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Sous l’Ancien Régime, l’Isère comptait plus d’une vingtaine de ports entre la Roche de Glun et Pontcharra. S’ils n’étaient pas pourvus d’édifices destinés au commerce ou de moyens techniques de chargement et déchargement, ces espaces avaient les mêmes fonctions qu’un port au sens contemporain du terme.

A/ Localisation.

Comme pour les bacs, la localisation des ports de l’Isère est difficile. La plupart du temps, c’est la berge qui fait office de quai de déchargement et ne laisse ainsi aucun élément propre qui faciliterait sa localisation exacte. Les ports, qui permettaient de collecter ou de distribuer les différentes productions locales et régionales, employaient vraisemblablement une main d’œuvre importante du fait de l’absence de moyen de levage, même rudimentaire. De par la faiblesse voir l’inexistence de structures matérielles et commerciales, les ports ne polarisent que très faiblement l’espace qu’ils entourent.

En amont de Grenoble, le port le plus important est celui de Goncelin, essentiellement destiné au commerce du fer : « Il est le lieu de chargement de la production des hauts-fourneaux

d’Allevard »62. D’autres ports en aval de Grenoble profitent d’une production locale importante pour se développer. Le port de Saint Gervais doit sa renommée à l’implantation d’une fonderie royale et donc à une activité commerciale accrue avec le transport de canons destinés à la marine de Toulon63. Celui de Moirans permet d’acheminer les toiles de Voiron lors des départs

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AMG, Cote BB 128. 62

Angélique Forel, op. cit. p. 112.

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Alain Schrambach, « Les origines de la navigation dans le Dauphiné et la Savoie et les bateaux sur l’Isère »,

35 pour la foire de Beaucaire64.Comme le montre la carte des localisations ci-dessous, la disposition des ports sur l’Isère est assez régulière :

Carte : Localisation des ports sur l’Isère. Grenoble comprend trois ports non distingués.

Même s’ils développent un transit plus important que certains autres ports situés sur l’Isère, leurs infrastructures semblent tout aussi inexistantes. La situation semble identique pour les trois ports de Grenoble, celui de la Citadelle, celui de la Madeleine et celui de la Roche, qui sont les principaux lieux d’accostage pour les bateaux qui traversent la ville, y chargent ou y déchargent des marchandises. Le pré de la trésorerie avait comme fonction d’être un lieu de déchargement en cas d’interdiction de l’entrée dans la ville lors des épidémies65. Mais le manque d’espace, qui semble caractériser les autres ports grenoblois, semble avoir contribué à faire de ce lieu un quatrième espace portuaire66. Bien que dotés d’infrastructures modestes, les ports de l’Isère sont parfois des sources de revenus pour la noblesse locale et sont également l’objet d’enjeux importants.

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Angélique Forel, ibid. 65

BMG, Cote O.16900, Arrêt de la cour du parlement du Dauphiné (chambre des aides et finances), 23 septembre1744.

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36 B/ Des espaces disputés.

La plupart des espaces portuaires s’établissent souvent à même les berges. Dans les zones urbaines, les ports sont améliorés par l’utilisation de places et quais qui bordent la rivière pour permettre le chargement et le déchargement des bateaux. Une copie d’un arrêt du parlement de Grenoble fait état de l’utilisation de la place située derrière le couvent des Cordeliers comme espace portuaire.67 Cet arrêt donne l’interdiction aux frères Cordeliers d’enclore leur propriété car celle-ci est utilisée par la population. L’utilisation publique de l’espace prévaut ici sur le droit individuel des propriétaires. Mais bien souvent cette utilisation est monnayée. Les ports, qui appartiennent souvent à la noblesse locale, sont pour elle une source d’enrichissement. Dans les ports de Grenoble un « droit de riverage » est perçu. Il s’agit d’une taxe qui s’applique sur les attelages qui hâlent les bateaux. Théoriquement au moins, cette taxe est destinée à la construction et l’entretien des chemins de hallage. A la fin du XVIIème siècle, ce droit d’origine médiévale semble s’être élargi à l’ensemble du trafic fluvial. En 1698, le procureur du roi demande que le bureau des finances de la ville de Grenoble procède à la vérification des titres qui légitime cette pratique. Lors de cette demande, il précise que : « La dame de mareschalle de l’hospitale perçoit ce droit à raison de deux sols par bateau

montant et descendant ladite rivière de l’Isère. »68. Le droit de « riverage » peut également s’appliquer aux marchandises qui se vendent sur le bord des rivières.

Ce droit, détenu par Madame de Mareshalle, avait été évalué lors de la « mesurassion » des îles et îlots de 1694 à un apport annuel de 100 Livres. Il est difficile de définir précisément la valeur financière de ce droit. Etait-il une source de bénéfice pour la noblesse locale ? Ou était- il un juste prélèvement réellement destiné à l’entretien des rives et ports ? Les sources ne permettent pas d’établir avec certitude la portée réelle du contrat.

Une autre source traite des conflits entre l’espace privé et le droit public : celui où les habitants de la rue du bœuf adressent une supplique aux, maire et consul de la ville de Grenoble pour réclamer certaines mesures visant à améliorer la navigation et le commerce fluvial. Une de leurs demandes est de rendre public l’accès au « plassage » situé au bord de l’Isère, qui était utilisé comme port par les habitants de la rue :

« Monsieur les maire et consuls de la ville de Grenoble,

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AMG, Cote GG 128, Copie du parchemin de l’arrêt du parlement. 68

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Suplien humblement les habitants des rues du Bœuf, Chenoise, Brocherie, Trois cloitres et autres circonvoysin remontre que de tous temps il y avait un plassage dans ladite rue du Bœuf du cote de l’Izaire contre les fosser de l’arsenal. Lequel plassage servait de port pour charger et décharger les bateaux qui vont et viennent dans lavallée. Cependant depuis quelques années feu Antoine Bouvier […] avait usurper ladite place et avait fait batir une maison […] Les dits Bouvier et Rey ne se sont pas contenter de cette usurpation il on encore fait un monopole publique en faisant payer un droit considerable et à leur fantaisie a ceux qui on voulu et vouloit presentement faire charger et décharger quelque bateaux dans ledit endroit. »69

Cette source met ici en valeur l’intérêt que peut présenter le contrôle des espaces portuaires et les sources de bénéfices qu’ils peuvent être pour certains, tout en soulignant l’importance, au moins dans les villes, des accès directs au cours d’eau.