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Polarisation d’un photon

Dans le document Physique quantique (Page 95-101)

Polarisation : photon et spin 1/2

3.1 Polarisation de la lumière et polarisation d’un photon

3.1.2 Polarisation d’un photon

En résumé, nous avons montré qu’à un état de polarisation quelconque on peut faire corrrespondre un vecteur unitaired’un espace à deux dimensionsH.

Les vecteurs |Φ et exp(iβ)|Φ représentent le même état de polarisation. En toute rigueur, on fait donc correspondre à un état de polarisation un vecteur à une phase près.

3.1.2 Polarisation d’un photon

Nous allons maintenant montrer que le formalisme mathématique utilisé ci-dessus pour décrire la polarisation d’une onde lumineuse se transpose sans modification à la description de la polarisation d’un photon. Cependant, cette identité du formalisme mathématique ne doit pas masquer que l’interpéta-tion physique subit une modifical’interpéta-tion radicale. Reprenons l’expérience de la figure 3.2 et diminuons l’intensité lumineuse de telle sorte que les photons puissent être enregistrés individuellement par des photomultiplicateursDx et Dy détectant respectivement les photons polarisés suivantOxet ceux polari-sés suivantOy. On observe alors

que seul un des deux photomultiplicateurs est déclenché par un photon incident sur la lame. Comme les neutrons du chapitre 1, les photons arrivent entiers, ils ne se divisent jamais !

que la probabilitépx(py) de déclenchement deDx (Dy) par un photon incident sur la lame estpx= cos2θ (py= sin2θ).

On doit nécessairement observer ce résultat si l’on veut retrouver l’optique le sortindividueld’un photon ne peut pas être prédit : on connaît seulement saprobabilitéde détection parDxouDy. En physique quantique, les probabi-lités sont associées à des systèmes quantiquesindividuelsalors qu’en physique classique les probabilités sont associées à des ensembles, et le recours aux pro-babilités est une façon de prendre en compte la complexité de phénomènes que nous ne pouvons pas (ou ne voulons pas) connaître dans le détail. Par exemple, dans le jeu de pile ou face, la connaissance parfaite des conditions initiales du lancer de la pièce, la prise en compte de la résistance de l’air, de la configuration du sol d’arrivée, etc. permettraient en théorie de prévoir le résultat. Quelques physiciens(dont de Broglie, Bohm, etc.) ont proposé que le caractère probabiliste de la mécanique quantique avait une origine analogue : si nous avions accès à des variables supplémentaires, inconnues pour le mo-ment, et appelées pour cette raison variables cachées, alors nous pourrions prédire avec certitude le sort individuel de chaque photon. Cette hypothèse de variables cachées est d’une certaine utilité dans les discussions des fonde-ments de la physique quantique. Toutefois nous verrons au chapitre 6 que, moyennant des hypothèses très plausibles, de telles variables sont exclues par l’expérience. En résumé, la connaissance de l’état de polarisation d’un photon permet de déterminer la probabilité qu’il soit transmis par un analyseur : cette probabilité est attachée individuellement à chaque photon, mais pour vérifier cette loi de probabilité, il faut effectuer un grand nombre d’expériences sur des photons tous dans le même état. En théorie classique des probabilités, chaque individu de l’ensemble est dans un état où tous ses paramètres sont déterminés, même s’ils nous sont inconnus, mais ce n’est pas le cas en physique quantique. Nous aurons l’occasion de revenir sur cette question au chapitre 6.

Cependant la seule donnée de probabilités ne fournit qu’une description très incomplète de la polarisation d’un photon. Une description complète re-quiert l’introduction d’amplitudes de probabilité, et non simplement de proba-bilités. Les amplitudes de probabilité, notéesa(nous soulignons la différence entre les amplitudes ondulatoires de la sous-section précédente et les ampli-tudes de probabilité en utilisant une notation différente : a au lieu de a), sont des nombres complexes, et les probabilités sont données par leur module carré |a|2. Pour mettre en évidence le caractère incomplet de la seule don-née des probabilités, reprenons le dispositif de la figure 3.3. Entre les deux

4. Cet énoncé est correct, mais nous passons pour le moment sous silence des problèmes qui seront examinés dans les sections 11.4 et 15.4 : certains effets physiques sont différents, selon que l’on a affaire àNphotons isolés arrivant un par un, à un état cohérent contenant une moyenne deN photons ou à un état de Fock àNphotons.

lames, un photon suit soit le trajet du rayon extraordinaire polarisé suivant Ox, étiqueté « trajet x», soit le trajet du rayon ordinaire polarisé suivant Oy, étiqueté « trajet y». Dans un raisonnement purement probabiliste, un photon suivant le trajetxaurait une probabilitécos2θcos2αd’être transmis par l’analyseur, et le photon suivant le trajet y une probabilitésin2θsin2α, ce qui donnerait une probabilité totale

ptot= cos2θcos2α+ sin2θsin2α (3.20) qu’un photon soit transmis par l’analyseur. Ce n’est pas ce que donne l’ex-périence, qui confirme le résultat établi précédemment par un raisonnement ondulatoire

ptot= cos2−α)

Il faut raisonner en amplitudes de probabilité, comme nous l’avons fait pour l’amplitude d’une onde : les amplitudes de probabilité sont données par les mêmes règles que les amplitudes ondulatoires, ce qui garantit que les résul-tats de l’optique sont reproduits lorsque le nombre de photons N → ∞.

