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A/ Distinction des différents bénéfices et rentabilité du fermage.

Avant d’aborder l’analyse des données financières des différentes sources, il doit être précisé un certain nombre de points, car la notion de bénéfice peut désigner plusieurs choses. C’est d’abord, le bénéfice brut du péage effectivement perçu par le péager et relevé sur les comptes journaliers et certains livres de compte. C’est également le bénéfice net versé à la famille de la Croix de Chevrières, que l’on retrouve dans les différents contrats de fermage. C’est aussi, enfin, ce que touche le fermier après déduction du prix du contrat et des frais engagés par la perception.

Même le bénéfice net perçu par la famille de la croix de Chevrières ne peut être établi avec certitude : il faut en effet rappeler que le péage de Pizançon est en partie domanial et nous n’avons aucune source qui nous permet de savoir quel est le pourcentage des bénéfices attribués au roi sur le prix du fermage versé à la famille de la Croix de Chevrières.

Il y a aussi lieu de faire des distinctions concernant les bénéfices bruts du péage de Pizançon et Charmagnieu. Nous rappelons qu’il existe en tout, quatre péages : deux par voies d’eau, couplés ensemble, et deux par voie de terre, celui du pont de Bourg de Péage de Pizançon, également associé aux péages par voie d’eau, et un autre, de taille mineure, dont nous ne pouvons pas localiser l’emplacement.

Les revenus dont nous avons le détail concernent uniquement les péages par voie d’eau. Il est cependant possible, par déduction, d’estimer la somme minimum que rapporte le péage du pont. En effet, s’il est tout à fait envisageable que le péager perde parfois de l’argent vis-à-vis

83 des frais engagés par la perception et le coût du contrat de fermage, cela ne peut être permanent : sinon personne ne se proposerait comme fermier.

Ainsi, disposant des revenus bruts du péage qui sont inscrits sur les comptes journaliers et du prix du contrat de fermage, nous pouvons réaliser une estimation du revenu brut minimum que rapporte le péage par terre. Nous prenons comme exemple l’année 1734 où nous disposons simultanément du prix du fermage et des revenus bruts inscrits sur les comptes journaliers. Le contrat de fermage s’élève cette année là, à 1750 livres, plus un quintal de savon et un quintal de plomb218.

A la somme de 1750 livres que le fermier doit débourser, s’ajoute les frais des commis qui perçoivent matériellement les taxes. On compte au minimum deux personnes (une située sur le pont et une autre sur la rivière), peut-être plus. En ne prenant que deux personnes, payées à hauteur de 10 sols par jour219, cela représente un coût avoisinant les 300 livres annuelles.220

Pour l’année 1734, les bénéfices bruts du péage par eau sont de 1083 livres. Nous soustrayons donc les bénéfices bruts au prix du contrat : 1750 – 1083 = 667 livres. Il faut ajouter les dépenses liées aux frais de perception : 300 livres. Ainsi, le péage du pont doit rapporter au minimum 967 livres, somme à partir de laquelle le fermier commence à faire un bénéfice réel. Cette estimation doit selon nous, être revue à la hausse compte tenu du supplément en nature indiqué dans le contrat de fermage, qui n’est pas pris en compte ici.

B/ La rentabilité des péages.

Deux sources nous permettent de connaitre le bénéfice brut du péage, c'est-à-dire ce que rapporte le prélèvement des taxes avant les différentes ponctions. En étudiant les comptes journaliers ainsi que les livres de comptes, nous pouvons montrer l’évolution des bénéfices entre 1621 et 1734.

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N’ayant pas les tarifs de ces marchandises pour cette année là, il n’a pas été possible de déterminer leur valeur marchande. Elle n’a donc pas été prise en compte. A titre d’information la valeur marchande des avantages en nature pour l’année 1705 s’élevait à 640 livres.

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Tarifs cités par Jean Yves Grenier, L’économie d’ancien régime : un monde de l’échange et de l’incertitude, Paris, Albin Michel, 1996, p. 248. : « les meilleurs ouvriers compagnons à 2 ou 3 livres tournois, ceux qui vont à la journée, à 10 sols, les manœuvres qui gagnent moins de dix sols. »

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84 A l’époque moderne, le poids en or contenu dans une livre tournois diminue fortement : la dévaluation de la livre tournois est régulière, passant de 1,46 gr en 1600 à 0,31 gr en 1734. Travaillant sur une très longue période, il est nécessaire de prendre en compte cette variation. Nous pouvons ainsi calculer l’évolution des bénéfices en fonction de la dévaluation de la livre tournois221, en l’exprimant en masse d’or.

Il est également possible de procéder au calcul de l’évolution des bénéfices réels en exprimant ces derniers en livres constantes de 1621, livres constantes basées sur le prix du froment, denrée de base dans l’alimentation de l’Ancien Régime.222 Pour effectuer cette conversion nous avons utilisé les mercuriales de la ville de Grenoble.223

Tableau : Evolution du bénéfice des péages fluviaux de 1621 à 1631, 1652,1654 et de 1721 à 1734.

Précisons tout d’abord que les bénéfices des péages par eau de Pizançon sont très faibles à l’échelle de l’ensemble des péages du royaume : sur le Rhône les péages enregistrent des bénéfices vingt à trente fois plus élevés, parfois plus. 224

L’analyse du graphique nous permet de constater une hausse globale des bénéfices en valeur courante des péages par eau de Pizançon et Charmagnieu (courbe bleue).225 Cette évolution est

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Nous nous basons sur la table réalisée par Natalis de Wailly. 222

Pierre Goubert, Beauvais et le Beauvaisis 1600 à 1730 : contribution à l’histoire sociale de la France du

XVIIIème siècle, Paris, Editions HESS, 1982.

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AMG, Cote HH 10 (1731- ) et ADI, Cote 2 J 351, relevé effectué par Monsieur Lartouche. 224

Anne Conchon, op. cit. Carte pp .95-96. 0 500 1000 1500 2000 2500 Bénéfice en livres courantes. Bénéfice en livres constante  en fonction du blé. Bénéfice en livres constantes  en fonction de la dévaluation  monétaire.

85 marquée par de fortes variations annuelles : en 1621, les bénéfices sont de 613 livres, puis grimpent à 864 livres l’année d’après et à 1263 livres l’année suivante. En deux ans, les bénéfices varient du simple au double. Des variations d’une même ampleur sont constatées à la baisse cette fois, entre 1628 et 1629 avec entre les deux, des variations moindres. Sur l’ensemble de la période, les bénéfices du péage augmentent sensiblement : la moyenne des années 1621-1631 est de 764 livres, celle des années 1727-1729 et 1731-1733 est de 1404 livres, soit approximativement le double.

Cependant, cette hausse en valeur courante ne doit pas cacher une baisse des taxes perçues en livres constantes confirmée par l’inflation du prix du froment et accompagnée d’une dévaluation monétaire de la livre (courbes rouge et verte).

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Entre 1621 et 1631 la courbe en livre courante (en bleu) est recouverte par la courbe en livre constante selon le poids d’or (en vert) car il n’y a pas de dévaluation durant cette période.

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CHAPITRE 6 - Le Péage de Charmagnieu :