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LA LIBERTE DE SE MARIER

I. LA GARANTIE CONSTITUTIONNELLE

L'article 54 al. 1 Cst. a une nature composite. Selon la jurisprudence et la doctrine dominante, il contient à la fois une garantie individuelle et une garantie institutionnelle21 Envisagée conjointement avec l'article 12 CEDH, la garantie individuelle protège la liberté de contracter mariage et celle d'avoir des enfants. Dans son premier aspect, elle doit s'interpréter en harmonie avec la garantie institutionnelle du mariage qu'il convient par conséquent de cerner en premier lieu.

1. La garantie institutionnelle

Dans l'analyse de l'article 54 Cst., la doctrine affirme le plus souvent, de manière lapidaire, que la Constitution protège l'institution du mariage.

Or, ni la Constitution ni un texte légal ne définissent le mariage22Dans son Message sur la réforme du droit matrimonial, le Conseil fédéral présente le mariage comme <<Une communauté de vie étroite à laquelle chacun des époux doit apporter sa contribution»23La jurisprudence fédérale se borne à dire que «le mariage est une institution dont le contenu est impérative-ment fixé par la loi»24, ou bien qu'il est «une communauté de vie durable et totale»25De leur côté, les ouvrages de droit civil définissent usuellement le mariage comme «l'union de deux personnes physiques de sexe différent, célébrée selon les formes de la loi civile»26

21 ATF non publié du 18 janvier 1981, cité in: J. P. Müller, Praxis der Grundrechte, 4e éd., Berne 1985 67; D. Dicke, in: Commentaire de la Constitution fédérale, art. 54, No 10; contra, Kaufmann (note 3) 177 ss, qui n'y voit qu'une garantie indivi-duelle.

22 Ce n'est pas une particularité helvétique: cf. R. Meroni, Dogmatik und praktische Bedeutung des schweizerischen Eheungültigkeitsrechts, Zurich 1984 7; A. Sériaux, La conception du mariage selon le code civil, in: Mariage civil et mariage canonique, Paris 1985 77, 79.

23 FF 1979 II 1179, 1192.

24 ATF 97 II 7, 9 McLeod.

2s ATF 65 II 133, 139 Frick.

26 H. Deschenaux/P. Tercier, Le mariage et le divorce, 3e éd., Berne 1985 22; cf. aussi E. Gôtz, Das Eherecht. Die Eheschliessung, Commentaire bernois II. 1. 1, Berne 1964 8.

La définition du mariage-institution garanti par la Constitution a pour l'instant été largement esquivée par les auteurs suisses27 qui prennent géné-ralement l'un des deux partis suivants: ou bien ils affirment platement que le mariage a une dimension institutionnelle, ajoutant parfois quelque com-mentaire redondant. Ainsi, Bloch écrit qu'est protégé «das Institut als sol-ches, sowie die kulturelle Entwicklung es geformt hat, wie es den sittlichen Anschauungen der Bürger entspricht»28; dans son commentaire, Dicke dit que l'article 54 Cst. garantit l'institution du mariage «mais ne sanctionne par n'importe quelle conception juridique déterminée du mariage comme celle retenue dans le CC»29Quelques auteurs, au contraire, nient la dimen-sion institutionnelle du mariage au motif que l'on ne peut lui assigner un quelconque contenu et que toute tentative de définir un contenu du mariage aboutirait à son exploitation politique (ce d'autant plus que la notion même d'institution serait anti-progressiste, du fait de sa pesanteur, de sa rigidité et de son enracinement dans la tradition)30

Dans la mesure où l'on accepte que l'institution du mariage puisse avoir un contenu identifiable, on peut se placer dans différentes perspectives pour tenter de le circonscrire. La première serait une perspective traditionnelle, fondée sur la conception chrétienne du mariage qui s'est matérialisée notamment dans le droit canonique (qui a, faut-il le rappeler, régi de manière exclusive le mariage pendant des siècles dans plusieurs pays d'Europe). La seconde serait une perspective purement formaliste, ne prenant en considération que l'accomplissement des formalités légales de conclusion du mariage, indépendamment de tout contenu matériel. La troisième serait une perspective positiviste, cherchant à dégager du droit positif suisse une image du mariage en tant qu'institution.

