• Aucun résultat trouvé

Plaquettes – bactéries : Focus sur l’infection à Staphylococcus aureus

CHAPITRE 1 - R EPONSE INFLAMMATOIRE PLAQUETTAIRE AU COURS DE L ’ INFECTION

E. Plaquettes – bactéries : Focus sur l’infection à Staphylococcus aureus

Beaucoup d’études portent sur l’interaction des plaquettes avec Streptococcus, notamment les streprocoques oraux alors que comparativement peu concernent S. aureus. En 2005 une étude prospective a été menée dans 39 centres médicaux répartis sur 16 pays, incluant 1779 patients atteints d’IE. Il s’est avéré qu’en définitive S. aureus était le pathogène le plus fréquemment mis en cause avec 31,6 % des cas contre 18% pour Streptococcus

viridans [187]. D’une manière générale, les infections invasives à S. aureus résistant à la méthycilline ont tendance se propager dans les centres de soins et sont responsables de taux de mortalité élevés[188]. Il est donc intéressant d’évoquer le rôle de S. aureus sur les plaquettes.

L’essentiel des études porte sur les molécules mises en jeu de part et d’autre lors de l’adhésion de S. aureus aux plaquettes (figure 17). Nous nous intéresserons dans un premier temps aux interactions entre les molecules présentes dans la membrane de S. aureus et les plaquettes.

La protéine A, protéine de surface de S. aureus, est une protéine pouvant être reconnue par des anticorps anti-S. aureus. Les complexes immuns formés peuvent se fixer au FCRII des plaquettes entrainant la libération de sérotonine et une agrégation plaquettaire. Cette réaction est dépendante du temps de stimulation et de la quantité des complexes immuns formés. L’activation s’avère optimale à 5 min, à partir de deux bactéries par plaquettes[130]. Dans une étude plus récente, il s’est avéré que la protéine A était, à elle seule, incapable d’induire l’agrégation mais qu’elle pouvait la maintenir [189] .

La protéine A de S. aureus peut aussi fixer le vWF, qui se lie la GPIb. L’utilisation d’un anticorps bloquant le vWF inhibe partiellement l’activation plaquettaire par S. aureus

- 74 -

Le ClfA de S. aureus est aussi mis en en jeu lors de sa fixation aux plaquettes, via le fibrinogène[190]. Cependant, il existe un récepteur alternatif car S. aureus adhère aux plaquettes par l’intermédiaire du fibrinogène/fibronectine, ce qui n’implique pas forcément GPIIb-IIIa[191]. Ceci a pu être montré par une persistance d’agrégation même si les deux sites de liaison au fibrinogène présent sur la GPIIb-IIIa sont préalablement bloqués. Il n’est pas impossible que la bactérie transforme le fibrinogène afin qu’il puisse être reconnu par un autre récepteur. Ca serait ainsi une manière pour les bactéries d’accroitre leur pathogénécité.

Le FCRIIA et la GPIIb-IIIa ont tous deux un rôle fonctionnel dans l’adhésion de S.

aureus. L’interconnexion entre ces deux récepteurs précédemment décrite dans le manuscrit

(Chapitre 1 – II B1) explique pourquoi l’agrégation induite par S. aureus est dépendante du FcRIIA. Cette hypothèse correspond aussi au fait que l’engagement du FcRII seul ne soit pas suffisant pour induire l’agrégation, car son engagement en fait là pour optimiser la fonctionalité de la GPIIb-IIIa [134].

L’obtention de mutants génétiques de S. aureus et l’expression de protéines candidates

chez L. lactis (bactérie non agrégative), ont montré que le ClfB et la protéine SdrE sont également impliquées dans l’agrégation plaquettaire. Les résultats confirment également l’implication du ClfA qui d’ailleurs est le premier facteur, avant le ClfB, entrainant l’agrégation car c’est la protéine induisant le lag time le plus court. L’agrégation induite par ces deux facteurs peut être inhibée par des antagonistes de la GPIIb-IIIa, de l’aspirine ou de la prostaglandine E1 [130]. D’autre part, l’agrégation est également observée avec des plaquettes filtrées, suggérant une liaison directe entre S. aureus et les plaquettes, indépendamment du fibrinogène. Les résultats observés pour la protéine SdrE sont différents. Afin de se fixer à la plaquette, la protéine bactérienne nécessite la présence d’une protéine plasmatique, autre que le fibrinogène, qui reste à identifier.

