• Aucun résultat trouvé

2. Chapitre II Héritages de l’avant-garde : l’art comme machine de guerre

2.2. Sur la « politisation de l’art »

Le célèbre article de Walter Benjamin « L’œuvre d’art à l’ère de sa reproductibilité technique » se termine sur une description de la façon dont les régimes fascistes « esthétisent la politique », en faisant du politique un gigantesque spectacle qui subjugue et soumet les foules. L’article se conclut sur cette ambition programmatique : « Voilà l’esthétisation de la politique que pratique le fascisme. Le communisme y répond par la politisation de l’art » (2000c : 113). Qu’est-ce au juste que cette « politisation de l’art » que Benjamin désire mettre en marche afin de s’opposer au fascisme? C’est dans un texte de 1934 (texte écrit en prévision d’une conférence) que Benjamin explique sa conception de la politisation de l’esthétique, une conception qui contribue à une compréhension originale des phénomènes avant- gardistes. Benjamin tente d’expliciter les liens qui unissent la sphère politico-sociale et la sphère esthétique sans sombrer dans un déterminisme marxiste repliant simplement les œuvres sur les conditions économiques et sociales de l’infrastructure. C’est plutôt au niveau de la fonction sociale de l’art et de son rôle institutionnel au sein de la superstructure que s’opère, selon Benjamin, le dialogue explosif entre les œuvres d’art et l’histoire au XXe siècle.

Benjamin s’oppose dès le départ à une soumission formelle de l’art au contenu idéologique qu’elle se propose de servir : « la tendance d’une œuvre politique ne peut fonctionner politiquement que si elle fonctionne littérairement aussi » (Benjamin 2003 : 123). À l’aide d’une telle formule, Benjamin opère un dépassement de l’éternelle « opposition stérile de la forme et du contenu » (Benjamin

2003 : 125), comme il se propose lui-même de le faire par l'entremise d'une nouvelle pensée du concept de « technique » comme « point d’accroche dialectique » (Benjamin 2003 : 125). La question que cherche à résoudre Benjamin est donc celle- ci : comment une production artistique peut-elle continuer à fonctionner en tant qu’œuvre d’art tout en participant au mouvement d’émancipation? Il ne fait aucun doute que ces deux questions, celle de la valeur artistique et celle de la justesse politique, sont intimement liées pour Benjamin, qui souligne « la dépendance fonctionnelle dans laquelle se tiennent toujours et en toutes circonstances la juste tendance politique et la technique littéraire progressiste » (Benjamin 2003 :125-126). Un an exactement après la conférence parisienne de Benjamin, André Breton se pose les mêmes questions, et ce, pratiquement dans les mêmes termes : « Y a-t-il, oui ou non, un art […] qui soit en mesure de justifier sa technique « avancée », par le fait même qu’il est au service d’un état d’esprit de gauche? » (Breton 1992 : 419). Le cœur du problème est bien là.

Benjamin précise par ailleurs les limites intrinsèques de l’art « engagé » traditionnel : « Je voudrais me contenter de signaler la différence décisive entre le simple approvisionnement d’un appareil de production et sa transformation » (Benjamin 2003 : 132). Ce n’est pas par hasard que Benjamin donne comme exemple pour illustrer son propos certaines expérimentations de la presse écrite ― ce véritable produit de masse. Benjamin utilise certaines expériences audacieuses du journalisme soviétique afin d’évoquer une nouvelle configuration possible de l’art dans sa fonction sociale et politique : « la distinction entre auteur et public, maintenue conventionnellement par la presse bourgeoise, commence à s’effacer dans la presse soviétique » (Benjamin 2003 : 128).

On touche ici de près ce qui caractérise l’art véritablement révolutionnaire selon Benjamin : non pas uniquement des transformations formelles au sein d’un médium connu ou encore l’adoption thématique d’une « tendance » politique, mais bien plutôt une transformation de l’art dans sa fonction opérationnelle, dans la division du travail et des tâches, et dans son « partage du sensible », son découpage des domaines du vivant. « En d’autres termes, il faut que ses produits [artistiques], à côté de leur caractère d’œuvre et avant même celui-ci, possèdent une fonction organisatrice » (Benjamin 2003 : 138). C’est pourquoi Benjamin applaudit le théâtre de Brecht, qui a selon lui « réussi à changer le rapport fonctionnel entre scène et public, texte et représentation, metteur en scène et comédien » (Benjamin 2003 : 139)33.

