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LA VALLEE DE LA SAONE

L E PLATEAU DE L ANGRES

LANGRES

BIBLIOGRAPHIE

Barral, Joly, Rodet-Belarbi à paraître. LE SITE ET LES VESTIGES (fig. 102)

L'oppidum principal des Lingons, mentionné par César, a été identifié avec l'agglomération actuelle de Langres en Haute-Marne, localisée sur une avancée du plateau langrois qui bénéficie de défenses naturelles remarquables et contrôle un noeud de communications importantes entre les bassins de la Saône, de la Seine, et de la Marne. Jusqu'au découvertes récentes, on ne connaissait pratiquement rien de l'oppidum langrois, les trouvailles attribuables à l'époque celtique étant insignifiantes en comparaison avec les vestiges gallo- romains nombreux et diversifiés, mis au jour depuis le XVIIIème. s.

Les fouilles de sauvetage, menées en 1985, 1986 et 1988318 à l'emplacement prévu pour le nouveau musée régional, ont mis au jour, sur une surface d'environ 1200 m², de nombreux vestiges gallo-romains, et en particulier une partie d'un quartier d'habitation construit au début du Ier siècle. A l'issue des opérations de terrain, l'étude du matériel exhumé319 permit d'identifier des éléments caractéristiques de La Tène finale (notamment des fragments d'amphores Dr. 1 et de céramiques italiques à vernis noir). Le matériel de cette période figurait soit comme fragments isolés en position résiduelle au sein de contextes gallo-romains, soit sous la forme de lots relativement conséquents et homogènes, provenant des niveaux inférieurs du site, touchés localement. A la suite de ces observations, des sondages complémentaires320 permirent de reconnaître une série de vestiges (lambeaux de couches, fosses), qui, quoique très lacunaires, formaient un ensemble stratigraphiquement cohérent, dont la mise en place se situe vers les années -40 : -30 à -20 / -10.

LA CERAMIQUE 321

Deux ensembles ont été distingués dans l'étude statistique : il s'agit d'une part du matériel céramique assez conséquent, issu d'une fosse (fosse 2042 : fig. 144), d'autre part de petits lots de matériel provenant de différents contextes situés dans une situation stratigraphique identique, réunis pour former un ensemble plus significatif (fig. 145).

Le matériel précoce qui se trouvait en position résiduelle dans les contextes gallo-romains ou hors stratigraphie est illustré, à titre indicatif (n° 100-125 et 131-134).

318. Fouilles réalisées de juillet à septembre 1985 sous la responsabilité de Dominique Bonneterre, puis de juillet

à décembre 1986 de N. Dautremont et enfin de mai à août 1988 de J.-J. Thévenard.

319. Effectué par Martine Joly, dans le cadre d'un contrat AFAN, de janvier à mars 1989. 320 En 1989, par S. Lévêque et A. Villard ; en 1990, sous la responsabilité de M. Joly. 321 Pour le détail de l'étude, cf. Barral, Joly, Rodet-Belarbi à paraître.

La céramique à pâte grossière non tournée représente de 23% à 30% des vases. Une pâte à

dégraissant siliceux et une pâte à dégraissant calcaire, largement dominante, représentent cette catégorie. Les formes se limitent à des pots ovoïdes à ouverture large et des écuelles ou jattes à bord rentrant ; les pots, généralement sans col discernable, ont une lèvre éversée souvent moulurée sur sa face interne, et sont fréquemment décorés sur l'épaule, d'impressions ou d'incisions ponctuelles (n°1, 25 à 28 et 30, 100 et 101). Quelques fragments de panses attribuables à des formes hautes conservent des décors de ponctuations, sans doute réalisées par estampage (n°31 et 102). Les jattes et écuelles ont des profils très variés, comme c'est généralement le cas, pour ce type de récipient (3-4, 32-39).

La céramique à pâte grossière ou mi-fine, tournée est peu abondante (6% à 16% du total des

vases). La pâte utilisée est caractérisée par un dégraissant plus homogène (taille et répartition) que celui de la catégorie précédente. Les parois des vases sont également plus minces et régulières. La forme la mieux représentée est un pot à ouverture large, à col court marqué et lèvre éversée moulurée. Le décor sur épaule est moins prononcé et moins fréquent que sur les pots non tournés (5-8 et 40-41).

