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1 Adhésion focales

CHAPITRE 2 - ORGANISATION INTERNE DES CELLULES ET POLARITE EN

I- 1 Adhésion focales

Les adhésions sont des complexes transmembranaires qui connectent la matrice extracellulaire (MEC) avec le cytosquelette (Abercrombie et al., 1971; Burridge and Fath, 1989). Leur composition moléculaire est extrêmement riche et variée (Zamir and Geiger, 2001). Elles sont le lien physique entre le cytosquelette d’actine et le milieu fibrillaire extérieur. Servant d’attache intracellulaire aux fibres d’actine contractiles, les fibres de stress, elles sont soumises à la tension développée dans ces fibres. Parallèlement, elles sont les capteurs des tensions externes transmises par la MEC sur la cellule. Leur état dépend donc de ces deux connections. En réponse à ces stimulations, elles modulent l’activation de nombreuses voies de signalisation dans la cellule. En fonction des voies activées les adhésions vont soit servir de support à la nucléation d’actine branchée et à la formation de protrusions membranaires soit d’ancrage aux fibres de stress et de support au développement de la traction sur le substrat.

Deux revues permettent d’avoir une compréhension globale des interactions MEC-adhésion et MEC-adhésion-cytosquelette (qui sont toutes les deux des inter-actions et non des liens unidirectionnels) et des signaux qui orchestrent ces échanges : (Geiger et al., 2001; DeMali et al., 2003)

Figure 2.2 Représentation schématique des composants d’une adhésion. α et β désignent les intégrines qui sont des molécules transmembranaires, Vin la vinculine, ERM les protéines de la famille ezrin/radixin/moesin, Zyx la zyxine, FAK les kinases des adhésions focales, les filaments rouges représentent les filaments d’actine (Geiger et al. NatRevMolCelBiol 01).

Mise en place des adhésions focales et les premiers signaux intra-cellulaires

La taille, la forme et la composition des adhésions dépend de leur temps de vie et des stimulations reçues. L’assemblage élémentaire et initial est un complexe focal, puis, selon le type de stimulation interne (signalisation, tension) et externe (composition et propriété mécanique de la MEC), le complexe focal peut mûrir en adhésion focale ou en adhésion fibrillaire (Miyamoto et al., 1995; Katz et al., 2000). Le complexe focal apparaît près du bord avant, derrière le lamellipode de la cellule en migration ; il est alors de petite taille et composé d’intégrine de paxiline et de vinculine et peut subir de très fortes tensions (Beningo et al., 2001). Cette tension et l’effet des GTPases de type Rho transforment le complexe focal qui grossit en adhésion focale. S’y ajoutent ensuite séquentiellement des molécules de zyxine, de taline et de FAK (focal adhesion kinase). L’apparition de tensine signe finalement sa maturation en adhésion fibrillaire (Zaidel-Bar et al., 2003). L’ensemble du processus de maturation dépend largement des contraintes mécaniques supportées par les adhésions (Geiger and Bershadsky, 2001).

La signalisation par les adhésions : Src, FAK et les Rho GTPases

Les adhésions sont les premiers senseurs de l’environnement cellulaire. De nombreuses kinases et GTPases sont recrutées et/ou activées au niveau des adhésions. La maturation des adhésions se traduit ensuite en activation biochimique dans la cellule par le recrutement et l’activation de nombreuses enzymes. Ces enzymes vont changer de conformation et de potentiel chimique après leur activation. Ceci va se répercuter sur d’autres enzymes localisées près des adhésions et induire une cascade de signalisation. Les premières concernées sont les kinases de la famille Src (Playford and Schaller, 2004) et les FAK (focal adhesion kinases) (Cary and Guan, 1999; Parsons, 2003) (Figure 2.3).

Figure 2. 3

RhoA (Figure 2.4). Ensuite elles activent RhoA, ce qui réduit l’activité de Rac et de Cdc42 et augmente la contraction du cytosquelette (DeMali et al., 2003) (Figure 2.4). Ces activations/inactivations dépendent notamment des tyrosines kinases de la famille Src mais aussi des protéines tyrosines phosphatases PTPα. Les différentes étapes au sein de ces voies de signalisation peuvent varier en fonction des types cellulaires. Les intégrines recrutent et activent ainsi la machinerie nécessaire à la nucléation de l’actine et la formation de protrusions (voir la description de l’actine plus tard). Les RhoGTPases, qui modulent l’activité de l’actine, ne se lient pas directement aux adhésions mais sont sous leur influence. En retour le devenir des adhésions (désassemblage, maturation) dépend de l’état des RhoGTPases qui est modulé par le cytosquelette (Ridley, 2001).