27 Cf. toutefois Meroni (note 22) 7 s. et ses références. La doctrine allemande est un peu plus prolixe. L'ouvrage fondamental en la matière reste celui de W. Müller-Freien-fels, Ehe und Recht, Tübingen 1962.

2s R. Bloch, Der Doppelcharakter der individuellen Freiheitsrechte ais Schutz des Ein-zelnen und als institutionelle Garantie der Demokratie, Berne 1954 79; cf. aussi P. Saladin, Grundrechte im Wandel, 3e éd., Berne 1982 461.

29 Dicke (note 21) No 10. Son affirmation (qui aurait fait plaisir à Eugen Hu ber ... ) est en contradiction avec ce qu'il écrit quelques lignes plus loin, où il concède qu'«il y a lieu de tenir compte des changements au niveau de l'environnement social et juri-dique», voyant une «modification capitale» dans l'article 4 al. 2 Cst., et avec un arrêt du Tribunal fédéral (supra note 21) disant que «le contenu de cette garantie constitutionnelle est actuellement déterminé par le code civil».

Jo C'est apparemment la position de Kaufmann (note 3) 182ss, sensible à la thèse défendue en Allemagne parE. Wolf, Zur Institution Ehe, JZ 1967 749; Grundgesetz und Eherecht, JZ 1973 647.

Dans la première perspective, le mariage est une communauté de vie con-sensuelle, complète et indissoluble, entre un homme et une femme, en vue de la procréation31 . Depuis Saint Augustin, le mariage est, en droit cano-nique, formé de trois «biens»: le bonum sacramenti (indissolubilité du lien), le bonum fidei (exclusivité des rapports charnels) et le bonum prolis (fins procréatrices). Le consentement des fiancés doit porter sur les trois

«biens» pour être valable, en vertu de la théorie dite volitive du consente-ment32.

Une telle approche pourrait se prévaloir du fait que la conception chré-tienne du mariage est la source où ont puisé les législateurs européens du mariage33 . En revanche, elle ne paraît plus guère admissible aujourd'hui, tant l'image juridique et sociale du mariage a évolué, sous l'influence à la fois d'un brassage culturel important lié à la mobilité accrue de la popula-tion, d'une révolution morale et sexuelle et d'un affaiblissement du rôle de la religion.

La deuxième perspective se concentre sur les formalités nécessaires à la reconnaissance du mariage par la société. Les éléments indispensables à l'existence du mariage sont alors, d'une part, la volonté commune exprimée par les fiancés de se marier et, d'autre part, le respect des formes prévues par la loi civile. C'est en somme la reconnaissance sociale du lien voulu par les fiancés, indépendamment de son contenu réel, qui caractéri-serait de manière suffisante le mariage-institution.

Cette perspective se rapproche de celle de Wolf34 en ce qu'elle refuse de donner un contenu matériel précis au mariage. Elle paraît toutefois incon-ciliable avec les présupposés, implicites mais incontestables, que le législa-teur admettait quand il a réglementé le mariage et ses effets et qui transpa-raissent dans les dispositions légales.

La troisième perspective tient compte de 1' évolution morale, économique et sociale qui se reflète dans le droit positif35Elle aboutit à donner un

con-3 1 Voir notamment les contributions d'A. Sériaux et deN. Forno, in: Mariage civil et mariage canonique, Paris 1985 77ss, 95ss; Corinne Suter Kasel-Seibert, Le mariage fictif, Zurich 1990 27 ss; pour une perspective historique, cf. E. Glasson, Le mariage civil et le divorce, Paris 1880.

32 Cf. notamment R. Courvoisier, Le mariage fictif en droit suisse, Lausanne 1943 3 ss.

33 Cf. F. Terré, Le mariage religieux en droit français, in: Mariage civil et mariage canonique, Paris 1985 51 ss.

34 {Note 30).

35 Sur l'importance de ces changements, cf. notamment H. Hausheer, Idées-jalons d'un nouveau droit du mariage, REC 1980 llOss.

tenu au mariage en fonction des conditions sociales actuelles. Cette approche ressemble au mode d'interprétation de la CEDH adopté par la Cour européenne des droits de l'homme, qualifié d'évolutif, de dynamique ou encore de téléologique parce qu'il fait référence aux «conceptions pré-valant de nos jours dans les Etats démocratiques»36

Une telle démarche, qui assure la continuité sans empêcher le changement, est indispensable pour la définition d'une institution qui est tout autant culturelle, sociale et morale que juridique37C'est donc dans le droit positif qu'il faut chercher des éléments de réponse à l'interrogation relative au contenu du mariage-institution. Or le droit positif du mariage peut être comparé à une photographie: c'est en observant le négatif que les traits les plus marquants du sujet ressortent le plus nettement. En d'autres termes, on trouve plus facilement des réponses en examinant d'un œil critique ce que prohibent la Constitution et le Code civil (règles concernant l'aspect institutionnel du mariage) plutôt que ce qu'ils proposent ou imposent (règles concernant l'aspect contractuel du mariage).

