avril 2011 va-t-il influer sur le régime de l’action du Ministre fondée sur l’article L. 442-6-III du Code de commerce ? (ou l’action du ministre : acte 3), RLC 2011/29, p. 30.

535 Cass. com., 18 octobre 2011, n° 10.15296, P+B, note anonyme, « Action du ministre de l’économie en

139 affirmer que cette action était une action quasi-délictuelle536. L’action du ministre est

étonnante car elle mêle l’intérêt général symbolisé par le marché à l’intérêt privé des victimes. Elle tire prétexte du dommage de la victime pour assurer la protection du marché. Dans ce cas, pourquoi la réciproque ne serait-elle pas envisageable ? Les victimes pourraient prendre prétexte du contentieux objectif pour assurer la défense de leur intérêt privé.

38. La saisine des autorités de concurrence par les parties privées dans le cadre de l’action publique – En droit positif canadien et français, la victime d’une pratique

anticoncurrentielle n’est donc pour le moment qu’un moyen d’alerte de l’autorité de concurrence. En effet, en France, les entreprises et les consommateurs peuvent adresser une plainte à l’Autorité de la concurrence. On parle de saisine directe. L’article L. 462-5 II du Code de commerce, permet aux entreprises et aux organismes représentant des intérêts collectifs de saisir l’Autorité de la concurrence. Toutefois, ces personnes morales doivent saisir l’Autorité d’une pratique susceptible d’affecter la concurrence et non d’une plainte ad nomimem537.

Au Canada, l’article 9 L.c. prévoit la possibilité pour six résidents personnes physiques538 majeures de demander au Commissaire de la concurrence de faire une

enquête539. Ils doivent fournir une déclaration solennelle indiquant leur identité mais

aussi les preuves qui appuient leurs dires ainsi que le nom des personnes impliquées et les pratiques en cause. Ces exigences demandent une connaissance technique de la L.c. et laissent penser que cette disposition n’est pas d’un grand secours pour les victimes540.

On peut relever qu’en France, il n’est pas nécessaire d’indiquer le nom des personnes

536 Cass. com., 18 octobre 2011, n° 10-28500, P+B.

537 Lamy Droit Économique, Paris, Lamy, 2013, n° 1232, p. 465.

538 Le fait que ces personnes ne soient pas citoyen canadien n’affecte pas la décision du Commissaire de

tenir une enquête, v. Petrofina Canada Ltd. c. Canada (Commission sur les pratiques restrictives de

commerce), (1979) 46 C.P.R. (2d) 1.

539 Yves BÉRIAULT, Madeleine RENAUD et Yves COMTOIS, Le droit de la concurrence au Canada,

Scarborough, Thomson, Carswell, 1999, p. 21, les auteurs parlent de « plainte formelle ». Nous ne préférons pas utiliser ce terme et parler de « demande » pour éviter les confusions avec la notion de plainte en droit pénal français. De plus, à notre sens, la réalité juridique de ce mode de saisine du Bureau de la concurrence ne peut pas s’assimiler à une plainte, tout au plus pouvons nous parler d’un « système d’alerte ».

540 Il demeure que les éléments de preuve soumis lors de la demande d’enquête ne constituent pas la

preuve de l’enquête en tant que telle, v. Stevens c. Canada (Commission des pratiques restrictives de

commerce), (1979) 98 D.L.R. (3d) 662 (C.F. (1re inst.)). Il en va de même sur le fondement de l’article 36

L.c., en cas de complot, le demandeur n’a pas à donner de détails ou à identifier entièrement les auteurs et les victimes du complot en raison du caractère par nature privé de cette infraction, v. British Columbia’s

impliquées car seule la pratique anticoncurrentielle doit être visée541. En revanche,

comme en droit canadien, il faudra indiquer le fondement de droit interne ou européen542.

Si une entreprise canadienne souhaite mettre fin à un complot – pratique qui n’ouvre pas un droit d’accès au Tribunal de la concurrence – son chef d’entreprise devra agir en sa qualité de personne physique et s’allier à cinq autres chefs d’entreprises pour pouvoir saisir le Commissaire d’une pratique suspecte ou d’ores et déjà néfaste. Dans ces conditions, le recours privé de l’article 36 L.c. et le recours collectif apparaissent pour les victimes canadiennes être les seuls moyens de faire entendre leur voix. L’article 10 L.c. prévoit quant à lui l’auto-saisine du Commissaire543. Concrètement, on peut

imaginer que le Commissaire soit informé d’une pratique par voie de presse. Il peut alors enquêter de son propre chef. Pour les victimes, le droit positif canadien ne propose pas d’options satisfaisantes. Ce « droit de plainte » n’offre pas à la victime un moyen de se faire entendre du Bureau de la concurrence.

D’un point de vue organique, en France, il n’y a pas de division fonctionnelle entre l’autorité de poursuite des pratiques anticoncurrentielles et l’organe chargé de leur sanction. Le tout revient à l’Autorité de la concurrence en tant qu’organe chargé de veiller au respect des règles de concurrence. Mais, en son sein, il y a une division claire des fonctions. Au Canada, cette division est organique. Le Bureau de la concurrence instruit l’affaire et, ensuite, soit il saisit le Tribunal de la concurrence s’il estime être en présence d’une infraction civile (ou non-criminelle)544, soit il saisit la Direction des

poursuites criminelles et pénales du Canada, l’équivalent en France du Procureur de la République545, s’il estime être en présence d’une pratique anticoncurrentielle

sanctionnée pénalement par la L.c.546. La division fonctionnelle des pouvoirs de

541 Cons. conc., Déc. n° 90-D-16, 15 et 16 mai 1990, Travaux d’assainissement : [en ligne] :

<http://www.autoritedelaconcurrence.fr/pdf/avis/03d10.pdf>.