Au tout début Après quelques minutes

Figure 2.4 Activation des voies de signalisation suite à l’engagement des adhésions. Au tout début : les intégrines activent Rac et Cdc42.

Après quelques minutes : les adhésions inhibent Rho (tout en activant Rac) puis activent Rho (DeMali et al., 2003).

La signalisation interne dépend aussi de la nature de l’engagement des adhésions

avec la MEC. Sur de faibles quantités de fibronectine, Cdc42 et Rac sont activées, ce qui

induit la formation de protrusions et la migration des cellules. Alors que sur des quantités plus élevées, ces GTPases sont inhibées. RhoA, au contraire, est d’autant plus activée qu’il y a de fibronectine, ce qui augmente la contractilité cellulaire et réduit la motilité, notamment si RhoA est activé au delà du seuil qui déclenche l’inhibition de Cdc42 et Rac (Cox et al., 2001).

L’effet du lien entre adhésion et signalisation dans l’établissement de la polarité a été étudié d’une façon remarquable par Miguel A. del Pozo et ses collègues. Au terme de trois études, ils montrent que les intégrines engagées dans des adhésions ségréguent certains rafts lipidiques (voir plus tard la présentation de la membrane) et que ces rafts, riches en cholestérol, recrutent Rac et p21-activated kinase (PAK) (del Pozo et al., 2000; del Pozo et al., 2002; del Pozo et al., 2004). Les rafts lipidiques sont un intermédiaire entre l’activation des FAK, par les intégrines, et la stabilisation des microtubules à cet endroit de la membrane (Palazzo et al., 2004). Ces découvertes illustrent le rôle initiateur des adhésions dans

l’établissement de la polarité de la membrane et de l’organisation spatiale des cascades de signalisation

Après l’établissement du premier contact et la définition de la polarité, les kinases de types Src jouent un rôle catalytique aux niveau des intégrines nécessaire à la migration (Cary et al., 2002). L’activation des substrats de Src participent à la réorganisation du

cytosquelette (Arthur et al., 2000; Obergfell et al., 2002). L’activité des kinases de type FAK

est elle aussi impliquée dans la motilité. Les FAK modulent la rigidité du lien entre les adhésions et les fibres de stress. Elles recrutent certains phospholipides facilitant ainsi la formation de protrusions. Elles sont un intermédiaire de signalisation entre les adhésions et les RhoGTPases qui sont, elles, directement impliquées dans la migration (Mitra et al., 2005).

Enfin, les signaux générés au niveau des adhésions focales (Src, FAK) se transmettent jusqu’aux cyclines et participent au choix de la cellule de se diviser, attendre ou mourir (Giancotti and Tarone, 2003). Le disfonctionnement de ces régulations témoigne d’une incapacité des cellules à adapter leur forme, leur croissance ou leur déplacement aux informations externes collectées au niveau des adhésions et constitue un signe majeur de

Tension et adhésion

Les propriétés de mécano-transduction des contacts focaux sont certainement un de leurs aspects les plus fascinants. La tension externe ou interne va moduler leur composition chimique et la nature des signaux qu’ils génèrent (Geiger and Bershadsky, 2001; Bershadsky et al., 2003). La capacité de certaines molécules, comme la vinculine, de changer de conformation en fonction de la tension et donc de faire apparaître de nouveau sites d’interaction, pourrait être impliquée dans cette propriété de mécano-transduction (Gilmore and Burridge, 1996). La vinculine est spécifiquement recrutée sur les contacts soumis à une tension (Galbraith et al., 2002). La zyxine, initialement sur les adhésions focales déjà sous tension, se relocalise sur toute la fibre de stress et participe directement à l’augmentation de sa tension suite à une stimulation externe de la contractilité (Yoshigi et al., 2005). En effet, les constantes d’affinités de certaines protéines pour les complexes d’adhésion dépendent directement de la tension. Si la tension augmente, la zyxine s’en va et la vinculine reste (Lele et al., 2005). La zyxine décolle ainsi des adhésions pour aller dans le noyau où elle module l’expression de certains gènes mécano-sensibles (Cattaruzza et al., 2004).