Comme l'ont souligné divers auteurs38, il existe aujourd'hui de nombreux types de mariage, par exemple selon le partage des rôles entre époux, selon les aspirations personnelles des conjoints ou selon la présence d'une progé-niture. Il faut donc chercher à identifier le(s) dénominateur(s) commun(s) à tous ces mariages, dont l'absence ferait du mariage une coquille vide qui ne mériterait pas la protection constitutionnelle.

La définition de ce minimum commun à toutes les formes actuelles de mariage peut se déduire à la fois des dispositions du Code civil sur les nul-lités de mariage et, accessoirement, sur les effets généraux du mariage, ainsi que des théories doctrinales sur le mariage inexistant.

On rappellera d'abord que la doctrine suisse, contrairement par exemple à la doctrine française qui reste sceptique face à cette théorie, admet la théorie du mariage inexistant dans quatre hypothèses: lorsque le

36 N. Valticos, Les recours à la Cour européenne des droits de l'homme: quelques cas récents, SJ 1990 209, 215.

37 Un auteur allemand a pertinemment qualifié le mariage de «soziale Verhaltens-form»: H.-M. Pawlowski, Die «Bürger liche Ehe>> ais Organisation, Heidelberg 1983.

Dans son Message relatif au nouveau droit matrimonial, le Conseil fédéral notait que

«la revision n'est pas un bouleversement des idées fondamentales de notre droit actuel. Elle ne fait que les développer à la lumière des conditions sociales d'aujourd'hui»: FF 1979 II 1179, 1193.

38 Parmi d'autres, cf. J. Gernhuber, Eherecht und Ehetypen, Berlin 1981.

«mariage» n'a pas été célébré devant l'officier d'état civil; lorsqu'il a été célébré entre deux personnes du même sexe; lorsque l'officier d'état civil n'a pas recueilli le consentement exprès des deux fiancés ou leur consente-ment personnel (par exemple un mariage par procuration)39Dans ces trois hypothèses, une action en constatation de l'inexistence du mariage est ouverte à chacun, en tout temps.

Pour que l'on puisse parler de mariage, il faut par conséquent au moins qu'il s'agisse d'une union hétérosexuelle, célébrée selon les formes légales, entre deux individus ayant consenti expressément et personnellement.

S'agissant de la première exigence, il faut encore déterminer si l'hétéro-sexualité vise le sexe biologique ou le sexe inscrit à l'état civil. La Cour européenne des droits de l'homme interprète le terme de mariage figurant à l'article 12 CEDH comme l'union de deux personnes de sexe biologique différent, ce qui ne permet pas à un transsexuel de revendiquer la liberté de se marier avec un partenaire de son sexe biologique40En droit suisse, la question n'a pour l'instant pas reçu de réponse définitive. Deux arrêts can-tonaux, en obiter dicta, ont considéré que le mariage d'un transsexuel avec une personne de l'autre sexe selon l'état civil (mais du même sexe biolo-gique) devait être célébré mais que l'époux qui n'aurait pas été informé pourrait invoquer l'erreur sur une qualité essentielle du conjoint, prévue à l'article 124 ch. 2 CC, pour demander l'annulation du mariage41Cette position doit être approuvée: dans la mesure où le changement de sexe peut être inscrit dans les registres de l'état civil42, c'est que le droit admet la réa-lité et l'importance de la composante psychologique du sexe. D'autre part, l'objection tirée de la stérilité d'un tel couple n'est pas déterminante puisque la procréation n'est pas une condition nécessaire du mariage et que de nombreux couples (au moins 10 o/o selon la plupart des statistiques) de sexe biologique différent sont également stériles.

