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Les plaquettes dans l’entretien de l’inflammation liée à HIV-1

CHAPITRE 1 - R EPONSE INFLAMMATOIRE PLAQUETTAIRE AU COURS DE L ’ INFECTION

E. Les plaquettes dans l’entretien de l’inflammation liée à HIV-1

chronique n’est pas totalement connue. La translocation microbienne due à la déficience immunitaire des tissus lymphoïdes associés aux intestins semble être un « bon » candidat [35].

D’autres possibilités sont également proposées comme les co-infections, notamment à CMV, et la faible dose de virus échappant au traitement anti-viral « Highly Active Antiretroviral Therapy” (HAART). Dans ce paragraphe nous nous intéresserons exclusivement à l’implication des plaquettes, en tant que cellules de l’inflammation.

Comme décrit pour les MK, les plaquettes ont la capacité d’internaliser le HIV. Cette observation avait déjà été faite il y a très longtemps mais peu d’intérêt y avait été porté. Les expériences in vitro faites avec des plaquettes mises en contact avec un surnageant de PBMC infectées montrent que les virions sont internalisés dans les premières 30 minutes. Les analyses de microscopie électronique montrent que le virus est internalisé entièrement, conservant même son enveloppe et son ultrastructure (figure 4). Le fait que le virus ait conservé son intégrité, jusqu’à la conservation de l’enveloppe, montre qu’il n’est pas entré dans la plaquette par fusion mais plutôt par endocytose, ce qui va dans le sens de l’implication du DC-SIGN. La rapidité d’entrée du virus dans les plaquettes fait que, jusqu’à présent, il est techniquement impossible de montrer des clichés de fusion. Les petites vésicules contenant jusqu’à quatre virions, présentant un aspect clair et ne renferment rien d’autre [36].

Les images de microscopie électronique démontrent qu’il y a également des particules virales localisées dans la lumière de l’OCS. Contrairement à l’aspect des virions contenus dans les endosomes, les particules virales contenues dans l’OCS apparaissent gonflées avec une forme peu délimitée (figure 4). Le marquage de la p24, protéine de capside du HIV, colocalise avec celui du collagène et du CD62P qui sont des marqueurs des granules  . Il y a donc, à un moment donné fusion de l’OCS contenant les virions avec des granules α dont le contenu est toxique pour le virus [36].

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De la même manière que ce qui s’opère dans les mégacaryocytes, i) soit les particules virales sont en contact avec des molécules antivirales contenues dans les granules plaquettaires, ce qui mène à leur destruction ; ii) soit les plaquettes protègent et transportent les virions à l’intérieur de vésicules intraplaquettaires robustes.

Figure 4 - Internation des particules de HIV-1 dans les plaquettes D’après Youssefian et al. [36]

(A) Internalisation des particules de HIV dans des structures de type endosome. Au stade

précoce de l’internalisation les particules virales (vi) sont retrouvées dans de petites vacuoles

caractéristiques des structures endosomales, englobant chacune une à 2 particules et localisées proche de la membrane plasmique (pm). (a) indique les granules α. Grossissement X 36 8000; encart

X 55 200.

(B) et (C) Les particules virales sont également retrouvées dans le système canaliculaire ouvert (OCS). Il est possible que cette étape intervienne dans une phase d’internalisation plus tardive.

Les plaquettes présentent une morphologie activée : forme sphérique, émission de pseudopodes (flèches), OCS dilaté.(mi) indique les mitochondries. Grossissement X 41 850

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Le mécanisme permettant de distinguer le devenir des virions, s’il existe car il n’est pas impossible que les virions se retrouvent dans l’OCS d’une manière passive, n’est pas encore connu mais ces observations doivent être prises en compte dans la physiopathologie du HIV.

L’interaction décrite ci-dessus a également un effet biologique à plus large échelle car les plaquettes ayant endocyté les virus expriment le CD62P à leur surface, témoignant de leur activation. Cependant ce marqueur peut aussi bien servir à la destruction, par les macrophages, des plaquettes infectées, qu’à l’activation d’autres cellules inflammatoires [14] ; démontrant encore une incertitude dans le but de l’internalisation du HIV à l’intérieur des plaquettes.

Les plaquettes activées lors de l’infection sont donc susceptibles de libérer un certain nombre de facteurs inflammatoires. Ainsi, il a été montré que le taux plasmatique de CD40L soluble (sCD40L) est plus élevé chez les patients HIV-1 ; la thérapie antirétrovirale [37] augmenterait même ce taux.

La libération de sC40L plaquettaire lors d’une infection à HIV implique la protéine Tat d’HIV. Cette protéine virale se lie aux plaquettes par le CCR3 et l’intégrine 3. Les plaquettes stimulées par Tat sont même capables d’induire, in vitro et in vivo, une activation de lymphocytes B allant jusqu’à une réponse anticorps IgG [38].

Le sCD40L plaquettaire nouvellement libéré, en synergie avec la protéine Tat, active et recrute les monocytes (expression de molécules d’adhésion) ce qui favorise l’inflammation [39]. La forte concentration en sCD40L des patients HIV est notamment impliquée dans le recrutement de monocytes au niveau de l’endothélium de la barrière cérébrale entrainant ainsi une augmentation de sa perméabilité ; ce qui explique pourquoi les patients HIV qui présentent des désordres neurocognitifs ont une concentration plasmatique de sCD40L plus élevée que les autres patients HIV [40]. L’utilisation d’acide valproïque, un médicament stabilisateur d’humeur, diminuerait la libération de sCD40L en agissant directement sur les plaquettes [41].