Ainsi, au-delà de sa « tendance » politique affichée, une production qui réussit à subvertir le mode d’appréhension usuel des différents médias, avec leur régime de signes, leurs interactions et leurs hiérarchies, remplit pleinement ce rôle « révolutionnaire ». En bousculant les modes perceptifs longtemps façonnés au sein du public (par exemple, le rapport conventionnel entre le texte et l’image), les arts nouveaux comme la photographie et le cinéma apparaissent à Benjamin comme potentiellement porteurs d’émancipation. Pour les avant-gardes artistiques en effet, la révolution ne peut advenir qu’à partir d’une transformation radicale de la conscience ; les pratiques d’avant-garde, en créant de nouvelles perceptions, permettent une modification anthropologique de l’homme en ce qu’il se pense lui-même, et contiennent un potentiel organisateur inédit. Pour les avant-gardes artistiques, la

33 L’intérêt de Debord envers le travail de Brecht ne fait aucun doute : « Dans les États ouvriers, seule

l’expérience menée par Brecht est proche, par sa mise en question de la notion classique de spectacle, des constructions qui nous importent aujourd’hui » (Debord 2006 RCS : 320).

modification de la conscience représente l’étape essentielle du processus révolutionnaire; en cela, ces groupes s’opposent à l’avant-garde politique traditionnelle, car ils repositionnent la question de la révolution à partir de la subjectivité individuelle. Les deux avant-gardes peuvent bien se rejoindre sur le projet gramscien d’une « révolution culturelle » qui utilise la propagande et les forces intellectuelles pour mobiliser des forces sociales inconscientes d’elles-mêmes. Mais les surréalistes et les situationnistes vont plus loin et dépassent le cadre d’une politique de partie, en plaçant la poésie, et la liberté qu’elle implique, au cœur du processus d’émancipation. L’individu, en tant qu’être créateur, ne doit pas être sacrifié au nom des processus collectifs qui rythment l’Histoire.

Benjamin partage donc avec les situationnistes une volonté de surmonter par tous les moyens possibles la division du travail artistique. À ce propos, il écrit :

Est donc déterminant le caractère paradigmatique de la production qui, premièrement, est capable d’initier d’autres producteurs à la production et, deuxièmement, de mettre à leur disposition un appareil amélioré. Et cet appareil sera d’autant meilleur qu’il conduira un plus grand nombre de consommateurs à la production, bref qu’il sera en état de transformer lecteurs ou spectateurs en co-auteurs (Benjamin 2003 : 138).

Le rôle que Benjamin attribue à l’art communiste consiste en une abolition de la frontière artificielle qui sépare le producteur du public. Le changement de l’appareil de production s’opère dans le sens d’une socialisation, c’est-à-dire dans la voie d’un passage des mains des spécialistes vers celles d’un public d’ordinaire tenu à distance par le marché de l’art qui force la contemplation passive devant ce qui s’affiche comme une marchandise, un objet de jouissance séparé de son sujet admirant. Benjamin donne l’exemple du théâtre de Brecht et de sa fameuse méthode de

l’identification passive du spectateur avec les données brutes de la narration et le force à prendre position face aux situations représentées : « Il [le théâtre de Brecht] vise moins à emplir le public de sentiments, fussent-ils ceux de la révolte, qu’à le rendre durablement étranger, par la pensée, aux états des choses dans lesquels il vit » (Benjamin 2003 : 141). C’est un théâtre politique dans son contenu, mais aussi, et surtout, dans sa technique, dans son savoir-faire pratique qui encourage le spectateur à devenir le co-auteur de la pièce, à participer activement au déploiement de ses potentialités ouvertes.

