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Porte logique plasmonique modale

IV.2 Ingénierie des modes plasmoniques

IV.2.4 Porte logique plasmonique modale

Par une expérience de pensée, nous proposons d’exploiter la distribution modale du dimère de la Figure IV.11a pour réaliser une fonction logique binaire. Plutôt que de considérer la figure modale de la structure dans son ensemble (Figure IV.13a), nous suggérons d’utiliser différentes projections de la LDOS plasmonique grâce à la polarisation incidente afin de générer de fortes modulations de l’intensité du signal de luminescence en différents endroits de la structure (Figure IV.13b-d). En particulier, les cartes TPL pour une polarisation de 5 degrés (IV.13b) ou 85 degrés (IV.13d) sont très contrastées, et montrent notamment une réponse très intense dans les zones I1, I2, O1 et O2 repérées sur l’image IV.13d.

Figure IV.13 – (a) Carte simulée de la LDOS plasmonique du dimère de prismes à 800 nm. (b-d) Cartes TPL simulées à la même longueur d’onde pour différentes polarisations du faisceau incident, matérialisées par la barre blanche dans le coin inférieur droit. La Figure (d) schématise le principe de la porte logique dont les deux entrées et les deux sorties sont respectivement I1,I2 et O1,O2. Barres d’échelle : 200 nm. Adapté de la référence [170].

Nous envisageons d’exploiter ce contraste de la LDOS en éclairant les zones I1 et I2 et en détectant le signal de luminescence en O1 et O2. Pour cela, nous émettons l’hypothèse que le signal TPL enre- gistré en balayant le faisceau excitateur sur la structure est identique à celui recueilli en focalisant le

faisceau dans une région de forte intensité et en balayant la détection du signal ailleurs sur la structure. Dans ces conditions, I1 et I2peuvent être pensées comme des zones d’excitation donnant un motif TPL intense à la condition que le signal TPL soit lui même intense dans ces zones à la polarisation consi- dérée. Dans tout le motif, seul le signal des régions O1 et O2 est exploité par la suite. L’expérience de pensée consiste donc à focaliser deux faisceaux laser de puissance et de longueur d’onde identiques sur chacune des entrées I1 et I2 en ajustant indépendamment leur polarisation. Pour éviter un problème de superposition lié à l’excitation simultanée de deux oscillations, ces deux faisceaux laser excitent alternativement les deux entrées. Le signal collecté en O1 et O1 est par contre intégré sur toute la durée de l’excitation des deux entrées. Ainsi, les intensités intégrées en sortie sont le résultat de la combinaison des cartes Figure IV.13b et Figure IV.13d en fonction de la polarisation en entrée. Les différentes possibilités sont représentées en Figure IV.14.

Figure IV.14 – (a) Carte simulée d’intensité TPL résultant de la somme de la carte TPL pour une polarisation incidente de 5 degrés (IV.13d) pondérée par sa valeur maximale en I1 et de cette même carte pondérée par sa valeur maximale en I2. Les régions de l’image où l’intensité est supérieure à un certain seuil sont colorées en blanc et correspondent à la valeur binaire 1. (b-d) Cartes construites selon le même principe et seuillées à la même valeur. (b) Polarisation de 85 degrés en I1 et 5 degrés en I2. (c) 5 degrés en I1, 85 degrés en I2. (d) 85 degrés en I1 et I2. (e) Table de vérité de la porte logique. Barres d’échelle : 200 nm. Adapté de la référence [170].

Considérons par exemple la Figure IV.14b. Pour arriver à ce résultat, nous avons additionné la carte TPL de polarisation 85 degrés (Figure IV.13b) pondérée par l’intensité maximale dans la région de l’entrée 1, avec la carte TPL de polarisation 5 degrés (Figure IV.13d) pondérée par l’intensité maximale en I2. Sur l’image qui résulte de cette opération, les pixels dont la valeur est supérieure à un certain seuil sont saturés, ce seuil étant identique pour les quatre cartes. De la même façon, les 3 autres cartes correspondant aux combinaisons restantes de polarisation 5 degrés ou 85 degrés en I1 et I2 sont construites. En sortie, l’intensité collectée correspond à une valeur binaire 1 si elle est

supérieure au seuil, zéro sinon. L’ensemble des configurations permet de codifier la table de vérité IV.14e de la porte logique. Nous associons à une polarisation de 5 degrés en entrée la valeur binaire 0 et à une polarisation de 85 degrés la valeur 1. Avec cette convention, la sortie O1 réalise une fonction NON-ET de I1 et I2, tandis que la sortie O2 est une copie de I1. La fonction NON-ET (NAND en anglais) est une opération fondamentale en calcul booléen, car à partir d’une combinaison de celle-ci, toutes les autres opérations élémentaires (NON, ET, OU, OU exclusif) peuvent être reconstituées. Dans le cadre d’une intégration à plus grande échelle d’un réseau de portes logiques, la fonction copie de I1 permet de rediriger cette entrée vers une autre fonction logique.

