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Un indicateur de portée de l'internationalisation mesure le degré d'éloignement des échanges internationaux qui sont noués par un territoire en fonction d'une hypothèse sur l'obstacle que constitue cet éloignement pour la mise en relation des lieux. En eet, un pays situé au coeur de l'espace européen peut être plus intensément  internationalisé  qu'un pays situé dans la périphérie de cet espace, sans toutefois parvenir à créer des liens en dehors de son voisinage. La prise en compte de la portée spatiale des échanges d'une unité permet donc de distinguer les échanges relatifs aux eets banals de proximité, et, de ce fait, permet de déterminer la position plus ou moins centrale de l'unité dans le système (Sheppard 2012). L'internationalisation est donc liée ici à la notion d'attraction, au sens que lui donnait Reilly (1931), pour lequel la délimitation des aires d'inuence des lieux était dénie par leur capacité à attirer des ux à plus ou moins grandes distances selon la puissance des pôles attracteurs.

Sans toutefois intégrer une variable de distance dans leurs mesures, de nombreuses ana-lyses ont utilisé un argument spatial an de distinguer des centres régionaux et internatio-naux, qu'il s'agisse de la capacité des revues scientiques à attirer des auteurs étrangers venant de pays éloignés (Rey-Rochan et Martin-Sempere 2004) ou de tracs aériens de passagers internationaux (Cattan 2004). A notre connaissance, les analyses ayant utilisé une mesure de la portée spatiale des ux comme indicateur d'un degré plus ou moins fort de l'internationalisation des lieux sont plus rares (Morellet 1997, Grasland 2009, Pan et al. 2012).

Conclusion du chapitre

L'enjeu de ce premier chapitre était de replacer l'analyse des répartitions monétaires dans l'étude plus générale des circulations internationales et de l'intégration européenne. Partant d'un historique de l'intégration monétaire en Europe, nous avons élargi le concept d'intégration européenne à celui d'intégration sociale territorialisée. Ceci nous a permis de montrer que les échanges monétaires pouvaient servir de base à l'analyse des interactions individuelles établies entre des territoires appartenant à des pays diérents.

Nous nous sommes ainsi questionnés, dans un second temps, sur les types de mobili-tés à l'origine du passage de frontières par les pièces euro. Nous avons déterminé qu'il s'agissait de déplacements internationaux pouvant s'établir avec des portées spatiales et temporelles diverses. Nous avons fait l'hypothèse que les trois chemins privilégiés de la cir-culation internationale des pièces euro étaient ceux des mobilités transfrontalières établies quotidiennement pour des motifs professionnels ou de loisirs principalement, des mobilités métropolitaines qui seraient plus ponctuées dans l'espace et dans le temps, et enn des mobilités touristiques mettant en réseaux certaines parties du territoire européen de façon saisonnière.

Nous avons enn proposé un cadre conceptuel et empirique de l'internationalisation des territoires. Il s'agissait de montrer que le degré de mise en réseau des résidents d'un espace particulier avec le reste du territoire européen pouvait se mesurer de trois manières diérentes selon que l'on s'intéressait à l'intensité de ces relations, à la diversité des pays connectés ou encore à la portée des échanges. La prise en considération de ces trois dimensions complémentaires du concept d'internationalisation a pour objectif d'aider à une meilleure caractérisation de l'intégration européenne des territoires observée par le prisme des circulations individuelles.

CHAPITRE

2

L'étude de la circulation monétaire comme marqueur des relations

entre sociétés

Qu'est-ce qu'une monnaie, lorsqu'elle est dépourvue de signication politique et de valeur duciaire ? Georges Depeyrot, 2002.

Introduction du chapitre

Depuis plus d'un demi-siècle, les historiens utilisent la circulation monétaire comme un indicateur des chemins de mobilités antiques et médiévales. En eet, dès la création des premières monnaies métalliques par les rois de Lydie en Asie mineure au VIIème siècle avant J.-C., les pièces ont accompagné les échanges économiques et culturels à travers l'espace et le temps. Traces matérielles de ces échanges, elles signalent les lieux de passages et de contacts entre les peuples, et délimitent des territoires politiques.

Cependant, ce n'est que très récemment que la source que constitue la monnaie a éveillé l'intérêt de scientiques travaillant sur des phénomènes modernes et surtout contempo-raines. Depuis une dizaine d'années, des géographes et physiciens américains ont par exemple suivi les billets de un dollar à travers le territoire des Etats-Unis pour appro-cher d'autres phénomènes de diusion à travers le pays. La mise en circulation de l'euro a quant à elle suscité un véritable engouement de la part de chercheurs européens d'horizons scientiques diérents dont les travaux ont bénécié d'une répercussion relativement im-portante dans les médias. Malgré la diversité des approches et des questions de recherche,

le même postulat se retrouve dans chacune de leurs analyses. En dehors de son caractère marchand et politique, une troisième fonctionnalité peut être attribuée à la monnaie : celle de marqueur des traces des mobilités individuelles.

La revue de la littérature présentée dans ce chapitre dépeint, sans prétendre à l'exhausti-vité, un large éventail de problématiques et de méthodes de recherche ayant recours à cette source originale qu'est la monnaie. Nous avons choisi de les présenter dans leur dimension chronologique et par grands domaines scientiques an de distinguer les questionnements et positionnements propres à chaque discipline.

Ce chapitre s'organise en deux temps. Dans une première partie, nous ferons un bref pano-rama des manières dont les historiens, les archéologues et les numismates1 ont mobilisé cet objet dans le cadre de leurs investigations, et des implications soulevées par cette optique d'analyse. Dans la seconde partie du chapitre, nous retracerons les grandes interrogations ayant guidé les travaux des géographes, puis celles des physiciens et mathématiciens. Les résultats de ces études seront discutés tout au long de la thèse. Ils ne feront donc pas l'objet d'une description détaillée dans ce chapitre.

2.1 Etude des circulations monétaires anciennes