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Inégalité de Heisenberg temporelle

Dans le document Physique quantique (Page 145-149)

Postulats de la physique quantique

4.2 Évolution temporelle

4.2.4 Inégalité de Heisenberg temporelle

i

En(t−t0)

cnr(t0) (4.25)

4.2.4 Inégalité de Heisenberg temporelle

Au § 3.2.5 nous avons donné une explication élémentaire de la relation entre un temps caractéristique d’évolution Δt et une dispersion sur l’éner-gie ΔE. Établissons maintenant de façon générale une inégalité sur le pro-duitΔEΔt, ouinégalité de Heisenberg temporelle. Nous allons d’abord écrire l’équation d’évolution de la valeur moyenneA ϕ(t) =ϕ(t)|A|ϕ(t) de l’opé-rateur A représentant la propriété physique A, supposée indépendante du temps

d

dtϕ(t)|A|ϕ(t) = 1

i [−ϕ(t)|HA|ϕ(t) +ϕ(t)|AH|ϕ(t) ]

= 1

iϕ(t)|AH−HA|ϕ(t) ce qui donne le théorème d’Ehrenfest

d

dtA ϕ(t) = 1

iϕ(t)|[A, H]|ϕ(t) = 1

i[A, H] ϕ (4.26) Utilisons maintenant la relation (4.10), en remplaçantB parH

ΔϕHΔϕA≥ 1

2|[A, H] ϕ|= 1 2d

dtA ϕ(t) et définissons le temps τϕ(A)par

1

τϕ(A) =dA ϕ(t) dt

1 ΔϕA

τϕ(A) est le temps caractéristique nécessaire pour que la valeur moyenne de A varie deΔϕA, c’est-à-dire d’une quantité de l’ordre de la dispersion. L’in-égalité précédente devient

ΔϕH τϕ(A) 1

2 (4.27)

ce qui est la forme rigoureuse de l’inégalité de Heisenberg temporelle. Cette inégalité est souvent écrite sous la forme

ΔEΔt >1

2 (4.28)

ΔEreprésente la dispersion en énergie etΔtun temps caractéristique d’évolu-tion15. La valeur de l’énergie ne peut être exactement fixée que si la dispersion ΔEest nulle, ce qui implique que le temps caractéristique doit être infini. Ceci n’est possible que si l’état du système est un état stationnaire. C’est le cas par exemple pour une particule élémentaire stable ou un atome dans son état fondamental, en l’absence de perturbations extérieures. En revanche un atome porté dans un état excité n’est pas dans un état stationnaire. En raison de son couplage avec les fluctuations du vide du champ électromagnétique (cf.

§ 15.3.4), il émet un photon au bout d’un temps moyenτ, appelévie moyenne de l’état excité(cf.§ 1.5.3). L’énergie du photon final présente une dispersion en énergieΔE, qui est appeléelargeur de raieet est souvent notéeΓ. Nous verrons ci-dessous que ΔE (ouΓ) et τ sont reliés par une relation qui rap-pelle l’inégalité de Heisenberg temporelle (4.28), mais qui en fait est d’origine différente

τΔE ou τΓ1 (4.29)

Donnons un ordre de grandeur typique de vie moyenne en physique atomique, en prenant comme exemple le premier niveau excité de l’atome de rubidium ; l’atome dans cet état excité revient à son état fondamental en émettant un photon de longueur d’onde λ = 0.78μm, ce qui correspond à une énergie ε = 1.6eV. La largeur de raie est Γ = 2.4×108eV, et la vie moyenne τ 1/Γ = 2.7×108s. La dispersion sur l’énergie de l’état excité est donc très faible par rapport à la différence d’énergie avec le niveau fondamental : Γ/ε 108, ce qui entraîne que l’énergie du niveau excité est définie avec une précision excellente. La relation (4.29) se généralise à toute désintégration de particules, par exemple la désintégration à deux corpsC→A+B.

Il ne faudrait surtout pas conclure de (4.28) que l’on ne peut pas mesu-rer l’énergie avec une précision meilleure que ΔE. Considérons par exemple l’énergieE du bosonZ0, vecteur de l’interaction faible (cf. § 1.1.4) dans son référentiel au repos :E=mZc2, où mZ est la masse du bosonZ0. Le boson Z0 est instable, et possède donc une largeur de raie. Celle-ci a été mesurée avec une grande précision :ΓZ = 2.4952±0.0023GeV. La précision actuelle sur la masse du Z0 est bien meilleure que ΓZ! En effet la détermination la plus précise est actuellement mZc2 = 91.1875±0.0021GeV (figure 4.3). En d’autres termes, il est possible de pointer le centre de la raie avec une précision bien meilleure que la dispersion.

Revenons maintenant à la discussion de (4.29). Soit le vecteur d’état àt= 0d’un état quantique instable, par exemple l’état excité d’un atome ou l’état d’une particule instable. Pour fixer les idées, prenons le cas du niveau excité d’un atome. Cet atome est supposé isolé d’influences extérieures, mais il ne peut pas être isolé du champ électromagnétique quantifié. Le hamiltonien H qui décrit son retour au niveau fondamental par émission spontanée d’un

15. L’inégalitéΔEΔt >a un statut différent de (4.10) dans la mesure oùtn’est pas un opérateur (exercice 4.4.5). Δtest souvent interprété incorrectement comme le temps nécessaire à la mesure de l’énergie.

mesure

barre d’erreur×10 sans corr.

avec corr.