Quant à 1' exigence du consentement mutuel des fiancés, le droit suisse s'est rattaché à la théorie déclarative du consentement, contrairement au droit canonique. Ce qui est déterminant par conséquent, c'est la déclaration

39 Cf. notamment Gotz (note 26) 244s.; Meroni (note 22) 7ss; J.-M. Grossen, Chro-nique de droit suisse, Rev. trim. dr. civ. 1985 812, 821 et ses références.

40 Affaire Rees, Série A, vol. 106.

41 Obergericht Zurich, BIZR 1965 102, 105; Zivilgericht Basel-Stadt, ZBI. 1961 418, 421.

42 Cf. P. Aubert/H. Reich, L'inscription du changement de sexe dans les registres de l'état civil, REC 1986 369 et la jurisprudence citée.

commune des fiancés par laquelle ils font connaître leur volonté de se marier, et non pas les motifs qui sous-tendent leur consentement. Le Tri-bunal fédéral a par exemple déclaré que «les circonstances du mariage, quelles qu'elles soient, sont sans conséquence sur les effets du mariage. En particulier, les motifs, les mobiles respectifs des époux ne sauraient influer sur leurs obligations réciproques»43

Le chapitre du Code civil consacré aux nullités de mariage prévoit trois causes dites absolues de nullité (qui permettent à tout intéressé d'agir et obligent même l'autorité compétente à ouvrir l'action): le mariage anté-rieur non dissous, l'incapacité de discernement d'un fiancé et le lien proche de parenté ou d'alliance44Dès lors, l'institution du mariage comporterait les qualités contraires, à savoir la monogamie, le discernement initial des conjoints et l'exogamie.

Les effets généraux du mariage relèvent de la partie contractuelle du mariage plutôt que de son aspect institutionnel. Ils ne fournissent dès lors pas de réponse directe à la question relative aux éléments fondamentaux du mariage-institution. Tout au plus, peuvent-ils venir renforcer des élé-ments déjà constatés.

On retiendra ainsi les idées-force de la révision de 1984: l'égalité des époux et la liberté dans l'organisation de la vie commune. Cette liberté ne fait que refléter un certain courant d'individualisme qui imprègne désormais le mariage ou du moins l'idée que le mariage réunit deux partenaires auto-nomes mais ne les fusionne pas45On y ajoutera la finalité générale du mariage prévue à l'article 159 al. 2 CC: assurer la prospérité de l'union conjugale d'un commun accord. Mais le terme générique de «prospérité»

indique un résultat («état heureux de succès, de réussite» selon le diction-naire) et non pas ses composantes ni ses causes nécessaires. La loi ne

43 ATF 97 II 7, 9 McLeod; cf. aussi Suter Kasel-Seibert (note 31) 179ss, 183: «en droit suisse, la célébration et l'échange verbal de la déclaration des consentements engen-drent le mariage, indépendamment des mobiles poussant les parties à contracter l'union».

44 On fera abstraction ici de l'article 120 ch. 4 CC qui a été abrogé par la révision de la loi fédérale sur l'acquisition et la perte de la nationalité suisse, FF 19901 1519 (la révi-sion n'est pas encore entrée en vigueur).

45 Meroni (note 22) 149ss développe cette tendance, propre au vingtième siècle, de reprivatisation (parce que le droit romain archaïque avait une idée privée du mariage avant que l'Eglise n'impose une idée institutionnelle) du mariage. On rappellera d'autre part que dans la common law traditionnelle, on disait que «the husband and wife were one, and the husband was that one»: Prosser and Keeton on the Law of Torts, 5e éd., St Paul1984 902.

définit pas le bonheur conjugal; elle n'assigne pas un ou des buts impéra-tifs au mariage, et n'attend pas des conjoints un mode de vie précis46 La jurisprudence européenne confirme implicitement cette position quand elle affirme que «the essence of the right to marry ( ... ) is the formation of a legally binding association between a man and a woman». Elle déclare aussi que si le mariage suppose normalement la cohabitation, la cohabita-tion continue n'est pas un élément indispensable du mariage; ou encore que la capacité de procréer n'est pas une condition du mariage, ni la pro-création une fin essentielle47

On pourrait en conclure que le mariage-institution implique une nauté d'intérêts entre les conjoints, sans que le contenu de cette commu-nauté soit défini normativement. Comme une institution est par nature suprapersonnelle, ses éléments fondamentaux ne peuvent pas être définis en termes subjectifs. Ainsi, la communauté d'intérêts existe dès que les fiancés ont mutuellement consenti au mariage. Elle se présume à titre général, par l'idée que le consentement mutuel des fiancés en est le signe à la fois nécessaire et suffisant48En ce sens, elle ne peut être retenue comme un trait fondamental de l'institution du mariage mais se confond avec le consentement mutuel des fiancés. Le droit s'incline au surplus devant la liberté des partenaires dans l'organisation de leur vie commune en ne tra-çant qu'un cadre de référence, autant moral que juridique.