Un élément important à prendre en compte est que S. aureus n’exprime pas les mêmes facteurs en fonction de son stade croissance, ce qui peut représenter un biais dans les manipulations in vitro. Le ClfA est la protéine pro-agrégante dominante en phase stationnaire de croissance alors pour la phase exponentielle, la FnBP est majoritairement exprimée [134].

- 75 -

Au vu de ces indications, il devient par exemple difficile d’évaluer les résultats de Fitzgerald qui confirment sa modélisation de l’intéraction entre la FnBP et les plaquettes sur des bactéries en phase stationnaire [192].

Le système du complément est important dans l’agrégation plaquettaire induite par S.

aureus. Il est capable de se substituer au ClfA. Dans ce cas là, le lag time sera plus long (entre

8 et 20 minutes) mais l’engagement simultané du récepteur Fc reste nécessaire [96].

La protéine staphylococcique IsdB, quant à elle, pourrait favoriser, l’adhésion et l’internalisation des bactéries au sein des plaquettes, en présence de fibronectine [193]. De plus, cette protéine, contrairement aux protéines « Iron-regulated surface determinant A” (IsdA) et IsdH, induirait l’agrégation des plaquettes [193].

Les travaux portant sur l’interaction entre les plaquettes et S. aureus ont démarré dans les années 1970 et se poursuivent encore aujourd’hui. La protéine d’adhérence EAP, sous forme d’oligomère, peut se lier directement aux glycosaminoglycanes des plaquettes [194] ; cela va provoquer la stimulation d’une thio-isomérase dans la plaquette, se traduisant par une activation plaquettaire allant de la stabilisation de la liaison du fibrinogène à l’expression membranaire de molécules d’activation plaquettaire telles que le CD62P, le CD63 et le CD40L.

En plus devoir intégrer le rôle alternatif des récepteurs de l’hémostase face à S. aureus, il y a aussi les récepteurs plaquettaires nouvellement décrits qui viennent augmenter l’éventail des fonctions. C’est notamment le cas du TLR2 qui, en répondant au peptiglycane de

S.aureus, provoque dès 30 min une activation plaquettaire associée à un processus d’apoptose

caractérisé par une dépolarisation de la membrane mitochondriale, l’exposition de phosphatidylsérines à la membrane plasmique et l’activation de la caspase 3. Les mécansimes de cette nouvelle réponse plaquettaire à une stimulation bactérienne sont détaillés dans la partie traitant de l’apoptose plaquettaire (Chapitre 1 – III C).

Outre les composants de la membrane et de la paroi bactérienne, les toxines de S.

aureus peuvent également moduler la réponse plaquettaire (figure 17).

Il a été montré, in vitro, que l’α-toxine peut interagir avec la membrane plaquettaire et induire la production de protéines microbicides et la lyse des bactéries [144]. De plus, cette toxine serait capable de générer l’agrégation des plaquettes, de façon dépendante de la dose

- 76 -

[183]. Elle peut également entrainer chez la plaquette, la synthèse de novo de BCl3 [183], une protéine impliquée dans la rétraction du clou plaquettaire. Cette exotoxine est également à l’origine de la formation de nombreux complexes plaquettes-neutrophiles, via le CD62P, marqueur d’activation exprimé à la surface des plaquettes. La formation des complexes augmente l’activation des neutrophiles, mesurable par l’augmentation du CD11b. Ainsi, ces agrégats pourraient participer à la destruction des capillaires alvéolaires à l’origine des pneumonies hémorrhagiques à S. aureus [195].

S . aureus libère la staphylocoagulase et la « vWF binding protein ». Ces deux

molécules se lient à la prothrombine et forme le complexe enzymatique dit staphylothrombine

[196]. La staphylothrombine n’a pas d’action directe sur l’activation plaquettaire mais en transformant le fibrinogène en fibrine, elle va jouer un rôle dans la stabilisation de l’agrégation ainsi que dans l’initiation de l’activation secondaire.

On note toutefois que plusieurs molécules de S. aureus semblent a contrario inhiber la fonction hémostatique des plaquettes.

