• Aucun résultat trouvé

Polarité cellulaire

CHAPITRE 2 - ORGANISATION INTERNE DES CELLULES ET POLARITE EN

I- Polarité cellulaire

La polarité cellulaire désigne l’ensemble des mécanismes qui participent à l’anisotropie architecturale et fonctionnelle de la cellule. La polarité est une propriété constitutive de la cellule. Qu’elle soit en suspension, étalée sur une boite de Pétri, insérée à la surface ou au sein d’un tissu une cellule est toujours polarisée au sens où le cytosquelette et le transport intracellulaire à un instant donné sont non isotropes. Et quand des cellules sont dites non-polarisées elles sont en fait polarisées mais individuellement, ce qui produit une absence de polarité globale dans l’ensemble de la population observée.

La cellule est polarisée

Dès 1883 Van Beneden observa que le centre du noyau et le centrosome établissait un axe qui conférait à la cellule une organisation polarisée (van Beneden, 1883). Cette anisotropie constitutive est intrinsèque à la cellule. En effet, la morphologie des composants de la cellule s’est adaptée depuis le début de l’évolution, au besoin de la cellule d’établir un transport orienté des protéines qu’elle synthétisait.

Le noyau représente un volume connexe qui reste inaccessible au cytosquelette et aux autres organites. Les ARN messagers sortent du noyau de façon isotrope. Ces ARN sont ensuite traduits en protéines par les ribosomes du réticulum endoplasmique. Puis les protéines destinées à être sécrétées sont collectées dans l’appareil de Golgi. L’appareil de Golgi est un empilement de membranes dans lesquelles des moteurs moléculaires interagissent avec le réseau de microtubules et se dirigent vers leurs extrémités « - ». Or le réseau de microtubules est organisé autour d’un centre organisateur, le centrosome, qui regroupe les extrémités « - ». Ce réseau n’est pas isotrope car il n’a pas accès au noyau. Donc l’appareil de Golgi par lequel transitent les protéines est organisé autour d’un point qui est exclu de la zone d’émission des ARN messagers. Les protéines semblent donc produites de façon isotrope autour du noyau et collectées vers un centre à partir duquel elle sont transportées vers leur compartiment cible ou exportées. Donc le transport des protéines et l’architecture du réseau de microtubules sont intrinsèquement asymétriques et polarisés.

En dirigeant le transport des ARNm et des protéines et le trafic membranaire vers certaines zones de la cellule l’anisotropie interne peut guider l’architecture du cytosquelette. En effet, ce transport fournit des lipides dans les zones où l’actine polymérise et forme des protrusions membranaires. Ailleurs l’actine s’organise en filaments contractiles. Cette hétérogénéité du réseau d’actine affecte la croissance et la stabilité des microtubules ce qui polarise le réseau de microtubules. Le cytosquelette, servant lui-même de guide pour les moteurs assurant le transport des protéines, dirige en retour l’orientation du trafic intracellulaire. Il existe donc des interactions à double sens entre le transport des protéines et l’architecture du cytosquelette.

L’hétérogénéité de l’espace dirige l’établissement la polarité

Le cytosquelette, présent dans tout l’espace cellulaire, est sensible à la moindre hétérogénéité externe pouvant influencer sa dynamique. De plus, les cellules possèdent des systèmes enzymatiques de rétroaction positive locale et d’inhibition globale qui lui permettent l’amplification de fluctuations aléatoires de la dynamique de son cytosquelette et par conséquent une polarisation spontanée du système. L’association de ces deux propriétés confèrent aux cellules une grande sensibilité à l’hétérogénéité des signaux externes qui peuvent ainsi facilement biaiser leur capacité de polarisation spontanée (Sohrmann and Peter, 2003; Wedlich-Soldner and Li, 2003; Wedlich-Soldner R., 2003). La détermination de l’orientation de la polarité cellulaire résulte donc d’un ensemble de boucles de rétroactions internes en interaction avec l’environnement.

Bien que le processus d’établissement et de maintien de la polarité ne puisse être réductible à une vision hiérarchique, il est possible de décrire la succession temporelle des évènements que l’on retrouve dans un grand nombre de systèmes, des levures aux cellules de vertébrés (Nelson, 2003).

D’après James Nelson on peut décrire la cascade des processus impliqués dans l’établissement de la polarité comme cela :

1- Apparition d’une marque sur le cortex de la cellule. Cette marque peut provenir d’un signal externe (sécrétion humorale, blessure, nouveau contact cellulaire) ou d’un processus interne (division précédente, polarité antérieure, fluctuation locale élevée). 2- Accumulation, sur cette marque, de complexes de signalisation (Src, PAK,

RhoGTPases,…).

3- Agglomération de certains lipides et des protéines transmembranaires associées (raft, glycosylphosphoinositides, intégrines, cadhérines).

4- Recrutement des protéines impliquées dans l’assemblage et le remodelage du cytosquelette d’actine, du cytosquelette d’actine ( actinine, profiline, Arp2/3,…).

5- Mobilisation de protéines du pool cytosolique, notamment celles impliquées dans l’ancrage des microtubules, vers le site cortical par la distribution orientée de vésicules (APC, IQGAP, formines, …).