En fin de compte, dans une perspective positiviste, l'institution du mariage présenterait cinq traits fondamentaux: monogamie, hétérosexualité (selon les registres de l'état civil), exogamie, consentement mutuel initial (qui suppose le discernement et laisse présumer une communauté d'intérêts) et célébration selon les formes de la loi civile. Exprimé négativement, cela revient à dire que l'article 54 Cst. interdirait en l'état actuel au législateur

46 Cf. les considérations de Suter Kasel-Seibert (note 31) 179, 180: «l'acceptation des valeurs traditionnelles du mariage conformes au statut conjugal n'est pas en soi une condition sine qua non de la validité de l'union>>.

47 Affaires Ramer c. Royaume-Uni, DR 24 5; Draper c. Royaume-Uni, DR 24 72; Van Oosterwijck c. Belgique, A.F.D.I. 1979 398s.

48 On peut risquer une analogie avec le divorce par consentement mutuel, considéré comme une forme de divorce-faillite dans lequel l'accord des époux tient lieu de signe extérieur de leur désunion. Avec pertinence, G. Cornu, La réforme du divorce: les divorces gracieux, Paris 1978, No 77, appelle le divorce par consentement mutuel un

«divorce pour cause non divulguée».

de consacrer la polygamie, le mariage d'homosexuels ou de parents proches, le mariage forcé, et le mariage sans célébration civile49

2. La garantie individuelle

La garantie individuelle de l'article 54 al. 1 Cst. consiste en la liberté de contracter mariage, le terme mariage étant compris dans le sens que lui reconnaît la garantie institutionnelle. C'est en quelque sorte le droit d'entrer dans le mariage-institution protégé par la Constitution et de jouir du statut juridique qu'il implique.

L'article 54 Cst. interdit à l'Etat de faire obstacle au mariage d'un individu ou d'un groupe d'individus sans respecter les conditions générales de vali-dité des restrictions aux droits fondamentaux. L'article 54 al. 2 exclut expressément les empêchements fondés sur «des motifs confessionnels, sur l'indigence de l'un ou de l'autre des époux, sur leur conduite ou sur quelque autre motif de police que ce soit» tandis que l'alinéa 4 interdit de percevoir des époux «une finance d'admission» ou autre «taxe sem-blable»50.

La question est débattue en doctrine de savoir si l'article 54 Cst. garantit aussi la liberté d'avoir des enfants51Il rn' apparaît difficile de déduire un tel droit de la lettre de l'article 54 al. 1 Cst. mais cette controverse est dénuée de portée pratique, pour au moins deux raisons: d'une part, le Tri-bunal fédéral a admis la protection constitutionnelle du droit d'avoir des enfants, que ce soit par voie naturelle ou artificielle (procréation médicale-ment assistée), en rattachant ce droit à la liberté personnelle52; d'autre part, l'article 12 CEDH garantit clairement à la fois le droit de se marier et celui de fonder une famille. Selon la doctrine, le second englobe, à tout le

49 On sait que la tradition de common law admettait au contraire des «common law marriages» qui n'avaient pas été célébrés par l'autorité compétente.

50 Ces alinéas ont perdu toute signification depuis l'entrée en vigueur du Code civil: le Tribunal fédéral a affirmé que «seit die Eheschliessung und die Wirkungen der Ehe im Zivilgesetzbuch für die ganze Schweiz einheitlich geregelt worden sind, hat Art. 54 BV seine Bedeutung weitgehend eingebüsst»: ZBI. 1983 126. Dicke (note 21) No 72 parle même de «désuétude» à leur égard.

51 Notamment Dicke (note 21) Nos 1 ss, 13ss, 31 s.

52 ATF 115 la 234, 247 K.

moins pour un couple marié, le droit d'adopter un enfant53 et celui de

moins pour un couple marié, le droit d'adopter un enfant53 et celui de