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3.2 Quantification

3.2.4 Le poids de restes (PdR)

La mesure du poids de restes (PdR), permet de nuancer le NR et le NMI. Précisons que nous mesurons en réalité la masse qui est devenue le poids par un abus courant de langage que nous perpétuerons dans cette étude. Il pourra alors modifier les rapports entre les taxons et entre les os déterminés et indéterminés. Le PdR peut également être utilisé pour faire des comparaisons puisque sa mesure est normalement fiable et toujours prise de la même façon. Le PdR est très intéressant et s’intéresse à l’apport carné des différents animaux, car comme le souligne Vigne, « c’est la biomasse représentée par chaque espèce qui nous importe et non le nombre de morceaux que son squelette peut donner après dissociation et fragmentation » (Vigne 1991). Le PdR permettra alors d’appréhender l’importance des différents taxons dans l’apport en nourriture, les gros animaux tels que des bovins fournissant, à NI égal, beaucoup plus de viande que des caprinés.

La masse de viande fournie par l’animal est proportionnelle à la masse de son squelette sec dans un rapport de 1 à 5 (Ellenberger et al., 1977 cité dans Carrère et Forest, 2009). Théoriquement connaitre la masse de viande pourrait permettre de déterminer l’importance du groupe qui l’a consommée, ainsi que le régime carné de ce groupe, ces deux données étant liées, l’une dépendant de l’autre et inversement. Or dans le cas où aucune de ces données ne peut être connue par d’autres moyens que la masse de viande elle-même, en toute logique aucune conclusion fiable ne pourra être émise. Nous pouvons en voir l’illustration dans l’exemple ethnographique proposé par Carrère et Forest (2009), avec la comparaison la plus éloquente qui est celle du régime carné d’un citadin anglais et de celui d’un paysan français au XVIIème siècle. La même quantité de viande nourrira 14 anglais par an mais 763 paysans

français, soit un rapport de 50. Il apparait alors évident qu’en l’absence d’autres données, le PdR et l’estimation de la masse de viande qui en découle ne pourront donner lieu qu’à des

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hypothèses concernant le régime carné d’une population ainsi que la taille de cette population, d’autant plus si l’on ajoute à cela la valeur de durée d’occupation du site, bien souvent inconnue (Carrère et Forest, 2009).

Le rapport PdR/NR, également appelé indice de fragmentation, donne le poids moyen d’un reste. Il renseigne sur la fragmentation et permet notamment de comparer les états de fragmentation pour des échantillons analogues (Chaix et Méniel, 2001).

3.3 Ostéométrie

3.3.1 Définition

« L’ostéométrie est une branche de la biométrie des êtres vivants qui traite des dimensions de leur squelette » (Chaix et Méniel, 2001, p53). L’ostéométrie consiste alors à prendre des mesures des os, et ses intérêts sont nombreux : aide à la détermination spécifique, du sexe, indice de taille, de poids, de l’âge, étude des variations du squelette, de l’évolution des animaux, des spécificités régionales, etc. (Chaix et Desse, 1994 ; Chaix et Méniel, 2001). Pour cela du matériel de mesure est alors employé, le plus courant sera le pied à coulisse et le mètre de couturière, bien que dans certains cas l’utilisation d’appareils de mesure plus précis sera nécessaire (notamment pour les études de microfaune). Des reports graphiques peuvent être faits pour déterminer les angles (Vigne, 1988).

3.3.2 Dimorphisme sexuel

L’ostéométrie peut permettre d’identifier des dimorphismes sexuels entre les individus d’une même espèce (Cf. partie 3.4).

3.3.3 Différentes morphologies

L’ostéométrie pourra, comme nous l’avons évoqué, en complément d’une analyse de la morphologie des os, nous renseigner sur la morphologie des animaux, c’est-à-dire leur taille, leur stature, leur gracilité. Tous ces paramètres étant en grande partie liés, la présence d’os entiers, principalement des os longs et adultes, sera primordiale pour pouvoir les déterminer.

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Notons cependant qu’en l’absence de squelette entier, seules des estimations pourront être faites, le rapport entre les différents os d’un animal n’étant pas le même pour tous les individus d’une même espèce. La hauteur au garrot sera donnée par la longueur de la diaphyse des os longs, alors que leur robustesse sera donnée par la largeur des épiphyses, la gracilité dépendra alors du rapport entre les deux (Chaix et Méniel, 2001). Cela pourra permettre d’identifier des races, ou du moins des types d’animaux et d’évoquer des spécialisations (traits, viande, …) (Chaix et Méniel, 2001). Sur des échelles de temps plus longues, des comparaisons pourront être faites pour traiter de l’évolution morphologique des animaux.

3.3.4 Méthodes de mesure

Les mesures de cette étude seront réalisées à partir d’un pied à coulisse digital, d’une précision de l’ordre du 10e de millimètre, bien que la forte usure de surface présente sur la

plupart des restes ne permette pas de donner des mesures fiables avec cette précision (Vigne, 1988). Les normes utilisées seront celles mises en place par A. Von Den Driesch (1976) (fig.22), qui sont les normes les plus couramment utilisées facilitant alors les comparaisons. La forte fragmentation des ossements, et la quasi absence d’os entiers limitent bien évidemment les mesures.

Les quelques mesures que fournira cette étude ne pourront pas donner lieu à des analyses morphologiques poussées, ni mettre en évidence différents morphotypes au sein du cheptel. Cependant, compte tenu de la faiblesse des données pour le Néolithique moyen du Centre- Ouest de la France cela permettra d’avoir une première documentation.

