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LES FONDEMENTS CONSTITUTIONNELS DE LA LIBERTE CONTRACTUELLE

IV. PORTEE PRATIQUE DU FONDEMENT CONSTITUTIONNEL DE LA LIBERTE

CONTRACTUELLE EN TANT QUE PRINCIPE

D'INTERPRETATION ET DE CONCRETISATION DU DROIT PRIVE

Que signifie en pratique la règle selon laquelle la jurisprudence, lorsqu'elle interprète et applique les normes de droit privé, doit tenir compte de la liberté personnelle et des autres droits fondamentaux? Quelle portée pra-tique attribuer à la reconnaissance, par le Tribunal fédéral, du principe de l'interprétation des normes de droit privé conforme à la Constitution, et plus particulièrement aux droits fondamentaux34?

1. La garantie de la liberté contractuelle au vu des droits fondamentaux

Jusqu'ici, rares sont les situations dans lesquelles la jurisprudence a expressément considéré que la liberté contractuelle, en tant que «partie

32 Auer (note 27) 17; Bucher (note 25) 37 ss; Grossen (note 27) 17 a; Hu ber (note 27) 206; Rossinelli (note 16) 24.

33 ATF 111 II 245, 257 X. AG; cf. aussi Siehr (note 21) 638ss: «Grundrecht in privat-rechtlicher Rechtsprechung», et surtout Zach (note 24) 1-7: «Praxis der Zivilge-richte». Une jurisprudence beaucoup plus riche du Bundesverfassungsgericht alle-mand limite la liberté contractuelle en faveur d'autres principes constitutionnels par une interprétation des lois civiles conforme à la Constitution, cf. p. ex. U. Reifner, Die Mithaftung der Ehefrau im Bankkredit - Bürgschaft und Gesamtschuld im Kre-ditsicherungsrecht, Zeitschrift für Wirtschaftsrecht und lnsolvenzpraxis 1990, 427, 437 s. et références.

34 Cf. supra ch. III 2 et note 27.

essentielle de la liberté personnelle assurée par le droit privé»35, et celle-ci en tant que mise en œuvre du droit constitutionnel non écrit de la liberté personnelle36, doit l'emporter sur la liberté personnelle du cocontractant ou sur ses autres libertés constitutionnelles. En 1985, le Tribunal fédéral rappelle que dans l'arrêt Seelig c. Studio 4 A.G. du 2 février 1954, il «s'est référé aux principes dégagés dans l'interprétation des règles constitution-nelles sur la liberté de la presse» pour, en définitive, donner la priorité à la liberté contractuelle37Certains auteurs estimaient au contraire que dans ce cas d'espèce la liberté contractuelle de l'exploitant du cinéma aurait dû céder face à la liberté personnelle de Seelig38

Le Tribunal fédéral constate encore que, d'une manière plus générale, il a souvent pris en considération la portée de la liberté de la presse dans les relations entre particuliers, pour protéger en fin de compte la personnalité du lésé contre des atteintes illicites. «Le Tribunal fédéral reconnaît expres-sément l'effet indirect de la liberté de la presse; une jurisprudence cons-tante tient compte depuis longtemps d'une telle incidence pour traduire dans les faits la protection de la personnalité visée aux art. 27 et 28 CC»39 Mais il ne s'agit que de cas où la liberté contractuelle n'était pas mise en cause.

On peut se demander si, à l'avenir, la jurisprudence ne sera pas amenée à interpréter en faveur de la liberté contractuelle les nouvelles dispositions sur le bail à loyer du 15 décembre 1989 permettant l'annulation du congé et la prolongation du bail également pour d'autres raisons que celles perti-nentes selon le droit en vigueur avant le 1er juillet 1990. Le nouveau droit consacre en effet un renforcement très net de la position juridique du loca-taire, ce pour des raisons d'ordre social, économique et juridique40La

Tercier (note 28) 30 No 195, 100 Nos 705ss.