Une démonstration expérimentale permettrait de confirmer si ce concept est réalisable et fonc- tionne effectivement en pratique. Un moyen de vérifier cela serait par exemple de placer l’échantillon sur une table de positionnement piézoélectrique en sandwich entre deux objectifs (comme le dispositif expérimental de l’ICFO, voir par exemple la référence [155]). Un objectif serait utilisé pour l’exci- tation et l’autre pour la détection. Le réglage de la position de l’objectif d’illumination se ferait en déplaçant l’échantillon avec la table piezo, tandis que la position de l’objectif de détection devrait être ajustable indépendamment afin de collecter le signal de la sortie 1 ou 2. Avec ce dispositif, nous pour- rions tenter de retrouver expérimentalement la table de vérité IV.14e. L’intégration en architecture bidimensionnelle d’un tel dispositif se heurteraient à plusieurs verrous technologiques nécessitant des avancées dans le domaine du contrôle de la morphologie, de l’auto-assemblage, et de l’immobilisation localisée sur substrat de particules colloïdales. Concernant la miniaturisation du dispositif de foca- lisation, des microlentilles pourraient être utilisées. Différentes réalisations expérimentales ont déjà été proposées [172, 173]. Enfin, le travail d’ingénierie des modes plasmons doit être poursuivi. Nous avons étudié, dans un cas particulier, l’effet du couplage plasmon entre particules sur la redistribu- tion spatiale de la LDOS plasmonique au sein du dimère. Une étude plus systématique de différentes géométries (orientation et distance entre particules, dimères asymétriques, trimères...) est à faire. De plus, il reste à étudier l’effet du couplage sur la répartition spectrale des modes. En particulier, des modes collectifs, purement issus du couplage, apparaissent-ils ? Nous continuons de travailler sur ces thématiques au sein de notre équipe.

Conclusion

Après avoir rappelé la notion de densité d’état de photons, puis les variations locales de cette gran- deur dans l’espace, nous avons établi le cadre nécessaire pour définir la LDOS des plasmons de surface supportés par les prismes que nous avons étudiés par microscopie TPL au chapitre III. La symétrie des motifs TPL, observée pour une polarisation circulaire de la sonde laser, nous a amenés à supposer que ce signal de luminescence est lié à la LDOS, sans avoir forcément la résolution suffisante pour en observer toutes les variations. Nous avons démontré formellement cette hypothèse en établissant la relation entre l’intensité du signal TPL induit par un faisceau lumineux polarisé circulairement et le carré de la LDOS dans le métal. Grâce à un algorithme similaire à celui utilisé pour la simulation de cartes TPL, nous avons réduit artificiellement la taille de la sonde lumineuse afin de mettre en évidence des motifs de dimensions inférieures à la résolution du dispositif expérimental. Les multiples modulations d’intensité de la LDOS confirment que les modes sondés par cette technique sont des

harmoniques d’ordre élevé et que les prismes cristallins se comportent comme des résonateurs plasmo- niques. Une comparaison entre la LDOS plasmonique dans un prisme triangulaire et la densité locale d’états photonique au plus près de la surface de métal a mis en évidence un comportement similaire de ces deux grandeurs malgré leur nature différente.

Nous disposons de deux outils, l’un expérimental et l’autre numérique, pour évaluer la densité d’états plasmoniques dans une structure métallique quelconque. En particulier, nous avons simulé dans un premier temps la distribution spectrale et spatiale des différents modes plasmons entretenus dans un prisme triangulaire. Pour aller plus loin, nous avons voulu explorer différents moyen de fa- çonner les modes électromagnétiques supportés par ces cavités. En modifiant la forme et la taille d’un prisme, un premier levier de contrôle sur la LDOS plasmonique a été étudié. Puis, le rôle du couplage plasmonique a été entrevu à travers une mesure expérimentale de TPL d’un dimère de prismes tri- angulaires tronqués. Nous avons poussé l’exploration grâce au formalisme, ce qui nous a permis de proposer un nouveau concept de porte logique plasmonique modale. Cette approche est complémen- taire de la création de fonction logique plasmonique par interférences récemment proposée et réalisée expérimentalement dans la littérature [174, 175].