Le communisme artistique passe ainsi par l’effacement progressif de la fonction « auteur » et la reprise démocratique par les masses des moyens de production artistique : subversion de la division du travail et des frontières entre spécialités. C’est la question de la légitimité de la parole, de son lieu d’énonciation et de circulation, qui est remise en cause dans le nouvel art politique, en cela contemporain des bouleversements démocratiques de la modernité et de l’irréversible crise de l’autorité qui les accompagne.

C’est à partir de tels critères qu’on peut, en suivant les traces de Benjamin, évaluer l’implication politique d’un véritable art d’avant-garde : dans sa capacité à inclure toujours plus de commun dans la sphère de l’expression. Il faut d’abord que cette sphère commune devienne totalement communiste, à la portée de tous, telle une sphère publique de production réellement partagée par l’ensemble : totale liberté du lieu et de la circulation de la parole. Il faut d’autre part que le découpage avant- gardiste du sensible opère des modifications allant dans le sens d’une transformation libératrice de l’organisation policière de la perception des arts : hiérarchie des signes,

des genres et des matériaux, articulation des « justes » rapports entre les arts eux- mêmes. Debord décrit précisément cette volonté situationniste :

La situation est ainsi faite pour être vécue par ses constructeurs. Le rôle du « public » […] doit y diminuer toujours, tandis qu’augmentera la part de ceux qui ne peuvent être appelés des acteurs, mais, dans un nouveau sens du terme, des viveurs (Debord 2006 RCS : 325-326).

Cette transformation des rapports de production dans la sphère artistique doit se faire parallèlement avec une transformation des rapports de classe : il y a dans les deux processus un même mouvement d’émancipation se situant ai niveau des places et des fonctions assignées autoritairement par un pouvoir biopolitique nominaliste, toujours proche de la théorie du droit naturel. La question de la fixation identitaire joue un rôle primordial dans ce processus. L’art ainsi que la lutte politique permettent aussi bien une nécessaire déliaison des processus d’identification qu’une rupture perceptive et cognitive avec tout ordre présenté comme « naturel ».

Plusieurs éléments et tendances du mouvement surréaliste affichent cette volonté de rendre l’art au commun, d’en faire une boîte à outils de la multitude pour contrer ce « désenchantement » du quotidien et le pourrissement fasciste de la société. Si, comme le soulignait Jacques Rancière, l’art moderne s’émancipe de tous critères limitatifs encadrant sa sphère d’action, il tend dès lors à se confondre avec la vie elle- même :

Sur ce point on peut dire que la « révolution esthétique » a produit une idée nouvelle de la révolution politique, comme accomplissement sensible d’une humanité commune existant seulement encore comme idée. […] C’est ce paradigme d’autonomie esthétique qui est devenu le paradigme nouveau de la révolution, et a permis ultérieurement la brève, mais décisive rencontre des artisans de la révolution marxiste et des artisans des formes de la vie nouvelle (Rancière 2000 : 40).

Dans cette optique, l’idée de révolution désigne désormais l’émancipation créatrice d’une humanité inaccomplie, et qui doit advenir par le biais d’une production esthétique accessible à tous. Les puissances de la vie doivent être retirées des mains de ses usurpateurs pour être redonnées aux puissances de l’anonyme, seuls agents de leurs possibles accomplissements. Dans son texte « Le message automatique » (1933), André Breton situait lui-même le mouvement surréaliste au sein de cette ouverture démocratique de l’art :

Le propre du surréalisme est d’avoir proclamé l’égalité totale de tous les êtres humains normaux devant le message subliminal, d’avoir constamment soutenu que ce message constitue un patrimoine commun dont il ne tient qu’à chacun de revendiquer sa part et qui doit à tout prix cesser très prochainement d’être tenu pour l’apanage de quelques-uns (Breton 1992 : 387).

