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L’historique d’un péage est un élément majeur car c’est lui qui atteste la légitimité de la perception du droit. Dans une société ou la justice est encore largement basée sur les droits coutumiers, c’est l’ancienneté de l’établissement du péage et la pratique de la perception qui légitiment ce droit envers les propriétaires seigneuriaux. Ainsi les notions « de coutumes, de

temps immémorial et de mémoire d’hommes »93 sont souvent utilisées dans les mémoires94

servant à la vérification des droits à l’époque moderne. Les différents titres relevant des péages de Charmagnieu et Pizançon permettent de dresser l’histoire de ces derniers au travers des deux grandes familles propriétaires qui sont les De Poitiers de Saint-Vallier et les De la Croix de Chevrières.

A/ Charmagnieu.

Le péage de Charmagnieu dépend des terres patrimoniales de la seigneurie, il dépend donc seulement des propriétaires de la partie poitevine de la seigneurie.

La première mention du péage de Charmagnieu date du début du XIème siècle, en 1052, quand l’empereur Frédéric Barberousse donne en fief une partie de la terre de Pizançon et Charmagnieu. Cette inféodation porte sur les terres, les châteaux et les péages qui en dépendent. Dans un mémoire sur les péages détenus par Gabriel De la Croix de Chevrières établi pour la vérification des titres de 1687, cet acte est rappelé :

« Acte de main publique qui ennonce une concession et inféodation faite par l’empereur Frédéric à Siluré de Clerieux des chateaux de Clerieux et Charmagnieu avec les péages en

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ADI, Cote 29 J 137. 94

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dépandants […] l’inféodation est ennoncées de mot à mot et est de l’année mil cinquante deux reduite en acte public par le presant titre qui est de l’année mil trois cents quarante cinq. »95

Plusieurs actes du XVème et du XVIIème confirment l’existence du péage de Charmagnieu. Une « information » de 1407 fait état de deux droits de péage concernant la seigneurie de Pizançon, dont l’un, celui de Charmagnieu est détenu par Charles De Poitiers et l’autre, par le Roi. Mais si les actes les plus anciens que dresse la famille De la Croix de Chevrières lors de la vérification des péages permettent d’asseoir leurs droits seigneuriaux sur celui-ci, elle doit également pour le confirmer de manière pérenne, établir des actes l’assignant comme étant propriétaire. Ces titres permettent de voir l’évolution du péage et de son extraction pendant toute la durée de sa possession par la famille De la Croix de Chevrières.

Gabriel seigneur de Pizançon adresse ainsi dans un premier lieu l’acte de vente de la seigneurie comprenant le Péage de Charmagnieu, qui en dépend. Il produit également un acte du parlement de Grenoble qui le confirme dans la possession du péage de Pizançon :

« il est encore produit un arret du parlement de Grenoble du septième septembre 1650 obtenu

par le feu Gabriel de la Croix de Pizançon par lequel il est maintenu dans la possession dudit péage de Charmagneux avec injonction à ceux qui passeront devant le lieu de Pizançon et de Charmagnieu par eau et par terre dans le lieu de Pizançon qui se trouveront debvoir le dit peage de le payer et de l’acquiter au bureau par lui etabli sous peines d’amende et confiscation prononcé par le meme arrest. »96

B/ Pizançon.

Si le statut du péage de Charmagnieu est sans conteste patrimonial, celui de Pizançon est plus complexe. Le droit de ce péage ainsi que les revenus qui en dépendent sont conjointement la propriété du roi et du seigneur de la part patrimoniale :

« Comme lesdits péages sont distinct, en ceque celuy de Charmagnieu est patrimonial, et que celuy de Pizançon est domanial et patrimonial par indivise.»97

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ADI, Cote 29 J 137, Mémoires et inventaires des titres établis pour la vérification des péages en 1687, concernant les péages de Pizançon et Charmagnieu.

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ADI, Cote 29 J 137. 97

50 La perception se faisant sur un même lieu et les propriétaires étant identiques, il ne nous a pas été possible de saisir les termes du partage. Les parts respectives du roi et de la famille De la Croix de Chevrières nous sont donc inconnues.

Lors de la vérification des titres des péages faite en 1687, Gabriel De la Croix de Chevrières justifie de la légitimité du péage de Pizançon par plusieurs actes dont les plus anciens remontent au XIVème siècle. Il produit entre autre certains privilèges accordés concernant le péage par eau et par terre de Pizançon et les révocations de ces derniers :

« premierement est produit les privilèges accordés aux habitants de la villes de Romans

portant en autres choses exemptions de toutes sortes de péages lesquels privilèges sont de l’année mil trois cent soixante six et du huitieme février et accordés par acte public au bas desquels est la revocation est principalement du péage de Pizançon par le meme empereur qui avoit accordé lesdits privileges laquelle revocation est du sixieme Juin mil trois cents soixante quatorze. »98

Dès la deuxième moitié du XIVème siècle, la famille De Poitiers de Saint-Vallier possède un droit sur le péage domanial de Pizançon : une lettre patente de Charles V, roi de France, approuve le don en fief de ce dernier à son cousin Charles De Poitiers, comprenant le Château de Mureil99 et une rente de 30 florins sur le péage de Pizançon. Cette transaction a du s’effectuer à titre d’engagiste du domaine royal car la partie patrimoniale revient aux De Poitiers en 1374. Par la suite, les propriétaires seront donc Charles de Poitiers, puis Diane De Poitiers. Un titre datant de 1450, produit par le seigneur de Pizançon confirme l’ancienneté du péage :

« Le dit seigneur produisant un acte de main publique du 6 Aout mil quatre cents quinze

portant confirmation aprobation et ractification du péage de Pizançon au profit du seigneur dudit lieu par Sigismond empereur des Romains par lequel acte l’empereur confirme et ratifie et aprouve son temps meme quil seroit necessaire ledit péage de Pizançon et il est porter par le meme titre que les seigneurs de Pizançon sont en coutume de lever, d’exiger et percevoir ledit péage de tout temps immemoré ny ayant point de mémoire d’homme.. »100.

Cet acte est l’œuvre de Sigismond Ier de Luxembourg, roi des Romains depuis 1410 et qui prend le titre d’empereur des romains en 1433.

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ADI, Cote 29 J 137. 99

Commune située dans l’actuel département de la Drome, à 11 km à l’Est de Saint-Vallier. 100

51 Comme pour le péage de Charmagnieu, la famille De la Croix de Chevrières ne se limite pas à adresser les titres les plus anciens lors des vérifications, elle utilise également des actes contemporains en leur possession pour renforcer et légitimer le droit à la perception du péage de Pizançon. Le seigneur de Pizançon présente ainsi une reconnaissance des consuls et députés de la communauté. Cet acte confirme la présence du péage domanial de Pizançon et conforte la famille De la Croix de Chevrières en tant que propriétaire du péage et comme seigneur engagiste du domaine royal :

« d’ailleurs lesdits péages sont encore établit par les recognosillances passées par les

habitants dudit Pizançon, en faveur de sa majesté et les coseigneurs dudit Pizançon et particulièrement par celle du 22juin 1596, et 22 Juillet 1680 par les quelles les consuls et desputés de ladite communauté representant le corps universelle de ladite ciommunauter ont declare que le roy et le seigneur président de Pizançon sont en coutume et ont au dit lieux de Pizançon leurs péage tant par eau que par terre sur les marchandises qui y passant et que le péage appartenant a sa majesté estoit possédé par le dit seigneur president de Pizançon en qualité d’engagiste. »101