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CHAPITRE 2 - ORGANISATION INTERNE DES CELLULES ET POLARITE EN

I- 2 Actine

Figure 2.8 Les monomères d’actine sont polarisés. Ils s’associent pour former des polymères linéaires ou branchés. Ces polymères sont dynamiques, ils s’assemblent et se désassemblent en permanence. De nombreuses protéines s’associent à l’actine pour moduler ou guider cette dynamique.

(Revenu et al., 2004)

La polymérisation de l’actine (Figure 2.8) permet la formation de diverses structures

intracellulaires. Les fibroblastes et les cellules épithéliales en culture développent deux types

de structures basées sur les filaments d’actine : un réseau branché, dans les protrusions membranaires (lamellipodes et filopodes), et des câbles, alignés parallèlement dans les fibres de stress. Si les protrusions semblent être générées dans un espace plutôt fluide et déformable de la cellule, les fibres de stress témoignent d’une contractilité élevée et sont le support de toute la traction que la cellule développe sur le substrat. Les premières sont stimulées par l’action de Rac alors que les secondes par celle de RhoA, ces deux types de RhoGTPases s’inhibant mutuellement les protrusions et les fibres de stress sont deux assemblages antagonistes et exclusifs (Wadsworth, 1999; Waterman-Storer and Salmon, 1999). Parallèlement, les filaments d’actine forment une sorte de gel, réticulé par des moteurs, le long de la membrane plasmique dans laquelle il est ancré. L’ensemble forme ce que l’on appelle le cortex cellulaire. Cette coque d’actine sert d’ancrage et de stabilisation pour de nombreuses protéines près de la membrane.

Fibre de stress et contractilité

Les fibres de stress sont ancrées sur le substrat à leur deux extrémités par des adhésions focales comme des tendons relient les muscles aux os (Sastry and Burridge, 2000).

Figure 2.10 Fibres de stress. Fibroblaste d’embryon de rat. Actine en rouge, vinculine (adhésions focales) en vert (Sastry and Burridge, 2000).

Au cours de l’étalement des cellules sur un nouveau substrat, les structures d’actine et de vinculine se construisent ensemble en une boucle rétroactive (Bershadsky, 1995). Le réseau adhésions-fibres de stress s’établit par des mouvements de translation des adhésions et de mise bout à bout de petits complexes actine-adhésion (Zimerman et al., 2004).

La fibre de stress est un élément contractile (Burridge Nature 81). Les myosines pontent les filaments entre eux et les font glisser les uns par rapport aux autres ce qui contracte l’ensemble de la fibre. Si on augmente pharmacologiquement l’activité des myosines, la fibre se contracte de façon non homogène sur toute sa longueur et les adhésions grossissent en se déplaçant de façon centrifuge. Les extrémités de la fibre où les myosines sont plus nombreuses se rétrécissent. Dans sa partie centrale les myosines et l’α-actinine (localisée sur les adhésions et sur la fibre) s’échangent plus rapidement avec le cytoplasme, l’espacement entre les zones riches en actinine et en myosine devient plus large et la fibre s’allonge (Peterson et al., 2004). L’inhomogénéité de la distribution des contraintes au sein d’une fibre et le mouvement centrifuge des adhésions sont prédictibles par des théories basées sur le frottement visqueux le long de la fibre et la diffusion des intégines libres (Kruse and Julicher, 2000; Novak et al., 2004).

L’activité des myosines est sous le contrôle de ROCK, la Rho kinase, qui peut inhiber l’enzyme qui réduit l’activité des myosines, la phosphatase des myosines (Ridley and Hall, 1992). L’inhibition de ROCK fait disparaître la contractilité et réduit fortement le diamètre des fibres de stress, alors que son activation l’augmente (Katoh et al., 2001; Etienne-Manneville and Hall, 2002). Une tension externe stimule ROCK et l’activité des myosines, ce qui a pour effet d’augmenter la contractilité des fibres de stress et la taille des adhésions focales (Sastry and Burridge, 2000). Il existe donc une rétroaction positive entre la tension externe et la contraction des fibres de stress qui dépend donc de Rho.