40 Cf. R. Barbey, Protection contre les congés concernant les baux d'habitations et de locaux commerciaux - Introduction et art. 271, 271a CO, Genève 1991 45 ss (54:

«Le temps viendra peut-être où on se demandera comment il convient de protéger un bailleur face à une demande d'annulation de congé ou de prolongation déposée par le locataire»). Sur la prévention ou, à défaut, la répression d'abus dans le secteur locatif, en concrétisation de l'art. 34septies al. 1 Cst. «dans le cadre d'un système qui devrait demeurer fondamentalement libéral», cf. Ch.-A. Junod, Les incidences du droit administratif du logement social sur le droit privé du bail à loyer, RDS 1989 1 403, 431. L'A TF 111 II 245 X. AG soulève une question analogue de concrétisation

liberté contractuelle du bailleur de convenir d'avance de la fin d'un bail à durée déterminée ou du droit de résilier unilatéralement un bail à durée indéterminée a été sensiblement restreinte. Mais l'art. 272 al. 2 CO appelle expressément l'autorité compétente à effectuer une «pesée des intérêts», lorsqu'il s'agit d'établir si le bailleur abuse de la liberté contractuelle et si le locataire a le droit de demander la prolongation du bail selon les art. 272 - 273 c CO contre la volonté du bailleur. Mettre en balance la liberté contractuelle et les intérêts protégés par la nouvelle législation sera la tâche principale de la jurisprudence en cas de litiges dans ce domaine.

2. Les restrictions de la liberté contractuelle au vu des droits fondamentaux

Beaucoup plus fréquents sont les cas dans lesquels la jurisprudence a au contraire considéré que la liberté contractuelle devait être restreinte au vu des droits fondamentaux, notamment de la liberté personnelle, de l'autre partie contractante41 La restriction s'explique aisément, car «celui qui exerce ses droits fondamentaux doit respecter les droits fondamentaux d'autrui; en particulier nul n'y peut porter atteinte en abusant de sa posi-tion dominante»42Ce principe exprime au plan constitutionnel ce que les art. 2 al. 2 CC et 20 al. 1 CO ainsi que l'art. 27 al. 2 CC disposent pour le droit civil en général, et pour le droit contractuel en particulier: un droit existant en apparence n'existe pas en réalité s'il est exercé abusivement.

Lorsque le fait d'exiger la fidélité contractuelle contrevient manifestement aux règles de la bonne foi, le droit à l'exécution du contrat ne subsiste pas et le contrat ne déploie plus les effets déclarés voulus. Si, au vu de l'ensemble des circonstances, un contractant abuse de la liberté contrac-tuelle, les limites de cette liberté sont transgressées et il doit tolérer

l'invali-de notions imprécises l'invali-de droit privé à l'ail'invali-de l'invali-des droits fondamentaux: le Tribunal fédéral laisse indécise la question de savoir si le droit de grève est garanti par la Cons-titution, mais considère que dans l'affirmative ce droit constitutionnel aurait son influence sur l'application de l'art. 337 CO et sur l'appréciation, par le juge, des

«justes motifs» permettant une résiliation immédiate du contrat de travail; l'arrêt est critiqué par Bucher (note 25) 37 ss; et: «Gibt es ein verfassungsmassiges <Streik-recht> und lasst sich diese Vorstellung ins Privatrecht übertragen?», Recht 1987 9ss.

41 Cf. les exemples cités par l'ATF 111 11245,256 X. AG; Bucher (note 16) 116ss Nos 422ss; sur la portée des art. 27 CC et 2 al. 2 CC, ATF 11411159 Brauerei X. AG.

42 Art. 26 al. 2 du Projet d'une nouvelle Constitution fédérale du Département fédéral de justice et police du 30 octobre 1985; art. 25 al. 2 du Projet de Constitution fédé-rale de 1977 de la Commission d'experts.

dité de la convention afin de permettre à l'autre partie de faire valoir sa propre liberté et ses propres droits.

Le Tribunal fédéral admet43 que son arrêt de 197644, constatant la nullité de dispositions contractuelles restreignant de manière inadmissible la liberté d'un joueur de football d'obtenir son transfert dans un autre club, s'explique également par le droit fondamental de ce joueur à sa liberté per-sonnelle. Il en fut de même dans un cas de transfert d'un joueur de hockey sur glace tranché par le Tribunal supérieur de Zurich45 . Et le Tribunal fédéral de constater que «dans ses arrêts souvent cités sur la licéité du boy-cott (avant la loi sur les cartels), il a jugé que la liberté de concurrence, fon-dement de l'économie suisse, l'emportait aussi sur les conventions pri-vées»46.

3. La délimitation jurisprudentielle entre la garantie et les restrictions de la liberté contractuelle au vu des droits fondamentaux

Une restriction du droit fondamental de la liberté personnelle et de son effet réflexe entre les particuliers, la liberté contractuelle, se justifie lors-qu'une situation de fait est exploitée abusivement au détriment des libertés d'autrui. Pour le juge, c'est une question d'évaluation que de savoir, en cas d'absence d'une norme précise réglant ce conflit, quand il y a abus et quand un excès est commis au nom de la liberté contractuelle. La pondéra-tion des intérêts de l'un et de l'autre tiendra d'une part compte de la nature du bien atteint, de la gravité de l'atteinte aux libertés d'autrui et des consé-quences que l'atteinte peut avoir pour la victime. D'autre part, elle retiendra le caractère primordial de la liberté personnelle et de son émana-tion, la liberté contractuelle. Enfin, cette pesée d'intérêts se fondera sur l'importance de la protection à accorder dans le cas d'espèce et évaluera les effets que pourrait avoir un refus de cette protection47 .

