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3 Cortex et Membrane plasmique

CHAPITRE 2 - ORGANISATION INTERNE DES CELLULES ET POLARITE EN

I- 3 Cortex et Membrane plasmique

La membrane plasmique est une enveloppe de graisses qui sépare le milieu aqueux interne, le cytosol, du milieu aqueux externe. Cette membrane est un double feuillet de

phospholipides. Elle comporte une centaine de lipides différents et des protéines

transmembranaires. Ces composants ne sont pas tous miscibles et la composition de la membrane est proche de certaines transitions de phase, ce qui lui confère la possibilité s’organiser en domaines lipidiques à la moindre perturbation (Harder et al., 1998; Mukherjee and Maxfield, 2004). La courbure et la tension de ligne participent à la ségrégation spatiale des lipides (Baumgart et al., 2003). Des phases lipidiques, ou domaines, plus ou moins ordonnées, peuvent favoriser l’ancrage de protéines myristoylées ou plamitoylées comme certaines GTPases de la super famille Ras, ou certaines kinases de la famille Src et ainsi contrôler la localisation spatiale des voies de signalisation (Baird et al., 1999; Resh, 1999; Ritchie et al., 2003). Par exemple, les domaines riches en cholestérol qui s’accumulent près des adhésions recrutent la forme activée de Rac (del Pozo et al., 2004). D’autres protéines notamment celles de la famille ERM (ezrine-radixine-moesine) sont également ségrégées dans certains domaines lipidiques et leurs interactions avec les protéines du cytosquelette participent à l’organisation de la structure de l’actine corticale. Les micro-domaines lipidiques, ou rafts, contribuent donc directement à la polarisation de la cellule.

Membrane, protéines transmembranaires et corticales

Le lien entre l’actine et les glycoprotéines transmembranaires, types CD44, CD43, ou ICAM, se fait par les protéines de la famille ERM, ezrine, radixine et moesine (Tsukita et al., 1994; Yonemura et al., 1998; Bretscher et al., 2002). L’ancrage des ERM à la membrane nécessite certains lipides particuliers les phosphatidylinositol 4-5 biphosphate (PIP2) (Barret et al., 2000). PIP2 active les protéines ERM qui changent de conformation, s’insèrent dans la membrane et se lient à l’actine (Figure 2.14).

Figure 2.14

Activation de l’ezrine par PIP2 et connexion entre la membrane plasmique et le cytosquelette d’actine.(Tsukita et al., 1994; Bretscher et al., 2002; Yonemura et al., 2002)

Une fois liées à la membrane, les ERM sont activés par la Rho kinase et lient l’actine (Hirao et al., 1996; Yonemura et al., 2002). Cette activation par Rho régule également leur association avec la vinculine (Kotani et al., 1997) et joue donc un rôle essentiel dans l’assemblage des adhésions focales et de l’actine (Gilmore and Burridge, 1996; Mackay et al., 1997; Ivetic and Ridley, 2004). PIP2 apparaît donc comme un régulateur de l’énergie du lien entre l’actine corticale et la membrane plasmique (Raucher et al., 2000; Sheetz, 2001). D’autres protéines membranaires comme le cholestérol ou les glycosphingolipides régulent la fonction des intégrines (Pande, 2000). De plus, la régulation spatiale de l’activité des kinases de la famille Src (recrutement, phosphorylation) au cours de l’accrochage et de l’étalement des cellules dépend de la localisation de partenaires dans des rafts lipidiques (Shima et al., 2003). En effet, au cours de l’étalement, l’activation de l’ezrine sous la dépendance de Src a lieu avant l’activation des FAK et apparaît comme une des premières signalisations mises en place par l’adhésion (Srivastava et al., 2005). Par ailleurs, la polarisation de l’ezrine en un croissant cortical au stade 8 cellules est la première marque de la polarité au cours du développement de l’embryon de souris (Louvet et al., 1996).

Figure 2.14 La ségrégation de l’ezrine hors des zones de contact cellule-cellule lors de la compaction du stade 8 cellules est une des premières marques de la poalrité de l’embryon de souris (Louvet et al., 1996).