Dans le chapitre suivant, nous nous intéressons à des chapelets de sphères d’une dizaine de na- nomètres de diamètre chacune, et séparées d’environ 1 nm. Du fait de cette proximité, on s’attend à ce que la réponse modale de ces objets soit gouvernée, au moins à certaines énergies, par le couplage plasmon entre particules. Étant donnée la taille extrêmement réduite de ces objets, nous utilisons pour cette étude une technique offrant une excellente résolution spectrale et spatiale, la spectroscopie des pertes d’énergies des électrons.

Chapitre V

Étude de chaines de nanoparticules

d’or par spectroscopie de perte

d’énergie des électrons

Introduction

La miniaturisation de dispositifs optiques représente une des applications les plus prometteuses de la plasmonique [176, 177]. Les techniques de fabrication top-down ont permis de réaliser des architec- tures à base de guides d’onde métalliques capables de confiner l’énergie électromagnétique en-deçà de la limite de diffraction et d’acheminer cette énergie sur plusieurs micromètres [8]. La chimie colloïdale peut apporter certaines améliorations pour la fabrication de ces nanodispositifs, en particulier une dissipation considérablement réduite et des contours mieux définis, car les structures produites sont constituées de quelques cristaux, voire monocristallines. De plus, plusieurs voies d’auto-assemblage de ces objets colloïdaux ont été récemment explorées afin de réaliser des architectures 1D, 2D et 3D. Par exemple, S. Lin et al. ont élaboré des réseaux branchés de chaînes linéaires constituées de nanoparti- cules d’or d’une dizaine de nanomètres de diamètre et séparées par un gap d’environ 1 nm [58]. Les auteurs ont par ailleurs mesuré le spectre d’extinction expérimental et calculé le spectre théorique de ces objets en solution, mettant ainsi en évidence un mode d’oscillation plasmon collectif. Une étude

théorique d’imagerie PSTM [178] de telles structures déposées sur un substrat diélectrique et excitées à la longueur d’onde correspondant au mode collectif a montré que le champ électrique se localise au voisinage de certaines portions des chaînes. De plus, ce travail de simulation a mis en évidence la possibilité de contrôler les zones où le champ est confiné par un choix adéquat de la polarisation de la lumière incidente. Cette prédiction fut ensuite partiellement corroborée expérimentalement par l’imagerie de chaînes de nanoparticules d’or par luminescence à deux photons [155]. Par ailleurs, nous avons vu au chapitre précédent que cette technique expérimentale détecte un signal proportionnel au carré de la densité d’états photoniques à la surface du métal. Mesurer expérimentalement cette densité d’états en fonction de l’énergie et de la position dans la chaîne renseignerait sur le comportement mo- dal de ces structures. Cependant, la résolution de l’imagerie par TPL est insuffisante pour enregistrer les variations de la LDOS à l’échelle des nanoparticules de 12 nm de diamètre constituant les chaînes. Pourtant, un calcul théorique de la LDOS photonique prévoit un confinement de cette quantité au voisinage de ces objets [124]. Une technique expérimentale particulièrement adaptée pour mesurer les variations spatiales et spectrales de la densité d’états avec une excellente résolution est la spec- troscopie de pertes d’énergie. Ainsi, M. Bosman et al. démontrent que l’EELS permet l’acquisition locale de spectres de perte d’énergie des électrons au voisinage d’ellipsoïdes d’or d’une vingtaine de nanomètres ainsi que la cartographie de cette perte autour des objets métalliques avec une résolution de quelques nanomètres [100]. F.J. García de Abajo et M. Kociak ont montré que la probabilité de perte d’énergie est directement reliée à la densité locale partielle suivant la direction du faisceau électronique [18].

Dans ce chapitre, nous présenterons dans un premier temps la synthèse des nanoparticules colloï- dales et leur auto-assemblage conduisant à la formation de réseaux branchés, ainsi que leur spectre d’extinction en solution. Puis, nous développerons un formalisme afin de décrire l’interaction du fais- ceau d’électrons utilisé en EELS avec une sphère métallique, et d’établir la relation entre signal de perte et LDOS. Pour cela, nous considèrerons deux modèles possibles de la réponse des électrons de conduction du métal : une permittivité diélectrique ne dépendant pas de la position dans la parti- cule et une description non-locale, qui est pertinente pour des particules de taille inférieure à environ 10 nm. Enfin, nous nous appuierons sur une série d’images et de spectres expérimentaux ainsi que le simulations correspondantes afin de déchiffrer le comportement modal de ces objets, déjà entrevu par les études théoriques et expérimentales que nous venons d’évoquer. Ces données, obtenues par M. Bosman à l’IMRE (Institute of Materials Research and Engineering) à Singapour, concernent plus particulièrement des chaînes de nanoparticules fusionnées entre elles qui présentent des modes plasmons modifiés par rapport aux chaînes discrètes.

V.1

Chaînes de nanoparticules colloïdales