La pondération des intérêts se fait de cas en cas. Le Rapport du Conseil fédéral sur la révision totale de la Constitution fédérale du 30 octobre 1985 43 ATF 111 II 245, 256 X. AG; Aubert (note 27) 202; Müller (note 26) 239s.

44 ATF 102 II 211 Servette Football Club.

45 Obergericht Zurich, arrêt du 7 novembre 1977, RSJ 1979 75ss, in extenso Aepli (note 27) 156ss, avec une analyse selon le droit constitutionnel162ss.

46 ATF 111 II 245, 256X. AG.

47 Sur cette pondération des intérêts en matière de protection de la personnalité, cf.

Tercier (note 28) 87 s. Nos 609, 614.

observe à juste titre qu'il n'est pas possible de délimiter d'une manière pré-cise dans l'abstrait le principe énonçant que «la législation et la jurispru-dence font respecter les droits fondamentaux dans les rapports entre les particuliers, quand l'analogie est possible»48

Le risque d'un abus de la liberté contractuelle est grand dans une société hautement industrialisée, caractérisée par d'importantes inégalités et des situations de déséquilibre structurel entre les parties contractantes.

Comme le dit le Tribunal fédéral: «Les droits fondamentaux de l'individu ne sont pas seulement menacés par les empiètements de l'Etat; ils sont exposés aussi à la puissance de l'ordre social»49Le but n'est pas d'éliminer toutes ces inégalités, mais d'en prévenir les abus et d'empêcher que tous les risques de la transaction soient transférés à la partie en position de fai-blesse. Pour enrayer les abus, des changements intéressants sont inter-venus, non seulement dans la législation (p. ex. en vertu de l'art. 8 de la Loi fédérale contre la concurrence déloyale du 19 décembre 1986), mais aussi dans la jurisprudence du Tribunal fédéral, sans pour autant que les libertés constitutionnelles et leurs effets dans les rapports entre particuliers aient été invoqués.

Ainsi en 1986, dans un revirement annoncé préalablement50, mais néan-moins impressionnant, le Tribunal fédéral a assimilé l'exploitation d'une banque à «l'exercice d'une industrie concédée par l'autorité» au sens de l'art. 100 al. 2 C051De ce fait, le juge obtient le pouvoir d'appréciation prévu par cette disposition. N'est non seulement nulle, selon l'art. 100 al. 1 CO, une clause contractuelle tendant à libérer d'avance la banque de la responsabilité qu'elle encourrait en cas de faute grave de ses organes. Le juge peut également tenir pour nulle une clause contractuelle qui restreint la responsabilité contractuelle de la banque en cas de faute légère. Il peut enfin considérer comme nulle une clause qui met d'emblée à la charge du client, en cas de faute légère des organes de la banque, le risque de l'exécu-tion en main d'une personne non autorisée à recevoir la prestal'exécu-tion. Il appartiendra au juge, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, de mettre en balance les intérêts des parties, à savoir d'une part le besoin de protection des clients contre certaines clauses contractuelles préformulées,

48 Rapport du Conseil fédéral sur la révision totale de la Constitution fédérale du 30 octobre 1985 (Motions Obrecht et Dürrenmatt), FF 1985 III 1, 80; art. 25 al. 1 du Projet de Constitution de 1977, art. 26 al. 1 du Projet de 1985.

49 ATF 111 II 245,253 X. AG.

50 ATF 110 II 283, 287 X. AG; 109 II 116, 119 Aktiengesellschaft X.

51 ATF 112 II 450 Banque X.

pratiquement non susceptibles d'être discutées, d'autre part l'intérêt de la banque à se prémunir, en dérogation du droit positif, contre les risques de falsification des instructions qui lui sont données.