Dans ce contexte, il a été observé que l’entérotoxine B (SEB) provoque au niveau des plaquettes une suractivation de la PKC. Cette enzyme essentielle à la réponse plaquettaire ne se retrouve donc plus dans des conditions physiologiques et de fait ne peut assurer sa fonction. C’est pour cela que des plaquettes incubées avec SEB sont incapables d’assurer une agrégation correcte en réponse à de la thrombine [197].

L’acide lipothecoïque utilise le récepteur au PAF pour augmenter le niveau d’AMPc au sein des plaquettes. Ce dernier va alors augmenter son activité de phosphorylation sur VASP et inhiber l’agrégation et la formation de thrombus [198].

Le rôle anti-thrombotique de S. aureus peut également être attribué à l’ « extracellular fribrinogen binding protein » (Efb). In vitro, cette protéine est décrite pour venir adhérer aux plaquettes (sur un recepteur non caractérisé ou sur le fibrinogène). Une fois adhérée, elle va à son tour recruter du fibrinogène mais une forme non conventionelle qui a plutôt tendance à inhiber l’activation plaquettaire. L’action inhibitrice de cette molécule a pu être confirmée in

vivo, où elle est capable de prévenir une thrombose suite à un traitement par des agonistes

plaquettaires [199].

Enfin, la staphylokinase exerce aussi une activité inhibitrice sur les plaquettes mais d’une manière différente, indirecte. Cette enzyme dégrade la plasmine et le fibrinogène, et de ce fait empêche l’agrégation [200].

- 77 -

Plusieurs groupes s’intéressent aussi à l’interaction de S. aureus et des plaquettes dans des conditions proches de celles observées in vivo, notamment pour conserver les forces de cisaillement. Des souris infectées par S. aureus développent des thrombi par un mécanisme dépendant du ClfA [201]. L’utilisation d’une molécule occupant le site de liaison du ClfA sur le fibrinogène prévient complètement l’agrégation, montrant la prédominance du ClfA malgré la multitude d’autres facteurs présents dans le microenvironnement.

Des chiens infectés par S. aureus vont rapidement développer un sepsis, accompagné d’un dysfonctionnement plaquettaire (réduction de la capacité d’étalement en réponse à un agoniste du PAR-4). Ce dernier résultat suggère, qu’au-delà de leur rôle dans les IE à S.

aureus, les plaquettes participent à la physiopathologie du sepsis à S. aureus [202].

De plus, on observe bien une dualité dans l’effet de la bactérie S.aureus sur les plaquettes, témoignant de la complexité de l’interaction. L’ensemble des études se base sur la capacité pro-agrégante ou non de la bactérie ; cependant, aucune donnée ne porte sur la libération des cytokines plaquettaires, composante pourtant très importante dans le cadre d’une infection bactérienne.

- 78 -

Figure 17 - Interconnexion entre S.aureus et les plaquettes

S. aureus a la possibilité d’induire différents types d’activation plaquettaire, aussi bien par des exotoxines que de par des protéines membranaires qui vont lier, directement ou indirectement, les plaquettes.

A contrario, certains facteurs bactériens induisent une inhibition de la fonction plaquettaire (encadrement grisé).

Complexe plaquette/neutrophile (CD62P dépendant) Expression de facteurs d’activation membranaires (CD62P, CD63, CD40L) Agrégation (sérotonine, Bcl3) Apoptose (exposition phosphatidylsérines, activation caspase 3, augmentation ΔΨm) Libération molécules

antibactériennes Inhibition de la fonction

plaquettaire (défaillance PKC, phosphorylation VASP,

fibrinogène non actif, dégradation fibrinogène)

Staphylococcus aureus

Toxines Protéines

membranaire

staphylokinase enterotoxine B PAF r α toxine fibrinogène fibrine staphylothrombine TL R 2 pe pti dog ly ca ne GPI Ib-IIIA C lfA/Cl fB GPI Ib-IIIA C lfA/Cl fB compl ément ? Sdr E ? ? GPI Ib-IIIA IsdB gly cosamin igl yc an es EAP fibrinogène fibronectine Fc R IIa Proté ine A Proté ine A

PLAQUETTE

vWF GPI

- 79 -

III - Rôle des plaquettes dans la physiopathologie du

sepsis