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Un peu d’histoire

Dans le document Physique quantique (Page 37-42)

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1.3 Un peu d’histoire

1.3.1 Le rayonnement du corps noir

Un objet chaud comme un fer chauffé au rouge, ou le Soleil, émet un rayonnement électromagnétique avec un spectre de fréquences qui dépend de la température. La puissance émise u(ω, T) par unité de fréquence ω et de surface dépend de la température absolueT de l’objet. Un raisonnement pu-rement thermodynamique permet de montrer que si l’objet est parfaitement absorbant, ce qui en fait uncorps noir, alorsu(ω, T)est une fonction univer-selle, indépendante de l’objet pour une température donnée. Une très bonne réalisation d’un corps noir pour la lumière visible est une petite ouverture dans une enceinte dont l’intérieur est peint en noir : un rayon lumineux péné-trant dans l’enceinte n’a pratiquement aucune chance d’en ressortir, puisqu’à chaque réflexion il a une bonne probabilité d’être absorbé par la paroi inté-rieure de l’enceinte (figure 1.4).

Supposons l’enceinte chauffée à la températureT : les atomes de la paroi émettent et absorbent du rayonnement électromagnétique, et il s’établit à l’équilibre thermodynamique un système d’ondes stationnaires dans la cavité.

Si la cavité est un paralléłépipède de côtés Lx, Ly et Lz, et si nous utilisons des conditions aux limites périodiques, le champ électrique sera de la forme E0exp[i(k·r−ωt)], le vecteur d’ondekperpendiculaire àE0étant de la forme

20. Ainsi Schrödinger écrivait en 1952 :Nous n’expérimentons jamais juste avec un seul électron ou une seule (petite) molécule. Dans les expériences de pensée, nous supposons parfois que nous le faisons : ceci entraîne invariablement des conséquences ridicules. . .On peut dire à juste titre que nous n’expérimentons pas plus avec des particules isolées que nous n’élevons d’ichtyosaures dans un zoo.(Schrödinger [1952]).

Fig.1.4 –Enceinte pour le rayonnement du corps noir.

où(nx, ny, nz)sont des nombres entiers positifs ou négatifs etω=c|k|=ck.

On montre que chaque onde stationnaire se comporte comme un oscillateur harmonique21 de fréquence ω dont l’énergie est proportionnelle au carré de l’amplitude, et donc à E02. D’après la loi de Boltzmann (1.12), la probabilité que cet oscillateur ait une énergie E comprend un facteur exp(−E/kBT) = exp(−βE). En fait, dans ce cas, la densité de niveauxD(E)(cf.note 16) est une constante22, et l’énergie moyenne de cet oscillateur est simplement

E =

dE Eexp(−βE) dEexp(−βE) =

∂βln

dE exp(−βE)

=

∂βln1 β = 1

β =kBT (1.14)

L’énergie moyenne de chaque onde stationnaire est kBT. Comme le nombre d’ondes stationnaires possibles est infini, l’énergie dans l’enceinte est infinie !

On relie facilement u(ω, T) à la densité d’énergie (ω, T) par unité de fréquence dans l’enceinte (exercice 1.6.2)

u(ω, T) = c

4(ω, T) (1.15)

et on est ramené au calcul de(ω, T), dont on déduit la densité d’énergie (T) =

0

dω (ω, T) (1.16)

La thermodynamique permet de montrer la loi d’échelle (ω, T) =ω3ϕ

ω

T (1.17)

21. Ceci sera expliqué au § 11.3.1.

22. L’intégration sur l’espace de phase pour l’oscillateur harmonique classique à une dimension donne en effet, pour une fonction arbitrairef(E)(exercice 1.6.2)

dxdp δ

E p2

2m 1 22x2

f(E) = ω f(E) xetpétant la position et l’impulsion.

où la fonction ϕest indépendante de la forme de l’enceinte, mais elle ne dit rien sur la forme explicite de la fonction ϕ. Essayons de la déterminer à un facteur multiplicatif près par analyse dimensionnelle : a priori, (ω, T) ne peut dépendre que de ω, dec, de l’énergie disponible dans le problèmekBT et d’une constante sans dimensionA que l’analyse dimensionnelle ne permet pas de fixer. La seule solution possible est (exercice 1.6.2)

(ω, T) =Ac3(kBT2=ω3 ce qui est bien de la forme (1.17). On retrouve le fait que la densité d’énergie dans l’enceinte est infinie

La mécanique statistique permet de calculerA(exercice 1.6.2), mais ne résout en rien le problème de l’énergie infinie, et l’analyse dimensionnelle suggère fortement que le rayonnement du corps noir ne peut s’expliquer que si l’on accepte d’introduire une nouvelle constante physique.