La céramique à pâte fine sombre lissée est la catégorie la mieux représentée, (36 à 43% des

vases). La pâte est fine (dégraissant invisible, ou fin et régulier), les surfaces de couleur homogène brun foncé à noir, lissées ou moins fréquemment lustrées par polissage. Les parois des vases présentent généralement des sections zonées (pâtes feuilletées, rouge à gris noir). Les formes sont relativement diversifiées. Dans les formes hautes, faiblement représentées, figurent des pots ovoïdes (14 et 52-53) et des vases tonnelets (50-51). Les formes basses comprennent, en petit nombre, des patères imitant des types de céramiques à vernis noir (Lamb. 6 et 36 : n°56 et 57), des écuelles à bord rentrant (n°58 et 59), des écuelles à bord plus ou moins éversé (n°15, 60-62). Le type de récipient le mieux représenté est un bol hémisphérique ou légèrement caréné, à lèvre en bourrelet débordant et panse fréquemment cannelée (n°19-20, 63-66). Dans cette catégorie, les décors les mieux attestés sont des décors lustrés, réalisés au brunissoir : lignes ondées simples, internes et externes, sur écuelles à bord éversé (n°61, 121), lignes simples entrecroisées (n°10, 46-47 et 86) ou en séries parallèles (n°5 et 44) sur formes hautes. On distingue également en faible nombre des décors incisés (n°105) ou estampés à la molette, plus ou moins complexes, sur formes hautes et basses (n°11-13, 43-48).

La céramique à pâte fine claire, faiblement représentée, (environ 16% des vases) regroupe

des poteries sans revêtement de surface (surfaces égalisées ou parfois lissées), et des poteries revêtues d'un engobe micacé doré, ou peintes. Le répertoire de formes comprend des vases bouteilles, représentés ici seulement par des pieds en couronne caractéristiques (n°21, 70), des vases-tonnelets (n°67, 68 et 73), des pots ovoïdes à col court (n°112 et 126) et des bols avec ou sans baguette (n°22, 74 et 78). Les décors de céramique peinte conservés consistent en des séries de bandes étroites rouges ou blanches parallèles sur fond écru, et des décors géométriques simples de couleur sépia, rapportés sur fond rouge (n°23, 67, 69 et 71).

Les céramiques de type romain sont illustrées par quelques fragments de céramiques à pâte

mi-fine claire siliceuse322 et par une quinzaine de fragments de céramiques à vernis noir (fig. 143).

322 fragments de couvercle (n°24), en pâte claire sableuse-siliceuse orange, forme que l'on associe généralement

aux plats à engobe rouge pompéien, représentés ici seulement par un petit fragment à paroi bombée et lèvre arrondie, mal conservé.

Conclusions

Le premier intérêt du matériel précoce recueilli lors des fouilles du Marché Couvert est de préciser la chronologie de l'occupation pré-romaine du site.

Les céramiques importées sont délicates à utiliser. L'absence de céramique arétine n'est pas un critère décisif, en raison de la quantité relativement faible de céramique recueillie dans les niveaux précoces. D'autre part, la présence d'amphores Dr. 1 et de céramique campanienne n'apparaît pas non plus déterminante, eu égard à l'importance du phénomène de résidualité sur les sites à occupation continue, de La Tène finale à l'époque gallo-romaine, dont fait probablement partie Langres323.On notera cependant, en considérant l'ensemble des fragments de céramique à vernis noir découverts sur le site, qu'il existe des fragments attribuables à des productions régionales, et que la campanienne B est nettement dominante, ces deux facteurs étant une caractéristique des sites bourguignons de La Tène D2324.