L’amplitude de probabilité pour qu’un photon linéairement polarisé suivant la direction nˆθ soit polarisé suivant la direction nˆα est donnée par (3.4) : a(θ α) = cos(θ−α) = ˆnθ ·nˆα. On obtient le tableau suivant pour les amplitudes de probabilité intervenant dans l’expérience de la figure 3.3

a(θ→x) = cosθ a(x→α) = cosα a(θ→y) = sinθ a(y→α) = sinα

Cet exemple permet d’illustrer les règles qui régissent les combinaisons d’amplitudes de probabilité. L’amplitude de probabilitéaxpour que le photon incident suivant le trajetxsoit transmis par l’analyseur est

ax=a(θ→x)a(x→α) = cosθcosα

Cette expression met en évidence la règle de factorisation des amplitudes : ax est le produit des amplitudes a(θ x) et a(x α). Cette règle de factorisation garantit que la règle correspondante pour les probabilités est bien vérifiée. On a de même

ay=a(θ→y)a(y→α) = sinθsinα

Si la configuration de l’expérience ne permet pas de savoir quel trajet a suivi le photon, alors on doit ajouter les amplitudes. L’amplitude de probabilité totale pour que le photon soit transmis par l’analyseur est donc

atot =ax+ay= cosθcosα+ sinθsinα= cos(θ−α) (3.21) et la probabilité correspondantecos2−α), en accord avec le résultat (3.5) de l’optique classique. S’il existe une possibilité de distinguer entre les deux

trajets, alors les interférences sont détruites et il faut ajouter les probabilités suivant (3.20).

Les règles de combinaison des amplitudes de probabilité étant les mêmes que pour les amplitudes ondulatoires, ces règles seront satisfaites si l’on dé-crit l’état de polarisation d’un photon par un vecteur unitaire dans un espace vectoriel à deux dimensions H, appelé espace des états, dans le cas présent l’espace des états de polarisation. Lorsqu’un photon est polarisé linéairement suivantOx(Oy), nous ferons correspondre à son état de polarisation un vec-teur|x (|y ) de cet espace. Un tel état de polarisation est obtenu en faisant passer le photon à travers un polariseur linéaire orienté suivantOx(Oy). La probabilité qu’un photon polarisé suivantOx soit transmis par un analyseur orienté suivantOyest nulle : l’amplitude de probabilitéa(x→y) = 0. Inver-sement, la probabilité qu’un photon polarisé suivantOx ouOy soit transmis par un analyseur dans la même direction est égale à un

|a(x→x)|=|a(y→y)|= 1 a(x→y) =a(y→x) = 0

Ces relations sont satisfaites si|x et |y forment une base orthonormée deH et si nous identifions les amplitudes de probabilité aux produits scalaires

a(x→x) =x|x = 1 a(y→y) =y|y = 1 a(y→x) =x|y = 0 (3.22) L’état de polarisationlinéairele plus général est un état dont la polarisation fait un angleθavecOx; cet état sera représenté par le vecteur

= cosθ|x + sinθ|y (3.23) Les équations (3.22) et (3.23) assurent que les amplitudes de probabilité écrites précédemment sont correctement données par les produits scalaires, par exemple

a(θ→x) =x|θ = cosθ ou en général, si est un état de polarisation linéaire

a(θ→α) =α|θ = cos(θ−α)

L’état de polarisation le plus général sera décrit par un vecteur unitaire, appelévecteur d’état

|Φ =λ|x +μ|y |λ|2+|μ|2= 1

Comme dans le cas ondulatoire, les vecteursetexp(iβ)|Φ représentent le même état physique : un état physique est représenté par un vecteur à une phase près dans l’espace des états.L’amplitude de probabilité pour trouver un état de polarisation dans sera donnée par le produit scalaireΦ|Ψ , et la projection sur un état de polarisation déterminé sera réalisée par le dispositif décrit à la sous-section précédente. En résumé, nous avons illustré

sur un exemple concret, celui de la polarisation d’un photon, la construction de l’espace de Hilbert des états de polarisation.

La polarisation d’un photon est un exemple depropriété physique quan-tique. L’interprétation d’une propriété physique quantique diffère radicale-ment de celle d’une propriété physique classique. Nous allons l’illustrer en examinant la polarisation d’un photon. Nous nous limiterons dans un premier temps au cas le plus simple des états de polarisation linéaire. À l’aide d’un polariseur linéaire orienté suivantOx, préparons un ensemble de photons tous dans un état de polarisation linéaire|x : les photons arrivent un par un sur le polariseur, et seuls ceux dont la polarisation est parallèle àOxsont transmis.