C’est en particulier durant la première période « héroïque » du mouvement surréaliste qu’est proclamé le caractère collectif de la subversion illimitée promise par l’imagination inconsciente récemment découverte. Pour les surréalistes, les profondeurs de l’inconscient représentent un gouffre sans fond, une sorte de patrimoine de l’humanité dans lequel chacun peut venir chercher les images poétiques susceptibles de renverser l’ordre du monde. En cela, ils témoignent de leur fidélité à la célèbre maxime de Lautréamont : « La poésie doit être faite par tous. Non par un ». Breton le rappelle dans Les Vases communicants : « Le surréalisme, tel qu’à plusieurs nous l’aurons conçu durant des années, n’aura dû d’être considéré comme existant qu’à la non-spécialisation a priori de son effort » (Breton 1992 : 164). Le concept de la pensée inconsciente comme réservoir révolutionnaire commun provoque justement cette critique de la fonction sociale de l’artiste et cette volonté de modifier l’appareil de production artistique. Elle lie aussi fortement l’esthétique aux forces de la vie :

l’accomplissement de la forme et la réalisation des pleins potentiels du vivant relèvent désormais d’une même mission. C’est en ce sens que Louis Janover affirme : « La vie est l’art vrai, disait Dada. Le surréalisme avait renversé la proposition pour proclamer : l’art est la vraie vie, et associer les deux termes dans une expérience existentielle inédite : la poésie faite par tous » (Janover 1995 : 208). Ce n’est pas par hasard si Benjamin place le mouvement surréaliste dans la filiation des mouvements anarchistes européens du XIXe siècle : il reconnaît en lui un programme d’émancipation qui dépasse et déborde de partout le domaine littéraire34. Le surréalisme est d’abord et surtout une révolte éthique généralisée qui assure immédiatement la « juste » tendance politique et littéraire de sa production évanescente.

Mais il faut bien admettre que le mouvement surréaliste fut sans cesse divisé sur cette question, et qu’une tendance réactionnaire n’hésite pas à se montrer au grand jour :

Dès l’origine, en effet, se dessine dans les positions défendues par le groupe une double tendance : d’une part, on peut déceler certains éléments d’une critique radicale de la fonction même de l’artiste dans la société […] ; d’autre part, on assiste à l’élaboration et à la diffusion d’une nouvelle conception de l’art qui préserve le caractère spécialisé de l’activité artistique, apportant de nouvelles justifications morales aux prétentions élitaires des milieux littéraires et picturaux (Janover 1980 : 25- 26).

Les surréalistes sont donc demeurés prisonniers de « conceptions bourgeoises » en partageant cette croyance au rôle providentiel d’une élite, celle de l’avant-garde

34 « Breton a aussi dès le début déclaré vouloir rompre avec une pratique qui livre au public les résidus

littéraires d’une certaine forme d’existence sans donner cette forme elle-même » (Benjamin 2000b : 114).

politique ou artistique35. Cette notion a passablement limité la diffusion de la libération surréaliste, mais elle n’a pas pu l’empêcher. Les situationnistes reprendront en partie les mêmes préjugés que leurs aînés, malgré leur volonté d’éliminer la tenace séparation entre chefs et exécutants, cette division hiérarchique des tâches qui traverse l’ensemble des mouvements révolutionnaires. Ils ne parviendront pas à résoudre cette antinomie tenace entre le principe d’égalité et l’absence bien réelle d’égalité au sein des groupes : « L’I.S. a toujours été anti-hiérarchique, mais n’a jamais su être égalitaire » (Debord 2006 VSI : 1129). La dissolution de l’IS, décidée par le seul Debord en 1972, s’explique en partie par cet échec : l’IS avait selon lui définitivement intégré l’économie spectaculaire. Il s’agissait de l’en dégager afin de diffuser partout le message situationniste dans les masses, et ce, non plus sous le mode d’une image idéalisée de l’organisation faite pour plaire à une gauche passéiste et récupératrice : « Une inévitable part du succès historique de l’I.S. l’entraînait à être à son tour contemplée […]. La force du négatif mise en jeu contre le spectacle se trouvait aussi admirée servilement par des spectateurs » (Debord 2006 VSI : 1104).

