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En solution, une grande partie des polymères associatifs sont constitués d’un squelette solvophile sur lequel sont répartis des groupements latéraux solvophobes. Ces derniers s’associent par l’intermédiaire d’associations physiques et forment des nœuds de réticulation non permanents. Le caractère non permanent de ces liaisons font de ces solutions des systèmes à l’équilibre, au sein desquels le temps de vie d’une association est compris entre la microseconde et la seconde. L’énergie qui lui est associée est faible du fait de sa nature physique et non chimique. Elle est de l’ordre de la dizaine de fois l’énergie thermique.

1.1.1 Différentes architectures de polymères associatifs

Les polymères associatifs sont regroupés en différentes familles selon leur architecture moléculaire et la nature des associations considérées. Les plus connus sont les polymères téléchéliques qui constituent un système modèle très étudié. Ces derniers sont des polymères blocs dont les blocs possèdent des propriétés différentes vis à vis du solvant. Le premier bloc central étant entouré par deux blocs identiques de nature chimique différente. En solution aqueuse, le bloc central peut être par exemple une chaîne hydrophile entourée de deux chaînons hydrophobes. La structure formée par association de ces polymères dépend de la concentration. Le modèle le plus connu71 est présenté figure

3.1 :

Figure 3.1 – Schéma représentant l’association des polymères téléchéliques en fonction de la concentration71. Au delà d’une concentration critique, les chaînons hydrophobes s’associent pour former un noyau hydrophobe. Grâce à la flexibilité des squelettes, la structure formée est une micelle fleur. L’augmentation de la concentration conduit à la formation d’agrégats puis pour des concentrations suffisamment élevées à un réseau tridimensionnel.

Les polymères dits en peigne appartiennent à la deuxième famille de polymères associatifs. Ces polymères sont 70. Barnes, H. A. Journal of Rheology 1999, 33, 329.

constitués d’un squelette macromoléculaire sur lequel sont greffés chimiquement des chaînons aux propriétés diffé- rentes vis-à-vis du solvant. En solution aqueuse, des chaînons hydrophobes sont greffés sur un squelette hydrophile. Du fait des nombreuses techniques de synthèse à disposition du chimiste, les combinaisons semblent multiples. La longueur et la nature des greffons ainsi que le taux de greffage peuvent par exemple être modifiés par synthèse organique. De plus, les groupes dits pendants peuvent être répartis de façon statistique, alternée ou en bloc sur le squelette principal. Sans oublier l’emploi d’espaceurs permettant d’augmenter la distance entre le squelette et les greffons et de réduire les répulsions de type volume exclu. La figure 3.2 présente différents types de polymères associatifs en peigne rencontrés dans la littérature :

Figure 3.2 – Schéma représentant les différents types de polymères en peigne. 1.1.2 Comportement rhéologique des polymères téléchéliques

En régime linéaire le comportement rhéologique des solutions de polymères téléchéliques dépend de la concen- tration. En dessous de la concentration critique de formation d’un réseau, le fluide présente un caractère newtonien. Dès lors qu’un réseau se forme, la réponse à une sollicitation mécanique de faible amplitude est viscoélastique. Le gel ainsi formé peut être modélisé grâce à la théorie des réseaux caoutchoutiques élastiques72. Les noyaux où sont regroupés les extrémités de chaînes étant l’analogie des points de réticulation73,74. Le modèle de Maxwell s’applique

parfaitement à ces systèmes et le temps de relaxation est relié à la durée de vie des groupes dits collants au sein des agrégats.

Théoriquement, sous écoulement, lorsque le taux de cisaillement reste inférieur à l’inverse du temps de relaxation du réseau, le comportement est newtonien. En revanche pour des taux de cisaillement plus élevés, le réseau physique se fragmente et une rhéofluidification est attendue. Cependant, expérimentalement un faible rhéoépaississement est observé avant la rhéofluidification75. D’un point de vue microscopique, ce régime est associé à l’augmentation du

nombre de chaines partagées par les micelles fleurs76 ainsi qu’à l’élongation non Gaussienne des chaînes77.