La contractilité des fibres de stress est directement corrélée à la taille des adhésions focales (Chrzanowska-Wodnicka and Burridge, 1996). Plus précisément, la taille de l’adhésion, son orientation et l’intensité du marquage par la vinculine sont directement proportionnels à la contrainte exercée sur le substrat au niveau de cette attache et le temps de réponse est inférieur à la seconde (Figure 2.5) (Balaban et al., 2001; Tan et al., 2003).

Figure 2.5

La taille des adhésions focales est proportionnelle à la tension qu’elle supporte, mesurable par la déformation d’un substrat flexible (image à droite, (Balaban et al., 2001)) chez des fibroblastes (à gauche (Balaban et al., 2001)) et chez des cellules musculaires (à droite (Tan et al., 2003)), sauf pour les petites (celles de moins d’un µm2 en bleu à droite) cf (Beningo et al., 2001).

Si une tension externe est appliquée sur la cellule, les adhésions grossissent grâce à un mécanisme dépendant de mDia et non de ROCK, qui ne sert apparemment qu’à produire la tension lorsque la cellule exerce elle même cette tension de façon interne (Riveline et al., 2001) (Figures 2.6 et 2.7).

Figure 2.6 L’augmentation de la tension dans la fibre de stress fait grossir les fibres de stress (flêches rouges) par un mécanisme impliquant les RhoGTPases (Riveline et al., 2001)

Les adhésions semblent donc se comporter comme des senseurs qui répondent à la tension. La tension régule le passage de complexe focal à adhésion focale via Rho (Geiger and Bershadsky, 2001). La tension influe sur les adhésions qui se transforment et modifient les liens avec leur ligands. Ce mécanisme est à la base d’une propriété essentielle des adhésions, le renforcement. Si l’on tire sur une adhésion, elle renforce l’attache avec le point d’application de la tension par une boucle de rétroaction positive (Choquet et al., 1997). La maturation des adhésions permet donc à la cellule de moduler l’intensité de la tension développée sur les contacts (Galbraith et al., 2002). Le mécanisme de renforcement de l’énergie d’adhésion, en réponse à une contrainte externe, est certainement à l’origine de la

durotaxie, cette capacité des cellules à se diriger vers le zones les plus rigides (Lo et al.,

2000). Si les cellules palpent leur environnement de façon isotrope elles se dirigeront vers les zones offrant le plus de résistance et favorisant le renforcement des contacts.

Figure 2.7

Représentation schématique de la signalisation impliquée dans le mécanisme de mécano-sensation.

1- activation de Rac et inhibition de Rho favorisent l’assemblage d’actine.

2- le recrutement et l’activation de vinculine participe à la maturation de l’adhésion. 3- la mise en tension de l’actine à l’intérieur de la cellule ou par des forces externes fait grossir l’adhésion via ROCK et Src.

(Geiger et al., 2001)

Adhésion cellule-cellule

Les contacts cellule-cellule (cadhérines), comme les contacts cellule-matrice (intégrines), induisent l’activation des RhoGTPases Rac et Cdc42, le recrutement de Par6/aPKC et du complexe APC/EB1 (Jamora, 2002). Pourtant les adhésions cellule-cellule ne répondent pas aux mêmes stimuli que les contacts cellule-matrice. Les cadhérines forment des clusters lorsque la membrane est tendue alors que les intégrines forment des clusters lorsque la contractilité acto-myosine est augmentée (Delanoe-Ayari et al., 2004). Les deux systèmes sont même découplés au cours de la mise en place de la polarité des MDCK en épithélium (Wang et al., 1990; O'Brien et al., 2002), bien que les deux participent à l’établissement de la polarité (Drubin and Nelson, 1996; Yeaman et al., 1999). Des molécules différentes sont impliquées dans le contact transmembranaire en lui-même mais beaucoup de composants associés à la face cytoplasmique du complexe et à l’actine sont identiques (vinculine, alpha-actinine). Les voies de signalisation finalement activées se ressemblent beaucoup (RhoGTPases, Src, ERK) (Braga, 2002; Guo and Giancotti, 2004).

Comment l’organisation interne de la cellule peut-elle distinguer ces deux types de contacts avec l’extérieur ?