En permanence, la cellule palpe son environnement (Dunn et al., 1997; Giannone et al., 2004) : En fonction de la rigidité rencontrée la cellule se contracte ou se détend. Par ce mécanisme, la cellule adapte sa rigidité à celle de son environnement (Wang et al., 1993; Wang and Ingber, 1994; Zhelev and Hochmuth, 1995; Brown et al., 1998). Sur une boite de

Pétri, la cellule est donc dans son état de contractilité maximal. Ces conditions sont donc

très particulières et ont certainement des conséquences importantes sur la dépense énergétique de la cellule. Au sein des tissus la rigidité est bien moindre que sur une boite en plastique, les adhésions sont donc moins grosses, les fibres de stress moins proéminentes et la forme des cellules plus dendritique (Grinnell, 2003). Cette contractilité en culture amplifie le niveau

d’activation de Rho ce qui augmente le rythme de division des cellules (Rosenfeldt and

Grinnell, 2000; Graf et al., 2002). Les tumeurs sont des amas cellulaires très durs. Cette rigidité va de pair avec l’élévation de la quantité d’adhésion. La rétroaction positive entre adhésion, contractilité et croissance a certainement facilité l’obtention des premières cellules en culture, celles d’Henrietta Lacks (photo), à l’Hopital John Hopkins en 1951, car leur capacité à coller leur a permis de s’accrocher au verre des tubes à essais (voir le film La fabuleuse histoire d’Henrietta Lacks). En plus des facteurs de croissance présents dans le milieu de culture, l’adhésion et la contraction stimulent la division et conditionnent la survie des cellules qui autrement entreraient en apoptose. Ce mécanisme contribue certainement à la croissance des tumeurs car leur

rigidité amplifie la fréquence des division des cellules saines environnantes (Paszek et al., 2005). La stimulation inopinée de la division de cellules autour d’une cellule anormalement sur-contractée pourrait même participer à l’apparition des tumeurs.

Protrusions membranaires, lamellipodia

Une protrusion est produite par la polymérisation des monomères d’actine en un réseau branché, le bout "-" étant fixe sur le substrat ou l’adhésion et le bout "+ " en train de recevoir de nouveaux monomères et de déformer la membrane (Theriot, 2000). La polymérisation de l’actine en un réseau branché pousse et déforme la membrane. Ceci donne lieu soit à des protrusions filiformes (filopodes) soit à des feuillets ou volants nommés « ruffles ».

Figure 2.11 Fibroblastes de souris, L929, formant de nombreuses « ruffles ».

La formation de ces protrusions est gouvernée par l’activation de la GTPase Rac (Ridley et al., 1992). La localisation des protrusions est associée à celle des adhésions. En effet, il existe un lien moléculaire direct entre la vinculine (adhésion focale) et Arp2/3 qui ponte les filaments d’actine au niveau des branchements du réseau et stimule sa croissance (DeMali et al., 2002; DeMali and Burridge, 2003). De plus, les adhésions naissantes activent Rac et donc stimule la croissance des protrusions (DeMali and Burridge, 2003). Une boucle de rétroaction locale semble, là aussi, impliquée car même lorsque Rac est activé partout il ne peut lier ses effecteurs qu’au niveau des intégrines (del Pozo et al., 2002). Cette association adhésion-protrusion est également argumentée dans la discussion de Parker et ses collègues après leur observation des protrusions dans les angles des cellules carrées (Parker et al., 2002). Ils y décrivent également qu’il faut envisager un couplage entre protrusion et tension puisque si la contractilité est inhibée la migration disparaît (Bourguignon et al., 1999; Itoh et al., 1999; Kishi et al., 2000) bien que Rac soit amplifié (Moorman et al., 1999; Rottner et al., 1999; Cox et al., 2001).

L’activation de Src par les adhésions engendre aussi directement la polymérisation de l’actine et la formation de protrusions (Angers-Loustau et al., 2004). En effet la cortactine, qui est impliquée dans le formation des protrusions, est un des substrat de Src (Weed and Parsons, 2001; Daly, 2004). De manière plus générale, la cortactine est impliquée dans le remodelage du cytosquelette une fois activée par Src (Figure 2.12) (Lua and Low, 2005).

Figure 2.12 La cortactine est impliquée dans le remodellage de l’actine et la formation de protrusions membranaire. Son activité est régulée par les tyrosines kinases de la famille Src (Lua and Low, 2005).

La cortactine active Arp2/3 et WASP (qui est un régulateur d’Arp2/3) (Kowalski et al., 2005). Par ailleurs, elle restreint la localisation spatiale de WASP. Sans cortactine, beaucoup de protrusions apparaissent mais sans aucune restriction spatiale. Ceci suggère que la cortactine est impliquée dans la polarisation de la cellule par le contrôle qu’elle effectue de l’extension de l’activation d’Arp2/3 par WASP et de la stabilisation de l’actine (Kempiak et al., 2005). Cela explique le rôle critique de la cortactine dans la persistance du lamellipode (Bryce et al., 2005).

La contraction des fibres de stress est donc sous le contrôle de Rho et la polymérisation de l’actine dans les protrusions sous celui de Rac. L’exclusion mutuelle de ces deux RhoGTPases polarise la cellule.