Le rhéoépaississement peut aussi dans certains cas être d’amplitude plus importante que les cas énoncés précédem- ment. C’est le cas notamment des solutions semi-diluées de polymères téléchéliques aux extrémités hydrophobes en solution aqueuse78. Sous l’effet d’un gradient de cisaillement, les micelles sont étirées dans la direction de l’écou- lement. Afin de leur permettre de relaxer et de retourner à leur conformation d’équilibre non étirée, des chaînons hydrophobes sont éjectés des micelles fleurs. Cependant ils se réintroduisent au sein de ces dernières avant même qu’ils n’aient pu relaxer. Cela entraîne un étirement de plus en plus important, qui se traduit par une augmentation brutale de la viscosité du réseau lorsqu’il atteint son étirement maximal pour un cisaillement critique. Ce rhéoépais- sissement est relié à l’augmentation du taux d’éjection des chaînons hydrophobes et par conséquent à la diminution

72. Tanaka, F. ; Edwards, S. F. Journal of Non-Newtonian Fluid Mechanics 1992, 43, 247–271. 73. Laflèche, F. et al. Macromolecules 2003, 36, 1331–1340.

74. Serero, Y. et al. Physical Review Letters 1998, 81, 5584. 75. Bhargava, S. ; Cooper, S. L. Macromolecules 1998, 31, 508–514. 76. Tam, K. C. et al. Macromolecules 1998, 31, 4149–4159.

77. Chassenieux, C. et al. en Macromolecules 2000, 33, 1796–1800. 78. Marrucci, G. et al. Macromolecules 1993, 26, 6483–6488.

du temps de vie du point de réticulation physique. Lorsque la réintroduction des chaînons est plus lente que le taux d’éjection de ces derniers du fait d’un taux de cisaillement trop important, la viscosité diminue proportionnellement à l’inverse du gradient de cisaillement.

1.1.3 Comportement rhéologique des polymères en peigne

La dynamique de ces systèmes dans le régime linéaire est très complexe du fait de la complexité des architectures formées ainsi que du nombre de paramètres pouvant influencer cette dernière. La concentration joue un rôle majeur dans la dynamique des sytèmes et permet de distinguer différents régimes. Tout d’abord en régime peu concentré des petits agrégats se forment par l’intermédiaire de liaisons intermoléculaires et relaxent très rapidement. Le temps de vie ainsi que le temps de relaxation des agrégats dépendent de leur taille. Proche de la concentration limite de formation d’un gel, de plus gros agrégats dynamiques se forment. Dès lors que le temps de vie des agrégats devient inférieur à leur temps de relaxation, ce dernier domine le comportement rhéologique. Ensuite, des jonctions élastiques supérieures à la taille d’une macromolécule apparaissent et la rupture d’une de ces liaisons entraîne la relaxation. Finalement, à concentration très élevée, chaque macromolécule possède de multiples associations ou connections. De multiples connections doivent ainsi être rompues afin d’assurer la relaxation du système. Une des- cription théorique complète et détaillée de ces systèmes suivant le régime de concentration est disponible au sein de l’article de Rubinstein et Semenov79.

Les polymères en peigne tout comme les polymères téléchéliques peuvent présenter un comportement rhéoépaissis- sant. Ce comportement est très étroitement lié à la nature des interactions entre macromolécules. La balance entre liaisons intramoléculaires et intermoléculaires régissant le comportement rhéologique, il convient de distinguer les cas des ionomères en solvant organique et des polymères en peignes dans l’eau.

