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Un polyacide est un polymère dont la particularité est de posséder une ou plusieurs fonctions acides au sein de son motif de répétition. En solution aqueuse, le taux de charge porté par le polyacide est directement relié au pH. Lorsque le taux de charge à la surface de la macromolécule est indépendant du milieu, il faut employer le terme de polyacide fort. Dans ce cas, les charges le long de la chaîne sont dites gelées. L’exemple le plus connu et à la fois largement étudié est le poly(styrène sulfonate) de sodium. En solution aqueuse, les groupements sulfonates SO−3 ne peuvent capter de proton quel que soit le pH puisqu’il s’agit de bases très faibles. Dans le cas contraire, si le taux de charge dépend directement du milieu dans lequel la macromolécule est introduite, le polyacide est qualifié de polyélectrolyte faible. Le poly(acide acrylique) ou encore le poly(acide méthacrylique) en solution aqueuse sont des polyacides faibles. Le degré d’ ionisation d’un polyacide correspondant au nombre de groupements chargés dépend directement de la valeur du pH. Cependant en solution, les groupements acides du squelette macromoléculaire ne se comportent pas comme de simples bases ou acides de faible masse molaire.

3.1.1 Généralités sur les polyacides

Dans le cas d’un polyacide faible comme le PMAA, l’équilibre acide/base pour un monomère s’écrit : HA ↔ H++ A−

A− représente le groupement carboxylate du monomère chargé négativement tandis que HA est le groupement acide carboxylique. H+ est l’ion hydronium dissout en solution. A partir de cette réaction simple, une constante cinétique peut être définie :

Ka =

[A−][H+]

[HA] = 10

−pKa (1.71)

[A−] et [HA] représentent respectivement les concentrations de monomères dissociés et non dissociés tandis que [H+] est la concentration en ion hydronium. Pour rappel, [H+] = 10−pH. Il est commun d’introduire le degré

d’ionisation α défini comme suit :

α = [A

]

[A−] + [HA] =

[A−]

[M ] (1.72)

[M ] est la concentration totale en monomère ionisable. Le degré d’ionisation permet alors de relier le pH au pKa de l’espèce par la relation suivante :

pKa = pH − log

α

1 − α (1.73)

Lors d’un dosage d’un acide par une base, la concentration ajoutée en base [Base] est connue et permet de de définir le degré de neutralisation α0 :

α0= [Base]

[M ] (1.74)

Les degrés de neutralisation et ionisation sont alors reliés au pH de la solution par l’équation suivante : α = α0+[H

+]

[M ] (1.75)

La charge portée par les unités de la chaîne polymère est dépendante de celle des unités voisines du fait de leur lien covalent. La dissociation des groupements acides est corrélée à la position et au nombre d’autres groupements chargés le long de la chaîne. Il faut alors parler de pKapparentou pKapplutôt que de pKa. La simple comparaison de

courbes de titrages d’une solution de monomère avec une solution de polymère suffit à illustrer la différence majeure entre un acide simple et un polyacide34. L’exemple du titrage de l’acide acétique et du polymère correspondant le

poly(acide acrylique) est présenté figure 1.11 :

Figure 1.11 – Évolution de la valeur du pKappour des solutions aqueuses d’acide poly(acrylique) et d’acide acétique

à même concentration en fonction du degré d’ionisation34.

Il est évident que le polyacide ne se comporte pas de la même façon que l’acide carboxylique correspondant. Pour un acide monovalent, le pKa est indépendant du degré d’ionisation ce qui explique la droite obtenue. Pour le

polyacide, il est remarquable de constater que pour des degrés d’ionisation faibles, le pKap est proche de celui

de l’acide monovalent équivalent du monomère. Les protons sont dissociés aléatoirement le long de la chaîne avec de très faibles voire aucune interaction entre les différents sites ionisables. Cependant, plus α augmente et plus l’énergie d’ionisation devient importante ce qui se traduit par un accroissement du pKap. Il devient de plus en plus

difficile d’arracher un proton à une unité entourée de sites déjà déprotonés. Le champ électrostatique créé par le polyélectrolyte ainsi que l’augmentation de la charge globale de la chaîne sont à l’origine de l’évolution du pKap.