L'exemple montre que, dans la perspective des libertés fondamentales garanties par la Constitution, cette pesée des intérêts et ce jugement de valeur s'opèrent en tenant compte des inégalités de fait existant entre les parties contractantes. Une telle inégalité peut fausser l'autonomie de volonté des parties, mais nul ne peut porter atteinte aux droits fondamen-taux d'autrui «en abusant de sa position dominante»52La protection du faible exposé, p. ex. en tant que consommateur, en violation des principes à la base de l'art. 3pexies al. 1 Cst., au danger d'une exploitation de son infériorité par le plus fort, est une des conséquences pratiques importantes de l'axiome selon lequel les droits constitutionnels doivent exercer leur influence également en droit privé53

Il ne s'agit pas d'introduire en droit privé «la dualité figée de <faible> et de

<fort> » qui caractérise les rapports entre 1 'Etat et 1' administré54Tant s'en faut, car en principe la différence des situations est en effet de taille. Les droits constitutionnels s'opposent à l'exercice de la puissance publique, alors que les droits issus d'un contrat au sens de l'art. 1er CO se dirigent contre un partenaire présumé avoir conclu librement et sans contrainte.

Mais il s'agit de respecter les droits fondamentaux et le code de valeurs

52 Art. 26 al. 2 du Projet d'une nouvelle Constitution fédérale du Département fédéral de justice et police du 30 octobre 1985; art. 25 al. 2 du Projet de Constitution fédé-rale de 1977 de la Commission d'experts.

53 A TF 111 II 253 X. AG avec de nombreuses références, notamment au Projet de Constitution fédérale de 1977 de la Commission d'experts 55; sur la portée de l'art.

31'exies Cst. en droit contractuel, cf. Kramer (note 6) Nos 165 et 285 ad. art. 19-20 CO; E. A. Kramer, Konsumentenschutz und Rechtsstaat, SAG 1983 1, 12; Rhinow, in: Commentaire de la Constitution fédérale, art. 31sexies No 61.

54 Cette crainte est exprimée par Sandoz (note 27) 215. Il est vrai que certains auteurs sont très catégoriques, ainsi Fischer (note 6) 59: «Samtliche faktischen Schranken widersprechen dem Prinzip der Vertragsfreiheit». Plus nuancé, P. Jaggi a fait remar-quer, en 1945 déjà: «Das Recht des Schwachen ist das Anliegen des Staates. Kann der Schwache sein Recht nicht durchsetzen, ist der Richter da. Besteht seine Schwache gerade darin, dass er sein Recht nicht verlangen darf, so verlangt es der Staat für ihn auf dem Wege des ôffentlichen Rechts. Wenn daher heute der Staat immer mehr in das Gebiet des Privatrechts eingreift, so darf dies nicht ohne weiteres ais <Aus-hôhlung des Privatrechts> verstanden werden. Es sind ja Privatrechte, die auf diese Weise verwirklicht werden, und die sonst vielfach nicht verwirklicht würden. Zu Bedenken gibt dagegen Anlass, dass es der Staat ist, der Ordnung schafft, und nicht die Gemeinschaft der Beteiligten. Denn die schôpferische Gestaltung der Lebensver-haltnisse ist in erster Linie Sache der Beteiligtem>, Jaggi (note 7) 33.

qu'ils établissent dans les rapports entre particuliers, «quand l'analogie est possible»55, c'est-à-dire quand le rapport juridique entre contractants montre des similitudes avec le rapport de droit public. Ceci est surtout réa-lisé lorsqu'en fait «le contenu minimum de la liberté dont doit pouvoir bénéficier tout sujet»56 est en jeu, lorsque la puissance privée commence à ressembler à la puissance publique, lorsqu'un partenaire dans le rapport de droit privé exerce une «position dominante» et lorsqu'il s'apprête à porter atteinte aux intérêts de l'autre «en abusant de sa position dominante», c'est-à-dire en imposant des iniquités qui ne sont plus librement accep-tées57. C'est dans ce cas d'abus que le juge tranchera le litige entre les con-tractants en s'inspirant des droits fondamentaux de l'un pour refuser à l'autre l'exécution du contrat.

Ce que le Bundesverjassungsgericht allemand constate, dans une décision très fouillée du 7 février 1990, pour le droit allemand, mérite pleine appro-bation pour la délimitation jurisprudentielle entre la garantie et les restric-tions de la liberté contractuelle au vu des droits fondamentaux également en Suisse:

«Hat einer der Vertragsteile ein so starkes Übergewicht, dass er vertragliche Regelungen fak-tisch einseitig setzen kann, bewirkt dies für den anderen Vertragsteil Fremdbestimmung. Wo es an einem annahernden Kraftegleichgewicht der Beteiligten fehlt, ist mit den Mitteln des Vertragsrechts allein kein sachgerechter Ausgleich der lnteressen zu gewahrleisten. Wenn bei einer solchen Sachlage über grundrechtlich verbürgte Positionen verfügt wird, müssen staat-liche Regelungen ausgleichend eingreifen, um den Grundrechtsschutz zu sichem .... Selbst wenn der Gesetzgeber davon absieht, zwingendes Vertragsrecht für bestimmte Lebensbereiche oder für spezielle Vertragsformen zu schaffen, bedeutet das keineswegs, dass die Vertragspra-xis dem freien Spiel der Krafte unbegrenzt ausgesetzt ware. Vielmehr greifen dann erganzend solche zivilrechtlichen Generalklauseln ein, die ais Übermassverbote wirken ... Gerade bei der Konkretisierung und Anwendung dieser Generalklauseln sind die Grundrechte zu beachten ...

Der entsprechende Schutzauftrag der Verfassung richtet sich hier an den Richter, der den ob-jektiven Grundentscheidungen der Grundrechte in Fallen gestôrter Vertragsparitat mit den Mitteln des Zivilrechts Geltung zu verschaffen hat und diese Aufgabe auch auf vielfaltige Weise wahrnimmt»5S.

55 Art. 26 al. 1 du Projet d'une nouvelle Constitution fédérale du Département fédéral de justice et police du 30 octobre 1985; art. 25 al. 1 du Projet de Constitution fédé-rale de 1977 de la Commission d'experts.

56 Tercier (note 28) 30 No 191.

57 Sur le problème des libertés constitutionnelles restreintes par conventions librement contractées, cf. Aepli (note 27) 137 ss.

58 Bundesverfassungsgericht, Beschluss du 7 février 1990, publié (avant la publication dans le recueil officiel) dans: «Der Betriebs-Beraten> 1990 440, «Der Betrieb» 1990 574, «Neue Juristische Wochenschrift» 1990 1469, «Wertpapier-Mitteilungen» 1990 559. C. Hillgruber, Grundrechtsschutz im Vertragsrecht, zugleich Anmerkung zu BVerfG NJW 1990, 1469, Archiv für die civilistische Praxis 1991 69ss; W. Hofling, Vertragsfreiheit, Eine grundrechtsdogmatische Studie, Heidelberg 1991.

V. CONCLUSION

En Suisse, le fondement constitutionnel de la liberté contractuelle en tant que principe d'interprétation et de concrétisation du droit privé et le fon-dement constitutionnel des limites de cette liberté n'ont pas pesé d'un poids très lourd, jusqu'ici, dans l'appréciation du juge appelé à trancher un litige entre particuliers. La jurisprudence nous montre au contraire que le juge civil a souvent su prendre ses décisions d'une manière satisfaisante en concrétisant des notions juridiques imprécises de droit privé sans réfé-rence à la Constitution59C'est dire qu'il s'agit surtout de se réconforter en constatant que l'appréciation effectuée dans le cadre de l'art. 4 CC et le correctif jurisprudentiel apporté, le cas échéant, à la liberté contractuelle, lorsqu'il y a eu abus, correspondent bien aux principes fondamentaux de l'ordre juridique.

Il est cependant compréhensible qu'hier comme aujourd'hui, les juristes restent à la recherche de principes essentiels aptes à gouverner à la fois les relations de droit public et de droit privé. L'exigence de cohérence à la base de cette tentative ne porte atteinte ni à la diversité des règles de droit selon les situations de fait qu'elles régissent, ni à l'autonomie du droit privé comme ensemble de normes prescrivant au juge comment trancher des litiges dans des rapports auxquels l'Etat ou un autre détenteur de la puis-sance publique ne participe pas ou ne participe pas en tant que tel. En appliquant l'art. 20 al. 1 CO, le juge civil a toujours dû interpréter

égale-mr~nt des dispositions de droit public pour savoir si celles-ci, selon leur but et leur sens, ordonnent la nullité d'un contrat qui serait conclu en violation de l'ordre ou de l'interdiction qu'elles comportent60 Le droit constitu-tionnel n'en fait pas exception lorsqu'il s'agit de délimiter la liberté con-tractuelle de son abus.

Se rappeler le fondement constitutionnel de la liberté contractuelle et ses limites et en tenir compte dans l'interprétation et la concrétisation de normes de droit privé ne peut que contribuer à régler des litiges entre parti-culiers dans le respect des valeurs fondamentales de la société. Une «pesée

Se rappeler le fondement constitutionnel de la liberté contractuelle et ses limites et en tenir compte dans l'interprétation et la concrétisation de normes de droit privé ne peut que contribuer à régler des litiges entre parti-culiers dans le respect des valeurs fondamentales de la société. Une «pesée