Dans ce contexte, le faciès des céramiques locales et régionales fournit des indications relativement cohérentes, qui confortent l'attribution à La Tène D2. On observe en particulier : - une forte représentation des bols hémisphériques avec ou sans baguettes (fig. 147). Ce type de récipient domine ici largement dans les formes basses en céramique sombre lissée. Dans l'est de la France, il apparaît en faible quantité dans des contextes de La Tène D1325 et devient fréquent à La Tène D2326, où il concurrence alors, en céramique fine tournée, l'écuelle à bord rentrant.

- la présence de vases en céramique mi-fine tournée, en particulier de pots à ouverture large qui reproduisent les types de la céramique grossière non tournée (n°6-7). Cette production est caractéristique de la période LTD2, et surtout de sa phase terminale, sur plusieurs sites bourguignons.

- la présence de décors estampés (sur forme basse profonde : n°13 et sur couvercle à lèvre bifide : n°12).

- la présence, dans des contextes non pollués, de fragments de plats et de couvercles en céramique mi-fine claire siliceuse, qui deviennent fréquents à l'époque augustéenne, mais apparaissent dans des contextes pré-augustéens327.

Ces quelques données montrent que le matériel issu des contextes précoces du site réunit un ensemble cohérent d'éléments caractéristiques d'une phase récente de La Tène D2, que l'on peut situer approximativement entre 40/30 et 20/10 av. J.-C. La limite inférieure est fournie par l'absence de matériel typique de la période augustéenne avancée. La limite supérieure est plus délicate à préciser. Cependant, les pots en céramique mi-fine à grossière tournée, les couvercles à lèvre bifide et décor estampé, et les couvercles de plats en céramique à engobe rouge pompéien s'inscrivent dans la même tendance chronologique et ne sont sans doute pas antérieurs aux années 40/30 av. J.-C.

Ce matériel tardo-laténien, qui permet de situer la mise en place des niveaux précoces du site dans la deuxième moitié du Ier siècle av. J.-C., côtoie un matériel de faciès plus ancien,

323. La date d'arrêt de l'importation de ces céramiques est sujet à discussion. On la situe approximativement entre

40 et 20 av. J.-C. A ce sujet, et à propos de l'impact du matériel résiduel sur les sites à occupation continue, voir notamment Desbat 1990, p. 251.

324. Voir Vaussanvin 1978 p. 148 et Morel 1985 p. 182. Les sites les mieux documentés actuellement dans notre

région pour les productions régionales à vernis noir sont Alésia (Bénard 1989), et Besançon (Morel 1992, p. 216).

325. A Verdun-sur-le-Doubs, à Besançon (Humbert 1992, p. 227 et 263).

326. A Saxon-Sion par exemple (Legendre 1984, pl. 12-14), et sur plusieurs sites bourguignons : Alésia, Braux,

St. Denis-les-Sens.

327. Par exemple à Tournus Clos Roy, à Alésia (occupation 1b, "immédiatement après la conquête", Bénard

faiblement représenté, qui paraît caractéristique des phases La Tène C2-D1. C'est le cas en particulier de quelques éléments de parure (fibule de Nauheim, perle et bracelets en verre) et de plusieurs vases céramiques (pots à ouverture large non tournés à décor d'impressions sur épaule et panse brossée : n°1, 25-28 ; vases tonnelets peints ; n°67 et 68328). Ainsi, peut-on affirmer que le matériel des niveaux précoces étudiés correspond pour l'essentiel à un secteur d'habitat de la fin de LT D2, mais traduit également l'existence probable d'une occupation du site de Langres à La Tène C2-D1.

On peut ajouter que le matériel céramique exhumé trouve des parallèles sur plusieurs sites bourguignons, proches ou relativement éloignés, et ne révèle en revanche aucune affinité évidente avec les formes et décors céramiques propres aux sites de Gaule Belgique, autant qu'on puisse en juger sur un échantillon relativement faible329.

328 Présents dans la région dans des contextes de LT D1 à Verdun-sur-Le-Doubs, à Nuits-St.-Georges et à

Besançon.

329 En particulier, la forme basse prédominante de Gaule Belgique, l'écuelle carénée (Buchsenschutz et alii 1993,

p. 257) est absente à Langres, ce qui est tout à fait significatif (la comparaison avec Alésia est de ce point de vue éclairante.