3.1.2 Potentiel électrostatique

La constante d’ionisation intrinsèque du polyacide K0 s’écrit en fonction de l’activité de l’ion hydronium a(H+)

tout en incluant les interactions électrostatiques en l’absence de sel35 :

K0=

α 1 − αa(H

+) exp

kT (1.76)

Le terme eψ/kT correspond à la valeur absolue de la quantité de charge présente à la surface du groupement 34. Armstrong, R. ; Strauss, U. in Encyclopedia of polymer science and technology ; Interscience Publishers : New York ; London ; Sydney ; Toronto, 1968, p. 781–861.

du polyélectrolyte dont un proton est arraché. Plus précisément, la valeur du potentiel électrostatique ψ dépend directement de l’environnement du site déprotoné. Le pKapest défini comme suit :

pKap= pK0+ 0.434

kT (1.77)

Cette équation n’est valable que lorsque les forces électrostatiques sont prépondérantes devant les effets d’origine non électrostatiques. La variation d’enthalpie libre électrostatique ∆Geest alors la principale variable à considérer36 :

pKap= pK0+ 0.434

∆Ge

RT (1.78)

Différents modèles physiques permettent de déterminer les valeurs de eψ/kT caractéristiques de chaque polyélec- trolyte. Pour un polymère sous forme globulaire, la linéarisation de l’équation de Boltzmann-Poisson donne accès au potentiel électrostatique37. Au contraire, pour un polymère peu flexible, le modèle de cylindre rigide convient

parfaitement à la détermination de l’énergie libre électrostatique. 3.1.3 Cas particulier du poly(acide méthacrylique)

La détermination du pKapn’est pas toujours modélisable par un simple potentiel d’interaction électrostatique.

En effet, lorsque la charge effective d’une chaîne varie, sa conformation peut aussi être affectée, ce qui influence la dissociation des autres groupements voisins38,39. Les modifications des liaisons hydrogène, de la conformation ou

encore des interactions hydrophobes sont responsables de l’évolution du pKap. Ces interactions modifient l’énergie

libre totale de la chaîne polymère. Dans le cas du PMAA, les groupements méthyles en alpha de la fonction acide sont responsables d’interactions "hydrophobes" et des liaisons hydrogène se forment à partir des fonctions protonées. Qualitativement, il est possible d’intuiter que le pKapdu PAA ne suit pas la même évolution que celui du PMAA

puisque le premier ne possède pas de groupements hydrophobes sur son squelette. La figure 1.12 confirme cette hypothèse40 :

Figure 1.12 – Comparatif des pKap du PAA (à gauche) et du PMAA (à droite) en fonction du taux d’ionisation

à différentes températures : ◦ 5◦C,  25◦C, 4 45◦C40.

36. Nagasawa, M. ; Holtzer, A. Journal of the American Chemical Society 1964, 86, 531–538. 37. Nitta, K. ; Sugai, S. en Biopolymers 1972, 11, 1893–1901.

38. Tanaka, T. Physical Review Letter 1978, 40, 820.

39. Philippova, O. E. et al. Macromolecules 1997, 30, 8278–8285. 40. Sakurai, M. et al. en Polymer Journal 1993, 25, 1247–1255.

Pour de très faibles valeurs de degré d’ionisation, l’acide poly(méthacrylique) possède une conformation globulaire et la chaîne est fortement repliée sur elle-même à cause des interactions "hydrophobes" des groupements méthyles. Les groupements dissociés sont donc très proches les uns des autres ce qui entraîne une accumulation d’énergie électrostatique et par conséquent la forte augmentation du pKap. Il est alors difficile d’arracher des protons sup-

plémentaires à la macromolécule. A partir de α ≈ 0.20, la chaîne ne peut plus supporter l’accumulation d’énergie électrostatique et sa conformation change subitement en une chaîne plus étirée pour laquelle la distance entre groupes ionisés augmente. La chute de pKapest directement liée à ce phénomène de décharge d’énergie électrosta-

tique et il est remarquable que l’ionisation se poursuit de manière comparable au poly(acide acrylique) pour des degrés d’ionisation supérieurs à 0.3. Ce changement de conformation n’est pas prévu par les modèles classiques de polyélectrolyte en bon solvant et solvant theta.