C’est la phase depréparation du système quantique, où l’on ne conserve donc que les photons ayant traversé le polariseur orienté suivantOx. La phase sui-vante, ouphase de test, consiste à tester cette polarisation en faisant passer le photon dans un analyseur linéaire : si cet analyseur est parallèle à Ox, les photons sont transmis avec une probabilité un, s’il est parallèle à Oy avec une probabilité nulle. Dans les deux cas le résultat du test peut être prédit avec certitude. La propriété physique « polarisation d’un photon préparé dans l’état|x » prend des valeurscertainessi l’on choisit la base{|x,|y }pour le test.

En revanche, si nous utilisons des analyseurs orientés dans la directionnˆθ, correspondant à l’état (3.23), et dans la direction perpendiculaire ˆnθ, correspondant à l’état

=sinθ|x + cosθ|y (3.24) nous pouvons seulement prédire une probabilité de transmission |θ|x |2 = cos2θ dans le premier cas et |x |2 = sin2θ dans le second. La propriété physique « polarisation du photon dans l’état |x » n’a pas de valeur certaine dans la base {|θ ,|θ }. Autrement dit, la propriété physique polarisation est attachée à une base déterminée, et les deux bases {|x,|y }et {|θ ,|θ } sont dites incompatibles (sauf pour θ = 0 et θ = π/2). Un cas intéressant de bases incompatibles est celui des bases complémentaires : dans un espace de Hilbert de dimension N, deux bases |n et sont complémentaires si

|α|n |2= 1/N, quels que soient|n et. Les bases de polarisation linéaires {|x,|y } et {|θ ,|θ } pour θ = π/4 sont complémentaires ; de même une base de polarisation circulaire {|D ,|G } (3.11) est complémentaire de toute base de polarisation linéaire{|θ ,|θ }.

La discussion précédente mérite d’être précisée sur deux points. Tout d’abord, il est clair que l’on ne peut pas déterminer la polarisation d’un photon isolé. Le test de polarisation suppose que l’on dispose d’un nombreN 1de photons préparés dans des conditions identiques. Supposons que l’on prépare N photons dans un certain état de polarisation et qu’on les teste en orien-tant un analyseur linéaire suivant Ox; si on constate dans la limite des imperfections du dispositif expérimental que les photons traversent l’ana-lyseur avec une probabilité de 100 %, on pourra en déduire que les photons

ont été préparés dans l’état |x. L’observation d’un seul photon ne permet évidemment pas d’arriver à cette conclusion, sauf si on connaît par avance la base dans laquelle il a été préparé. Le second point est que si les photons sont transmis avec une probabilitécos2θ, on ne pourra pas en déduire qu’ils ont été préparés dans l’état de polarisation linéaire (3.23). En effet on observera la même probabilité de transmission si les photons ont été préparés dans l’état de polarisation elliptique (3.12), avec

λ= cosθeiδx μ= sinθeiδy

et il faut effectuer une autre série d’expériences avec une orientation différente de l’analyseur pour mesurer les phases (exercice 3.3.1). Seul un test dont les résultats ont une probabilité 0 ou 1 permet de déterminer sans ambiguïté l’état de polarisation des photons.

Dans la représentation (3.14) des vecteurs de base de H, les projecteurs Px etPy sur les états|x et|y sont représentés par les matrices

qui commutent :[Px,Py] = 0. Les deux opérateurs sont compatibles suivant la définition du § 2.3.3. Les projecteursPθetPθque l’on calcule immédiatement à partir de (3.15) sont donnés par

Pθ=

Ils commutent entre eux, mais ne commutent ni avec Px, ni avec Py : Px et Pθ par exemple sont incompatibles. La commutation (ou la non-commutation) d’opérateurs traduit mathématiquement la compatibilité (ou la non-compatibilité) de propriétés physiques.

Un autre choix de base consiste à utiliser les états de polarisation circulaire droite|D et gauche|G (3.11). La base{|D ,|G }est incompatible avec toute base formée avec des états de polarisation linéaire (et même complémentaire de ces bases). Les projecteursPDetPG sur les états de polarisation circulaire sont AvecPD etPG on forme l’opérateur hermitique remarquableΣz

Σz=PD− PG= 0 i

i 0

(3.26) Cet opérateur a pour vecteurs propres les états |D et |G dont les valeurs propres respectives sont +1 et1

Σz|D =|D Σz|G =−|G (3.27)

Ce résultat suggère d’associer à la propriété physique « polarisation circu-laire » un opérateur hermitien Σz dont les vecteurs propres sont|D et |G . Nous verrons au chapitre 10 que Σz = Jz est l’opérateur représentant la propriété physique composante suivantOzdu moment angulaire (ou spin) du photon. Nous verrons également que exp(−iθΣz) est l’opérateur qui effectue des rotations d’un angleθautour de l’axeOz. Un calcul simple (exercice 3.3.3) donne en effet

exp(iθΣz) =

cosθ−sinθ sinθ cosθ

(3.28) et exp(−iθΣz)transforme bien l’état|x en l’étatet |y en

exp(iθΣz)|x = exp(iθΣz)|y = (3.29)

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