La destinée essentielle de l’avant-garde correspond à son autodissolution à travers la réalisation de son action. En réalisant la révolution, l’I.S. était appelée à disparaître en tant que mouvement, de la même façon que la « dictature du

35 Dans le Manifeste pour un art révolutionnaire indépendant qu’il coécrit avec Léon Trotski en 1938,

Breton s’affirme parfaitement en accord avec l’idée d’une action dictatoriale de la part des élites révolutionnaires au niveau de l’économie politique et dans l’organisation des forces sociales, mais il milite en contrepartie pour un privilège de liberté absolue accordée uniquement aux forces intellectuelles : « Si, pour le développement des forces productives matérielles, la révolution est tenue d'ériger un régime socialiste de plan centralisé, pour la création intellectuelle elle doit dès le début même établir et assurer un régime anarchiste de liberté individuelle. Aucune autorité, aucune contrainte, pas la moindre trace de commandement! Les diverses associations de savants et les groupes collectifs d'artistes qui travailleront à résoudre des tâches qui n'auront jamais été si grandioses peuvent surgir et déployer un travail fécond uniquement sur la base d'une libre amitié créatrice, sans la moindre contrainte de l'extérieur » (Breton & Trotski 1938 : non paginé).

prolétariat » devait se synchroniser avec la disparition paradoxale de la classe ouvrière elle-même. L’échec de l’I.S., encore une fois, advient dans le caractère élitiste et séparé de ses activités : « Nous étions là pour combattre le spectacle, non pour le gouverner » (Debord 2006 VSI : 1125). Pour contrer la passivité du spectateur, pour continuer d’influencer les vivants autrement que sous le mode de la contemplation, l’I.S. se devait de disparaître : « […] nous allons devenir encore plus inaccessibles, encore plus clandestins. Plus nos thèses seront fameuses, plus nous serons nous-mêmes obscurs » (Debord 2006 VSI : 1132). En effaçant le culte de la personnalité ou le culte de l’organisation qui avait germé autour de l’I.S., Debord désirait se débarrasser des spectateurs de l’I.S. : ce qu’il cherchait à produire, ce sont des acteurs de la révolution. Impossible quête : « Partout des révolutionnaires, mais nulle part la Révolution » (Debord 2006 : 685).

Debord considérait toujours que le rôle de l’avant-garde consiste à subvertir les hiérarchies « naturelles » et les fonctions sociales instituées. À ce propos, il écrit en 1978 : « Les avant-gardes n’ont qu’un temps ; et ce qui peut leur arriver de plus heureux, c’est, au plein sens du terme, d’avoir fait leur temps » (Debord 2006 IGI : 1783). Le champ d’action de l’avant-garde, c’est la vie elle-même, qu’elle se propose de modifier radicalement. Pour les situationnistes, fidèles à la vision téléologique présentée dans l’Esthétique d’Hegel, la suppression de l’art équivaut paradoxalement à son triomphe au sein d’une nouvelle synthèse : l’art devenu réalité concrète, l’idéalité s’étant enfin matérialisée dans le réel de la vie. L’avant-garde qui se positionne dans le champ hégélien de la « mort de l’art » devient ainsi le mode opératoire d’un désœuvrement collectif : « C’est en ne croyant pas aux œuvres actuellement permises, qu’une avant-garde fait, aussi, "les meilleures" des œuvres

actuellement permises » (Debord 2006 : 639). Cependant, Debord n’a pu résister, après l’aventure de l’I.S., à la tentation de se constituer en personnalité spectaculaire, en se présentant comme le seul véritable révolutionnaire de son époque. Son existence historique passe alors dans le mythe. Debord réintègre l’économie particulière qu’il dénonçait à l’époque de la gloire de l’I.S. Cette trajectoire démontre qu’on ne se débarrasse pas des mythes comme on jette un chiffon. C’est précisément au moment où on veut leur régler leur compte, en les ramenant à leur statut de simple récit symbolique, que ces derniers reviennent hanter l’imaginaire. Le refuge que Debord trouve dans la narration de soi témoigne de la ténacité de l’économie mythologique dans la société spectaculaire.