542 Cons. conc. Déc. n° 06-D-39, 15 décembre 2006, Impression des Pyrénées : BOCCRF 22 mars 2007,

p. 570.

543 Au Canada aussi, le Ministre de l’industrie peut intervenir directement sur le contentieux concurrentiel

en demandant au Commissaire de tenir une enquête, v. art. 10(1)b)(iii).

544 Pour ne pas perdre le lecteur français, il doit avoir à l’esprit que le terme « civil » ne renvoie pas

nécessairement au droit civil au Canada. En droit de la concurrence canadien, le terme de droit français qui serait le plus synonyme du mot « civil » serait le terme « administratif ».

545 En France, cette hypothèse existe mais seulement pour la poursuite pénale, et non plus administrative,

des auteurs de pratiques anticoncurrentielles.

141 l’Autorité de la concurrence en France pourrait permettre d’envisager de lui conférer un nouveau pouvoir, celui d’octroyer des dommages et intérêts à la victime547 à l’image de

l’action civile en droit pénal. La combinaison des actions devant l’Autorité de la concurrence représenterait une économie de coûts. La division organique des autorités de concurrence au Canada semble également favorable à la création d’une telle possibilité. Seulement, comme relevé plus haut548, cela est dans le concept inenvisageable au regard du traitement pénal de la victime au Canada. En effet, même s’il s’agit de la Loi sur la concurrence, elle constitue une législation criminelle sur certains points549. Il n’est donc pas possible d’envisager une exception à ce titre.

Pourtant, malgré les éléments qui viennent d’être énoncés, le droit de la concurrence canadien offre un accès privé au Tribunal de la concurrence pour certaines infractions et à certaines conditions.

39. Le Tribunal de la concurrence et le droit d’accès privé – Nous l’avons évoqué

jusqu’à présent de manière ponctuelle, il convient désormais d’exposer en quoi consiste le modèle canadien d’accès privé au Tribunal de la concurrence. D’abord, précisons qu’il ne s’agit pas de l’action privée telle qu’elle est entendue dans notre étude550. En

effet, l’action n’a rien de consumériste, ni d’indemnisateur551. Elle vise en réalité des

litiges entre professionnels. Elle participe au maintien d’une loyauté dans les rapports commerciaux. Elle ne concerne pas l’entente ou l’abus de position dominante puisque ne sont concernés par cet accès privé que les articles 75, 76 et 77 de la L.c. Ces articles traitent du refus de vendre, des pratiques d’exclusivité, de vente liées, de limitations du marché et des maintiens de prix552, c’est-à-dire les pratiques restrictives de concurrence.

L’accès privé au Tribunal de la concurrence est prévu à l’article 103.1 L.c.553. Comme

547 Un courant doctrinal émerge en France en faveur de cette hypothèse, v. G. ZAMBRANO, op.cit., note

5, p. 434 et 435.

548 Supra, par. 37.

549 Il faut préciser que les dispositions sur les ententes ont figuré dans le Code criminel canadien de 1892

à 1960, v. Y. BÉRIAULT, et al., op.cit., note 539, p. 107.

550 Supra, p. 70 et s. 551 Supra, par. 62.

552 Cette disposition a rejoint les dispositions civiles de la L.c. depuis sa décriminalisation en mars 2009.

Sur la réforme de 2009, v. l’analyse de la Commissaire de la concurrence en poste à ce moment, Melanie L. AITKEN, « The 2009 Amendments To The Competition Act : Reflecting on Their Implementation and Enforcement and Looking Toward The Future » (2012) 25/2 Canadian Competition Law Review 659- 678.

553 V. supra à la p. 48 pour des explications sur le contenu de l’article 103.1. L’article est aussi présenté

nous l’avons vu, il n’offre pas un droit à réparation554. Il propose en revanche l’arbitrage

du Tribunal de la concurrence dans un contentieux entre professionnels. Par conséquent, les consommateurs en sont exclus555. Cependant, si le Commissaire de la concurrence a

présenté une demande sur le même fondement que la partie privée, la demande d’accès privé sera rejetée. L’article 103.1, aux paragraphes (3) et (4) met en place un mécanisme d’information du Tribunal, par le Commissaire, de l’existence d’une procédure similaire instruite par le Bureau de la concurrence. Le Tribunal rejettera donc la demande si le Commissaire agit lui-même. Entre l’action publique et l’accès privé au Tribunal de la concurrence, le droit canadien choisit d’écarter la partie privée s’il y a conflit.

Au plan des principes, il demeure que le Canada a fait un choix qui va à l’encontre de l’histoire de son droit de la concurrence, réservé à la base aux instances gouvernementales556. On a craint que cette ouverture génère des actions abusives557. Il

faut signaler que le système mis en place est prudent car il est nécessaire d’obtenir l’accord du Tribunal pour agir. Cela passe par un exposé écrit, sans présentation orale, des raisons de l’action. Dans une décision National Capital News Canada c. Milliken558,

554 Id.

555 En effet, l’article 103.1 parle d’ « entreprise » et non de consommateurs.

556 Paul Erik VEEL, « Private Party Access to the Competition Tribunal : A Critical Evaluation of the

Article 103.1 Experiement », (2009) 18/1 Dalhousie J. Legal Stud. 1-30, à la p. 2 ; STIKEMAN ELLIOTT (avocats), Competition Act & Commentary, Markham, LexisNexis, 2013, p. 43 : « The purpose of the requirement for leave is to create a “gate keaper” mechanism to prevent frivolous or tangential cases from being pursued ».

557 Id., p. 5. Pour un exemple d’abus de procédure voir la décision, Annable c. Capital Sports and