Parmi toutes les hypothèses conduisant au résultat inacceptable d’une énergie infinie, Planck remet en cause celle qui conduit au calcul (1.14) de l’énergie moyenne d’un oscillateur23: au lieu de supposer queEpeut prendre toutes les valeurs possibles entre zéro et l’infini, il admet que cette énergie ne peut prendre que des valeurs discrètesEn qui sont des multiples entiers de la fréquence ω de l’oscillateur, avec un coefficient de proportionnalité

En=n(ω) n= 0,1,2, . . . (1.19) La constante est appelée constante de Planck; plus exactement, c’est la constante de Planckhdivisée24par2π: =h/(2π). La constante de Planck se mesure en J.s : elle a pour dimensionML2T1et elle a pour valeur numé-rique

1.055×1034J.s ou h6.63×1034J.s

23. En réalité, Planck a appliqué son raisonnement à un « résonnateur » dont la nature reste obscure. Considérer les vibrations du champ électromagnétique est plus simple et plus direct, mais constitue une entorse à la vérité historique. Notre présentation « historique », tout comme celle de la plupart des manuels, tient plus du conte de fées (Kragh [2000]) que de l’histoire réelle. De même il ne semble pas que les physiciens de la fin du XIXe siècle aient été préoccupés par le problème de l’énergie infinie, ou par l’absence d’une constante fondamentale.

24. Nous utiliserons systématiquementet nonh, et par abus de langage nous appel-lerons la constante de Planck ; la relation E =ωest bien sûr équivalente à E =hν, ν est la fréquence ordinaire, mesurée en Hz, et ωla fréquence angulaire, ou pulsation, mesurée en rad.s−1 :ω= 2πν. Comme nous utiliserons pratiquement toujoursωet jamais ν, par abus de langage nous appelleronsωla fréquence.

D’après la loi de Boltzmann, la probabilité normalisée d’observer une énergie Pour obtenir (1.20), on remarque que la sommation surnest celle d’une série géométrique. Posantx= exp(−βω) on calcule aisément la valeur moyenne E de l’énergie d’un oscillateur

E = (1−x) Cette formule permet de calculer la densité d’énergie (exercice 1.6.2)

(ω, T) = π2c3

ω3

exp(βω)1 (1.22)

et doncu(ω, T), en parfait accord avec l’expérience si l’on fixe convenablement la valeur de, et avec le résultat (1.17) de la thermodynamique. On remarque que l’approximation classique (1.18) est valable si kBT ω, c’est-à-dire pour les basses fréquences.

L’exemple le plus connu de rayonnement du corps noir est le rayonnement fossile qui remplit l’Univers25, ou rayonnement à 3 K. La distribution de fréquence de ce rayonnement suit remarquablement la loi de Planck (1.22) avec une température de2.733K (figure 1.5), mais ce rayonnement n’est plus à l’équilibre thermodynamique. Il s’est découplé des atomes environ 380 000 ans après le big-bang, c’est-à-dire la naissance de l’Univers. Au moment de ce découplage, le température était de 104K environ. Ensuite l’expansion de l’Univers a réduit cette température à la valeur actuelle de 3 K.

1.3.2 L’effet photoélectrique

Le nombre entierndans (1.19) possède une interprétation physique parti-culièrement importante : la raison pour laquelle l’énergie d’une onde station-naire de fréquence ω est un multiple entier de ω est que l’on y trouve précisément n photons (ou particules de lumière) d’énergie ω. C’est cette interprétation qui a conduit Einstein à introduire le concept de photon pour expliquer l’effet photoélectrique. Lorsqu’un métal est illuminé par un rayon-nement électromagnétique, des électrons sont arrachés au métal, avec un effet de seuil qui dépend de la fréquence, et non de l’intensité. L’expérience de

25. On trouvera un exposé remarquable du big-bang dans Weinberg [1978].

1020 FIRAS (COBE) DMR (COBE) UBC

LBL Italie Princeton Cyanogène

10 1.0 0.1

1 10 100

corps noir à 2.73 K

fréquence (Hz) longueur d’onde (cm)

1018

Fig.1.5 –Le rayonnement du corps noir à 3 K. L’axe vertical donne l’intensité du rayonnement en W.m−2.sr−1.Hz−1. On observera l’accord remarquable avec la loi de Planck pourT = 2.73K. D’après J. Rich [2002].

Millikan (figure 1.6) confirme l’interpétation d’Einstein : les électrons sont arrachés au métal avec une énergie cinétiqueEc

Ec=ω−W (1.23)

W est le potentiel d’extraction. Aucun électron de charge qe n’atteint la cathode si|qeV|> Ec. SiV0 est le potentiel pour lequel le courant s’annule

|V0|=

|qe|ω− W

|qe| (1.24)

C A +

ω W/|qe|

(a) (b)

|V0|

Fig.1.6 –L’expérience de Millikan. (a) Schéma de l’expérience. (b)|V0|en fonction deω.

et porter|V0|en fonction deωdonne une droite de pente/|qe|, et la valeur de coïncide avec celle du rayonnement du corps noir, ce qui confirme l’hypothèse d’Einstein26 : le rayonnement électromagnétique est composé de photons27.

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