i) Ionomères en solvant organiques

Dans le cadre des ionomères, l’étirement de la chaîne induit par le cisaillement est la clef du rhéoépaississement aussi bien dans l’approche décrite par Witten80 que celle décrite par Ballard81. Dans le premier exemple, un

mécanisme coopératif est associé au rhéoépaississement. Une élongation modérée des macromolécules soutient la formation d’agrégats par l’intermédiaire d’associations intermoléculaires, conduisant à une augmentation de la viscosité. Le temps de relaxation plus élevé des agrégats contribue à augmenter l’élongation des chaînes sous cisaillement qui en retour renforce la formation d’agrégats. Ce phénomène cyclique est à l’origine du rhéoépaississement. Au contraire pour le second cas, les ionomères sont sous formes de pelotes dont la confor- mation est régie par des interactions intramoléculaires. Au delà d’un taux de cisaillement, les interactions se brisent, les macromolécules s’étendent et se présentent sous la forme de bâtons. Le cisaillement de ces bâtons va entrainer la naissance d’enchevêtrements et de nouvelles associations intermoléculaires à l’origine de la formation d’un réseau physique transitoire. Ce dernier relaxe dès lors que le cisaillement cesse.

ii) Polymères modifiés hydrophobes en solvant aqueux

En règle générale, ce type de polymère présente un comportement rhéoépaississant pour des concentrations proches de la concentration limite de recouvrement où les interactions intra et intermoléculaires sont en compé- titions. En effet, à basse concentration, le comportement est newtonien dû à la présence unique d’interactions intramoléculaires. Au contraire pour des concentrations très élevées, le gel est déjà formé au repos à cause des interactions intermoléculaires. Pour quelques systèmes, dans une gamme de concentration intermédiaire, le ci- saillement induit la formation d’un gel et le rhéoépaississement est alors d’amplitude très importante. Certains de ces systèmes sont composés d’un squelette polyélectrolyte de poly(N-isopropylacrylamide) (PNIPAM)82ou bien de copolymère poly(N,N-dimethylacrylamide)/poly(acide acrylique) (DMA/AA)83. Les greffons pendant sont alors des chaînes alkyles dont la longueur peut varier. Un taux de cisaillement critique, pour lequel le rhéoépaississement apparaît, est défini lors d’un écoulement. Son évolution est reliée directement à la masse molaire, au taux d’hydrophobe (déterminé par la taille et le nombre des chaînes alkyles) et à la concentration. 79. Rubinstein, M. ; Semenov, A. N. en Macromolecules 2001, 34, 1058–1068.

80. Witten Jr, T. A. ; Cohen, M. H. Macromolecules 1985, 18, 1915–1918. 81. Ballard, M. J. et al. Polymer 1988, 29, 1287–1293.

82. Bokias, G. et al. Macromolecules 2000, 33, 2929–2935. 83. Cadix, A. et al. en Macromolecules 2005, 38, 527–536.

1.1.4 L’hypothèse du polymère en mauvais solvant

Les polymères en mauvais solvant semblent se comporter comme des fluides rhéoépaississants pour des concen- trations avoisinant la concentration limite de recouvrement c∗. Les solvants étudiés dans la littérature peuvent être organiques comme le décaline84ou le dioctylphtalate (DOP)85 pour le polystyrène mais aussi aqueux avec un

mélange eau/glycerol pour le polyacrylamide partiellement hydrolysé86,87.

Sous cisaillement, l’origine moléculaire du rhéoépaississement est la formation de clusters ou d’agrégats par l’in- termédiaire d’associations intermoléculaires. Un mécanisme de collision et formation d’associations par l’intermé- diaire de simulations de dynamique brownienne est tenu pour responsable de l’augmentation de viscosité observée sous cisaillement88. Celui-ci a par ailleurs été relié à une augmentation des fluctuations de concentration sous

cisaillement et à l’orientation des macromolécules85. Du fait de la mauvaise qualité du solvant, les interactions

monomère-monomère sont privilégiées au détriment des interactions monomère-solvant et par conséquent les asso- ciations intermoléculaires sont facilitées. Le couplage de mesures rhéologiques avec une expérience de diffusion de rayons X sur des solutions de polystyrène dans le DOP a permis de confirmer l’existence d’une figure de diffusion anisotrope et de fluctuations de concentrations89,90.