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Figure.22 : Planche de mesures, selon la méthode de Von den Driesh (Von den Driesh, 1976, p74)

3.4 Détermination du sexe

Le dimorphisme sexuel est présent chez bon nombre d’espèces. Chez beaucoup d’espèces de mammifères, le mâle est plus grand et plus robuste que la femelle (Chaix et Desse, 1994). L’estimation de la taille pourra alors permettre de faire des suppositions sur le sexe de l’animal. Celles-ci sont souvent faites à partir des métapodes, car ils se conservent bien et sont faciles à mesurer (Davis, 1987). Si cette détermination peut être assez fiable pour des espèces sauvages bien déterminées d’une région donnée où tous les animaux auraient la même échelle de taille, c’est beaucoup plus complexe pour les cheptels domestiques où la taille est beaucoup plus variable. Déterminer le sexe à partir de la taille suppose alors d’avoir un panel de mesures suffisant afin de déterminer une taille moyenne et d’observer les individus s’en écartant, que nous n’avons pas sur nos sites. Mais la taille des os n’est pas le seul marqueur du dimorphisme sexuel. Pour les suidés la taille des canines est un marqueur très fiable, de même que la taille des chevilles osseuses pour les ovins et les bovins (Chaix et Méniel, 1994). Cependant les castrats sont très difficilement différentiables (Blaise, 2009). Chez les carnivores, la taille de leurs canines pourra être un indicateur, alors que la présence d’os pénien sera un témoin infaillible. Enfin, des différences morphologiques pourront être discernées au niveau du pelvis et du coxal (Chaix et Desse, 1994 ; Chaix et Méniel, 2001 ; Helmer, 1992).

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La faiblesse de notre effectif ainsi que l’absence ou la forte dégradation des parties anatomiques porteuses de dimorphisme sexuel, coxal et dents en particulier, rendent délicate la détermination du sexe. De plus la détermination du sexe est relativement intéressante lorsque l’on cherche à mettre en place des courbes d’abattages visant à mettre en évidence des choix dans l’abattage des animaux et donc sur la gestion des troupeaux, avec ainsi des orientations vers différents types de production (Bréhard, 2007), ou vers des stratégies de chasse pour le gibier. Or cela repose sur une analyse statistique, qui suppose, pour pouvoir être fiable, d’avoir une série suffisamment fournie, que nous n’avons pas dans notre corpus.

3.5 Détermination de l’âge

L’âge de la mort de l’animal peut être déterminé à partir de différents critères : les stades d’éruptions dentaires qui sont peu variables pour les mammifères d’une même espèce (Bréhard, 2007) ; l’usure dentaire ; l’épiphysation des extrémités osseuses.

Les mammifères possèdent deux dentitions au cours de leur vie, les dents lactéales ou déciduales qui laissent ensuite leur place aux dents permanentes ou définitives. Le remplacement des différentes dents se fait sensiblement au même âge pour les animaux d’une même race et l’on peut donc déterminer l’âge ainsi. Nous utiliserons les données de Silver (1969) qui a l’avantage de proposer des âges fondés sur des populations anciennes d’animaux (XVIIIème) avant la révolution industrielle agricole des années 1950 qui en favorisant la production, a du même coup entrainé la sélection de races à forte rentabilité et donc à croissance rapide (témoignage oral, I. Carrère). Nous pouvons supposer que les populations anciennes étaient plus proches de celles du Néolithique. Cette méthode peut donner des résultats assez précis, notamment sur des maxillaires et des mandibules entières. Cependant, elle est limitée, car une fois les dents définitives en place, cette méthode permet seulement de définir que l’individu est adulte.

La mesure de l’usure dentaire permet de donner une estimation de l’âge à partir des dents définitives. Ducos (1968) a mis en place un système permettant de donner une estimation de l’âge à partir de la hauteur de la dent (fig.23).

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Figure. 23 : Mesures de la hauteur de la couronne (h) et du diamètre transverse au collet (dt) d’une

molaire supérieure (A) et inférieure (B) de caprinés domestiques selon Ducos 1968 (d’après Helmer 2000a). i = h / dt. (Blaise, 2009).

L’observation de la surface occlusale de la dent permet également de définir un niveau d’usure (Payne, 1973 ; Grant, 1982). Payne a travaillé à partir de populations grecques vivant dans un climat méditerranéen et sec alors que Grant a défini les niveaux d’usure à partir de populations britanniques dans un climat océanique plus humide. Nous pouvons supposer que le climat des Charentes, aujourd’hui océanique, l’était aussi au Néolithique et était en tout cas plus proche du climat britannique que du climat sec de la Grèce, en particulier pour Charmé qui se trouvait en pleine zone humide. Les classes d’âges de Grant (a, b, c, d, e, f, g, h, j, k, l, m, n, o, p) ont donc été utilisées (Grant, 1982) (fig.24). Cette méthode ne permet pas de donner un âge précis, mais elle permet d’obtenir des estimations de l’âge à partir de n’importe quelle dent et ce même pour les individus matures. Du fait de notre collection qui ne présente que des dents isolées, c’est la principale méthode qui pourra être employée.

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Figure. 24 : Stade d’usure dentaire proposé par Grant (1982).

Les stades d’épiphysation des os du squelette peuvent être employés, chaque épiphyse se soudant pour chaque animal d’une même espèce au même âge à quelques mois près (Silver, 1969, Baronne, 1999). Cette méthode peut permettre de donner une idée de l’âge lorsque l’os n’est pas encore épiphysé, mais cela ne donne que l’âge minimum de l’individu. Cependant elle est aussi utilisée comme aide pour faire des appariements (Bréhard, 2007).