Récemment, une augmentation de CD40L a aussi été montrée sur des plaquettes de macaques (Macaca nemestrina) préalablement infectés par voie intraveineuse par deux souches de SIV [42].

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Les conséquences de la liaison de Tat sur les plaquettes ne se limitent pas à la libération du CD40L mais elle augmente également le PF4 [40]. La protéine Tat est décrite pour induire la libération de « Platelet Derived Growth Factor » (PDGF) par les astrocytes, il est donc possible d’imaginer que ce mécanisme soit également présent dans les plaquettes [43]. La protéine virale a également la particularité d’induire la libération de MPP [38]. Cette observation pourrait, en partie, expliquer pourquoi les patients infectés présentent un taux de microparticules circulantes plus élevé que des sujets non infectés.

L’IL-18 est une cytokine importante dans la défense contre le HIV-1. Elle induit le relargage d’IFN à partir des cellules T et des cellules Natural Killer. De plus, elle augmente l’effet cytolytique des lymphophyctes T et la prolifération des lymphocytes T CD4+ Th1. Au cours de l’infection à HIV-1, Ahmad et al. on observé que le taux plasmatique de cette protéine est augmenté [50] et ils ont pu montrer que l’origine de l’IL-18 était plaquettaire [45].

Les études citées ci-dessus montrent que les plaquettes activées constituent une réelle source de facteurs inflammatoires. De ce fait, la communauté scientifique s’est intéressée aux plaquettes comme effectrices de l’inflammation chronique chez les patients HIV-1 sous « Highly Active Antiretroviral Therapy” (HAART).

Une étude a suivi l’évolution de l’activation des cellules endothéliales et des plaquettes jusqu’à 24 mois après la mise en place de thérapie antirétrovirale. Ces deux types cellulaires sont activés chez les patients infectés non traités. La thérapie antirétrovirale s’accompagne d’une diminution des marqueurs d’activation de l’endothelium (VCAM-1, « Monocyte Chemoattractant Protein 1 » (MCP-1), vWF). En revanche, l’expression du CD62P reste élevée sur les plaquettes ce qui traduit un état activé durable des plaquettes [46]. Landro et al. montrent de plus que le traitement antirétroviral n’induit pas de diminution des facteurs plaquettaires solubles sCD40L, RANTES, « Neutrophil-activating peptide-2” (NAP-2) et LIGHT alors que son efficacité est mesurable par une diminution de la quantification de l’ARN viral et un recouvrement des cellules T CD4+ [47]. Les plaquettes participent donc bien à l’inflammation persistante observée chez les patients sous HAART. Ces facteurs pourraient également être associés à l’augmentation du risque cardiovasculaire.

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La mise en place d’un traitement antirétroviral pourrait en outre augmenter la libération de facteurs inflammatoires plaquettaires. Dans l’étude précédente, les auteurs montraient une augmentation de NAP-2 après 12 mois d’HAART. D’autres travaux montrent qu’il est en de même pour le sCD40L [41], [48]. En fait, il existe une hyperactivité des plaquettes chez les patients recevant de l’abacavir, un inhibiteur nucléosidique de la transcriptase inverse utilisé dans certains traitements [48]. De ce fait les plaquettes, en plus de libérer leurs molécules solubles préstockées, seraient plus sensibles à l’agrégation ; cela pourrait expliquer pourquoi l’administration d’abacavir est associée de pathologies cardiovasculaires, notion qui reste néanmoins controversée [49], [50]. Au niveau moléculaire, l’abacavir agit sur la cascade plaquettaire impliquant l’oxyde nitrique, la guanylate cyclase soluble et la guanosine mono-phosphate cyclique (GMPc) en émoussant la capacité inhibitrice du NO sur l’activité hémostatique des plaquettes [48]. Les inhibiteurs de la transcriptase inverse activent également la « glycogen synthase kinase 3 beta » (GSK3) pour la libération de CD40L. L’acide valproique, inhibiteur de la GSK3, s’est révélé efficace pour prévenir la libération excessive de CD40L, dans le sang circulant, liée à l’utilisation de combinaisons de médicaments antirétroviraux [41], [51].

Les inhibiteurs de protéase, autres molécules utilisées dans les traitements antirétroviraux sont décrits pour entrainer la formation de complexes plaquettes-leucocytes pouvant également mener à l’activation plaquettaire [52].

En conséquence, il est important de développer des molécules adjuvantes permettant de limiter les effets délétères des thérapies antirétrovirales. Les plaquettes développent une large réponse inflammatoire, qu’elles conservent pendant le traitement. Elles semblent donc être une bonne cible pour limiter l’inflammation chronique associée à l’infection à HIV-1 en réduisant plus particulièrement l’agrégation, la libération de molécules inflammatoires et leurs molécules d’adhésion.

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II - Plaquettes et infections bactériennes

A. Les plaquettes à l’interface entre infection bactérienne et