E (GeV)

86 88 90 92 94

Γ

Fig. 4.3 – Spectre de masse du bosonZ0. La courbe en trait plein est le résultat expérimental brut. Ce résultat doit être corrigé pour tenir compte des corrections radiatives (émission de photons) exactement calculables. La courbe en pointillés donne le spectre de masse du Z0. D’après la collaboration LEP, prétirage CERN EP-2000-13 (2000).

photon est indépendant du temps. Au tempst= 0le vecteur d’état du système global est = |ψ(t = 0) (il n’y a pas de photon), et il devient |ψ(t) au temps t : |ψ(t) décrit l’évolution de l’ensemble atome + champ, et cette évolution obéit à (4.11) dans l’espace des états atome + champ

|ψ(t) = exp

iHt

(4.30)

Soit|n une base d’états propres deH,H|n =En|n ; on note quen’est pas un tel état propre, car il n’est pas stationnaire. La probabilité p(t) de trouver l’atome au temps tdans son état excité, ouprobabilité de survie, est

p(t) =|c(t)|2=|ϕ|ψ(t) |2=|ϕ|e−iHt/|ϕ |2 (4.31) Il est possible de montrer (exercice 4.4.5) l’inégalité suivante

p(t)cos2 tΔH

0≤t≤ π

2ΔH (4.32)

oùΔH = (H2 −H 2)1/2est la dispersion deHcalculée dans l’état|ϕ . Pour des raisons que nous verrons dans un instant, cette inégalité n’est pas très utile

en pratique. En insérant dans (4.31) la relation de fermeture

|n n|=Ion obtient pour l’amplitude de probabilitéc(t)

c(t) =

n

|ϕ|n |2e−iEnt/

Soitw(E)la tranformée de Fourier de c(t), ou fonction spectrale w(E) =

On remarque que la fonction spectrale w(E) est positive : w(E) 0. Il est immédiat de calculer les valeurs moyennes deH et deH2

H =

L’approximation de Wigner et Weisskopf (annexe B) montre qu’une forme approchée de w(E)est

w(E) =Γ 2π

1

(E−E0)2+2Γ2/4 (4.35) de sorte que, par transformée de Fourier inverse,

c(t) =e−iE0t/eΓt/2 (4.36) la probabilité de survie

p(t) =|c(t)|2eΓt (4.37) est (approximativement) une exponentielle. Insistons sur le fait que la forme (4.35) est seulement approchée, et que les loi (4.36) et (4.37) ne peuvent pas être exactes. L’inégalité (4.32) montre qu’elle ne peut pas être valable pour des temps trop courts, et on s’attend aussi à des déviations pour des temps très longs. L’argument développé ci-dessus montre aussi que la largeur de raie ΔE n’est en rien liée à la dispersion ΔH. En fait la forme lorent-zienne (4.35) donne une dispersion infinie, ce qui est difficilement acceptable car cela voudrait dire quen’appartient pas au domaine deH, et l’équation d’évolution (4.11) ne pourrait pas exister16. En fait, on peut montrer que la loi exponentielle est approximativement valable17 pourvu queΔEΔH.

16. Voir la note 14.

17. Les conditions de validité de la loi exponentielle sont examinées par Peres [1980].

La relation (4.28) permet aussi de discuter la notion de « particules vir-tuelles ». Il est possible d’interpréter les processus de la théorie quantique des champs en termes d’échanges de particules virtuelles : par exemple l’interac-tion coulombienne dans l’atome d’hydrogène correspond à l’échange de pho-tons virtuels entre un proton et un électron. Ces processus ne correspondent pas à une réaction observable entre particules, car les particules virtuelles ne peuvent pas obéir à la fois à la conservation de l’énergie-impulsion et à la condition reliant énergie-impulsion et masse : E2 = p2c2 +m2c4. Prenons l’exemple des interactions entre nucléons, ou interactions fortes (cf.§ 1.1.4), dont Yukawa imagina vers 1935 qu’elles étaient dues à l’échange d’une parti-cule encore inconnue à l’époque, et que nous appelons aujourd’hui méson π.

Cet échange est représenté sur la figure 4.4 par un « diagramme de Feynman ».

Le proton de gauche (p) émet un mésonπ+ et se transforme en neutron (n), tandis que le neutron de droite absorbe ce méson π+ et se transforme en proton. La conservation de l’énergie-impulsion interdit la réaction

p→n+π+

Si l’impulsion est conservée, alors l’énergie ne peut pas l’être. En revanche, si l’on admet que la réaction ne dure qu’un temps très courtΔt, alors il est possible de tirer parti d’une fluctuation d’énergie ΔE /Δt. La fluctua-tion d’énergie nécessaire pour que la réacfluctua-tion soit possible est ΔE ∼mπc2, où mπ est la masse du méson π+. Dans l’intervalle de temps Δt, le méson peut parcourir au maximum une distance18 cΔt /(mπc), la longueur d’onde Compton du méson π. Cette distance représente la portée maximale r0 des forces nucléaires (cf. § 1.1.4), qui est de l’ordre de 1 fm. Yukawa fut donc capable de prédire l’existence d’une particule ayant une masse de l’ordre de /(cr0) 200 MeV, et le méson π fut effectivement découvert quelques années plus tard avec une masse de 140 MeV. Le méson π échangé dans la figure 4.4 n’est pas observable : il est virtuel. On sait aujourd’hui que les forces nucléaires ne sont pas fondamentales, et qu’elles sont dérivées de forces fondamentales entre quarks. L’argument de Yukawa reste néanmoins valable, car on peut écrire une théorie effective des forces nucléaires, avec échange de mésons, et leur portée maximale est déterminée par le méson le plus léger, qui est le mésonπ. Le photon étant de masse nulle, la portée des forces élec-tromagnétiques est infinie : comme nous l’avons noté au § 1.1.4, le potentiel coulombien est à longue portée.

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