6- Stabilisation et ancrage des microtubules par les complexes recrutés sur le site cortical. 7- Réorientation du ou des complexes organisateurs de microtubules (nucléation et

ancrage aux bouts moins par le centrosome) et de l’appareil de Golgi. Organisation de l’ensemble des processus polarisés (transport interne, sécrétion, endocytose, distribution des forces internes et de celles exercées sur l’environnement) selon le nouvel axe de polarité.

Cependant il est important de garder à l’esprit que l’établissement de la polarité n’est pas une succession linéaire d’événements. En effet, les composants qui structurent la cellule sont aussi des senseurs qui activent des voies de signalisation. La construction du cytosquelette est en réalité une succession permanente d’assemblages et de désassemblages influencés par des jeux de signalisation croisés. Les boucles de signalisation-assemblage ne sont pas propres à chaque constituant du cytosquelette. Les assemblages sont dynamiques et inter-dépendants (Etienne-Manneville, 2004a). Ces interactions se stabilisent finalement

La cellule polarisée est composée de domaines structurellement associés

mais mutuellement exclusifs

La polarité est manifeste dans des cellules épithéliales mais aussi dans des cellules en migration (Lauffenburger and Horwitz, 1996). Nous commencerons par décrire succinctement l’organisation spatiale des cellules épithéliales et fibroblastiques en migration. La polarité embryonnaire sera discuté dans le chapitre 3.

De manière générale, si deux zones de la cellule ont des compositions biochimiques proches mais distinctes et que cette distinction les rend mutuellement exclusives, elles créent deux domaines dans l’espace cellulaire. Les positions relatives de ces deux domaines définissent à la fois une direction et un sens et par conséquent un axe de polarité.

Figure 2.1 Deux cellules polarisées : une cellule épithéliale et une cellule en migration

Dans une cellule épithéliale, plusieurs assemblages partagent le même axe de polarité (Rodriguez-Boulan et al., 2004; Rodriguez-Boulan et al., 2005). La membrane plasmique basale ne comporte pas les mêmes lipides ni les mêmes protéines transmembranaires et submembranaires que la membrane apicale ce qui définit une polarité périphérique. Le cytosquelette d’actine est formé de fibres assemblées en fagot le long des parois latérales et de fibres assemblées en un réseau branché dans les protrusions membranaires du pôle apical. Ceci constitue une seconde forme de polarité périphérique. L’association de la membrane plasmique et des filaments d’actine constitue le cortex de la cellule et la polarité de l’ensemble est désigné sous le terme de polarité corticale.

Le noyau, d’où proviennent les ARN messagers, est proche de la membrane basale alors que le centrosome, qui centralise l’organisation des microtubules et du transport des protéines, est proche de la membrane apicale. Ceci définit une polarité interne, celle de la synthèse puis de la maturation et enfin du transport des protéines, parallèle à la polarité corticale.

La connexion entre ces deux systèmes polarisés se fait, entre autre, par l’intermédiaire des microtubules qui sont eux-mêmes des structures polaires, issues de la polymérisation de monomères asymétriques. Leur polarité guide les moteurs moléculaires. L’architecture du cytosquelette guide ainsi l’ensemble du transport intracellulaire le long de la membrane latérale vers le pôle apical ou le pôle basal.

En effet, les cellules épithéliales sont une interface entre le milieu extérieur et le milieu intérieur par lequel transitent les nutriments ingérés par l’organisme. L’internalisation de composants du milieu externe s’effectue au pôle apical. Le tri s’effectue dans l’appareil de Golgi et les composants retenus sont envoyés vers le pôle basal où ils sont externalisés vers le milieu intérieur. Le transport des protéines participe à la mise en place de la polarité cellulaire mais en est également un des aboutissements fonctionnels (Nelson, 2003). Cependant notre étude se limitera à l’observation et l’expérimentation de l’architecture du cytosquelette. Le transport intracellulaire des protéines n’a malheureusement pas pu être analysé au cours de ces travaux et, par conséquent, ne sera pas présenté plus en détail dans cette introduction.

Les adhésions n’ont pas d’homologue fonctionnel privilégié et ne forment pas de domaines polarisés mais elles sont les senseurs de l’hétérogénéité de l’environnement et leur présence à la limite entre la membrane latérale et la membrane apicale sert de frontière entre les pôles antagonistes. Elles sont donc les bases physiques de l’établissement et du maintien de la polarité.

Dans la cellule en migration, la plupart de ces anisotropies fonctionnelles sont conservées. La composition de la membrane du bord avant diffère de celle des côtés ou de l’arrière. L’actine forme des fibres contractiles le long de la direction de migration et des protrusions au niveau du bord avant. L’axe noyau-centrosome est orienté vers l’avant de la cellule. Les microtubules distribuent et organisent l’anisotropie des protéines synthétisées et internalisées. Les adhésions focales servent de senseurs de la rigidité externe et séparent le bord avant du corps cellulaire, jouant ainsi leur rôle dans l’établissement et le maintien de la polarisation migratoire.

Les paragraphes suivants sont une introduction à la présentation des résultats obtenus sur l’organisation interne des cellules en interphase sur micro-patrons adhésifs. Ils regroupent des études expérimentales et des revues décrivant les mécanismes d’organisation de l’architecture interne des cellules. Les adhésions, l’actine, les microtubules et les voies de signalisation orchestrant leurs constructions seront présentés successivement mais il convient de garder à l’esprit que tous ces assemblages sont inter-dépendants.