La composition lipidique de la membrane joue donc un rôle direct sur les complexes transmembranaires (comme les adhésions décrites précédemment mais aussi des glycoprotéines) et la régulation de leur lien avec l’actine par les RhoGTPases.

Membrane et polarité

Les interactions entre les glycroprotéines membranaires et l’actine via les RhoGTPases contribuent à l’établissement de la polarité corticale. Par exemple, CD44 se localise sur la membrane apico-basale de MDCK en épithélium et y stabilise l’actine (Oliferenko et al., 1999). Plus généralement, l’interaction de CD44 avec l’acide hyalorunique présent dans la matrice extra-cellulaire provoque l’activation de Rac et la formation de lamellipodes (Oliferenko et al., 2000).

Les lymphocytes T se polarisent dans la direction de leur migration en créant un lamellipode à l’avant et un uropode à l’arrière. Cette polarité membranaire est révélée par la présence de rafts lipidiques contenant des gangliosides (un type particulier de sphingolipides) GM3 à l’avant et des GM1 à l’arrière (Gomez-Mouton et al., 2001). L’uropode des lymphocytes, riche en CD44, contient notamment des protéines de la famille ERM. La localisation de l’ezrine dans l’uropode dépend de sa phosphorylation en Thr567. Cette activation de l’ezrine sera utilisée comme marqueur de polarité dans les analyses de cellules contraintes sur micro-patrons adhésifs. Y27632, un composé synthétique qui inhibe la Rho kinase, défait l’uropode mais pas le cap de CD44 (Lee et al., 2004). Ce résultat pourra être utilisé pour interpréter certaines des observations sur les effets de Y27632 au cours des divisions.

Chez les neutrophiles le cytosquelette d’actine corticale participe à la ségrégation de CD16 à l’avant et CD44 et GM1 à l’arrière (Seveau, 2001). De même les gangliosides GM1 se localisent à l’arrière des cellules endotheliales en migration (Vasanji et al., 2004). Par contre les GM1 ont été observés à l’avant d’adenocarcinome humain MCF-7 (Manes et al., 1999).

En plus d’être ainsi le siège d’une polarité biochimique, la membrane plasmique est

polarisée mécaniquement (Ghosh et al., 2002). Les coefficients de diffusion de certains

lipides (mesurées par FRAP) ne sont pas identiques dans toute la membrane. Cette résistance au mouvement dans la membrane, appelée microviscosité, participe à la stabilisation locale de certaines protéines. La membrane est fluide partout et un peu plus visqueuse à l’avant (Vasanji et al., 2004). Le cholestérol augmente la viscosité de la membrane plasmique. Cette augmentation vers une valeur optimale favorise la formation de protrusions larges (lamellipode) à l’avant par rapport à des protrusions plus fines (filopodes) ailleurs et dirige ainsi la polarisation du mouvement. Cette polarisation peut être réduite voire même inversée par le retrait du cholestérol de la membrane avec la cyclodextrine.

Les protéines corticales les plus étudiées pour leur rôle dans la polarité sont les

protéines PAR. Elles furent initialement identifiées dans l’œuf de Caenorhabditis elegans où

elles se distribuent asymétriquement au cours des premières divisions (cf chapitre3). Elles se distribuent également asymétriquement dans les cellules épithéliales des organes en développement de C elegans (Leung et al., 1999). PAR3 est apical et exclu des contacts cellule-cellule, alors que PAR2 est basolatéral. Sans les protéines PAR les cellules de Caenorhabditis elegans au stade 4 cellules ont des défauts de polarité, de contact cellule-cellule et d’asymétrie apico-basale ((Nance et al., 2003) et références). L’homologue de Par1 chez les mammifères organise aussi la polarité des MDCK en épithélium et l’organisation des microtubules (Cohen et al., 2004). L’homologue de Par6 lie Par3 et aPKC avec Cdc42 un acteur majeur de la polarité cellulaire (Joberty et al., 2000). Le complexe Par3/Par6 est donc impliqué dans la polarité par l’intermédiaire de la signalisation par Cdc42/Rac1 et aPKC (Lin et al., 2000). Les protéines PAR affectent la polarité interne en modulant l’activité des

I-4 Microtubules