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Avant de traiter des divers transferts économiques relevés dans les minutes notariales, arrêtons nous un instant sur les unités de poids et de mesures, ainsi que sur les monnaies utilisées par les lavedanais et dont l’universelle acceptation demeure la première condition d’un échange.

En ce qui concerne les mesures de capacités, nous disposons de plusieurs indications. La plus importante et visiblement la plus utilisée est le «quartaroo»

(quarteron), mesure privilégiée en ce qui concerne les céréales. Nous nous reposerons sur les estimations de M. Berthe117 pour en évaluer sa capacité: elle serait comprise

entre 68 et 96 litres. Le «ceste» (setier) apparaît également pour définir certaines

quantités de grains, il est de deux fois inférieur au quarteron. Le vin est mesuré en

«pipo118

» ‒ autrement dit en barils – dans les sept actes où il apparaît; quant à la laine, c’est en quintal qu’on la mesure habituellement, ainsi qu’en « quartera119

» (le

quartère équivalant au quart du quarteron, il est aussi utilisé pour les céréales). Enfin, beurre, poivre, cire et huile sont quantifiés en «livres»120

. Il faut cependant préciser que ces mesures ne correspondent pas aux mêmes quantités partout121

, ce qui explique que l’on voie fréquemment cette précision apportée lors d’une dette ou d’une redevance à verser en nature : «sec, net [et lavée, lorsqu’il s’agit de laine], à la mesure du marché d’Argelès ». On se réfère ainsi aux lieux de marché les plus proches, qui sont au moins au nombre de deux pour le bas Lavedan : Argelès et Villelongue, auxquels s’ajoute celui de Lourdes122

.

117 Dans M. BERTHE, Le comté de Bigorre, un milieu rural au bas Moyen Âge, Paris, SEVPEN, 1976,

pp. 19-20.

118 « Sa contenance variait entre 52 et 107 litres ; le plus souvent il valait de 60 à 80 litres », dans

M. BERTHE, Le comté de Bigorre, un milieu rural au bas Moyen Âge, Paris, SEVPEN, 1976, p. 20.

119 Dans les actes 38 (f°17 recto) et 46 (f°29 verso) du registre I3852.

120 Respectivement dans les actes 50 (f°11 verso) du registre 3E44/2 ; 45 (f°19 recto) pour le poivre et

la cire ; et 79 (f°38 recto) du registre I3852.

121 Ainsi, toujours selon M. BERTHE, en 1300 « 4 quarterons de Bagnères valaient 5 quarterons de

Tarbes ».

Les différentes mesures de superficie sont mentionnées dans certains cas de ventes de terres, et dans une moindre mesure d’échanges de biens textiles. Pour ces derniers, on parle de « canas » (cannes) et d’empans123

. On utilise la canne et l’arrase124

pour estimer la superficie d’un bâtiment : « il sera édifiée une grange de 8

canas de lhoo, 12 de aut et 12 arrasas de ample125

», ou encore d’une terre : « Bernard de Sera d’Ossen et sa femme Mengina, avec son autorisation, vendent une terre de

duas canas e una araza en lo cap debat e una cana e duas arazas de lonc et detz arrazas e mieya de ample126

». Les terres se mesurent généralement en « journau » (journaux), initialement censés représenter la surface cultivable par un individu durant une journée. Mais là encore, sa valeur varie d’un pays à l’autre : un journal aurait représenté « 22 ares 435 dans le secteur de Lourdes, Lavedan et Barèges127

». D’après M. Berthe, le journal vaut également 11 «plassas128

», mesure utilisée pour mesurer

«des surfaces moindres, notamment les parcelles occupées par les demeures et les

jardins129

» et que l’on voit effectivement contenir « un ostau e casau130

», «la bordera darre de casaus131

», ou être destinée à ce que l’on y édifie un hostau ou une borda132

. L’arpent, qui aurait représenté quatre journaux, n’a pas été rencontré dans les textes, peut-être du fait de la rareté des grandes parcelles en milieu montagnard. Cette liste ne se veut pas exhaustive, d’autres mesures étant probablement usitées en Lavedan ; celles-ci ne nous sont tout simplement pas apparues dans nos sources.

Lors d’une transaction, il est indiqué de quelle manière sera effectué le paiement. Celui-ci peut très souvent se faire en nature : le créancier pourra alors récupérer son dû en terres, en bétail, en céréales ou même en vin selon la convenance des deux parties en présence. Mais le système monétaire occupe une place prédominante : on paiera alors « en or o en argent monedat » (en or ou en argent

123

La canne mesurant 1,856 m, soit huit empans, selon V. LESPY et P. RAYMOND, dans leur

Dictionnaire béarnais ancien et moderne (1887), Pau, Marimpouey, 1998.

124 L’arrasa équivalait à 0,46 m selon V. LESPY et P. RAYMOND, dans leur Dictionnaire béarnais

ancien et moderne (1887), Pau, Marimpouey, 1998.

125 Dans l’acte 21 (f°5 verso) du registre 3E44/2. 126 Dans l’acte 29 (f°7 verso) du registre 3E44/2.

127 Dans M. BERTHE, Le comté de Bigorre, un milieu rural au bas Moyen Âge, Paris, SEVPEN, 1976,

p. 19.

128 La plassa équivaudrait donc à un peu plus de 2 ares. 129 Idem.

130 Dans l’acte 68 (f°16 recto) du registre 3E44/2.

131 C’est-à-dire une grange, dans l’acte 90 (f°24 verso) du registre 3E44/1. 132 Dans l’acte 144 (f°40 verso) du registre 3E44/1.

monnayés). Différentes monnaies se côtoient : l’unité de base est le sou, appelé « sou morlaas » puisqu’il sort des ateliers de cette ville. Vient ensuite le florin. Monnaie la plus usitée dans nos sources, sa valeur est de 9 sous. L’écu apparaît aussi régulièrement, sa valeur est de 16 sous en 1466 mais elle est déjà passée à 18 sous en 1470. Sont également cités le sou Jacques (monnaie aragonaise frappée sous les règnes de Jacques Ier

et Jacques II), uniquement dans des cens et redevances, le franc133 , le denier morlaas134 , le marc d’argent135 , la livre tournoi136 , le blanc137 . Concernant ce dernier, il est précisé dans l’acte 200 (f°52 recto) du registre 3E44/1

«XXVII soos condan per soo IIIIte blancs de la moneda corrent en veger» (27 sous

de 4 blancs chacun selon la monnaie courante en vigueur). Quatre blancs équivaudraient donc à un sou morlaas. Remarquons également ceci: la livre tournoi est utilisée pour chiffrer les revenus annuels de la baylie de Rivière-Ousse que son fermier doit reverser au trésorier de Bigorre. Il s’agit par conséquent d’une monnaie de grande valeur qui n’est probablement pas courante dans la population locale. Le marc d’argent est quant à lui uniquement utilisé pour chiffrer le montant des amendes.

On relève ainsi au moins neuf monnaies qui se chevauchent et nécessitent un système monétaire complexe permettant de les articuler entre elles. D’autant que leur valeur peut évoluer, comme nous l’avons vu. Si l’on y ajoute les fréquents échanges en nature effectués par les lavedanais, c’est peu de dire que l’évaluation des biens, droits ou services faisant l’objet d’une transaction n’est pas chose aisée. Elle doit être vraisemblablement flexible en fonction des individus, des circonstances et des négociations préalables à l’enregistrement de l’acte devant notaire.