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Apoptose plaquettaire dans le microenvironnement du sepsis

CHAPITRE 1 - R EPONSE INFLAMMATOIRE PLAQUETTAIRE AU COURS DE L ’ INFECTION

C. Apoptose plaquettaire dans le microenvironnement du sepsis

thrombopénie constante chez les patients [234], [235]. Diverses études ont amené à considérer la thrombopénie comme un facteur prédictif du taux de mortalité des patients admis en soins intensifs [235], [236]. Plusieurs hypothèses ont été formulées quant à la diminution des plaquettes circulantes :

Lors du sepsis, les plaquettes expriment des facteurs d’activation qui favoriseraient leur séquestration dans la rate, puis leur destruction [237]. La déplétion plaquettaire peut être accélérée si le contact plaquettes-bactéries implique le système du complément [93] ou le récepteur Fc- [238]. De plus, le sepsis est un état pathologique qui favoriserait l’hémophagocytose des plaquettes par les macrophages est en partie dépendante du « macrophage colony stimulating factor » au cours du sepsis [239].

La défaillance de thrombopoïese est une hypothèse peu probable dans la mesure où les taux plasmatiques d’l’IL-6, de TNF- et de thrombopoïétine sont augmentées au cours du sepsis [208], [240]. L’engagement des TLR mégacaryocytaires, au contraire, serait plutôt en faveur d’une surproduction de plaquettes.

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Une autre hypothèse incrimine la coagulopathie induite par le sepsis, qui entraîne une CIVD. Des thrombi disséminés immobiliseraient les plaquettes [215]. Les résultats de Tyml

et al. le confirment dans un modèle murin de sepsis [213].

Plus récemment, la communauté scientifique s’est intéressée à l’apoptose plaquettaire. Ce mécanisme de mort cellulaire implique une importante étape de transformation nucléaire impliquant une condensation de la chromatine, suivie de la fragmentation de l’ADN. De ce fait, ce phénomène a été restreint aux cellules nucléées. Etonnamment, l’apoptose a également été décrite au niveau des érythrocytes [241] où la mort cellulaire se produit tout en contournant les évènements qui se produisent au niveau du noyau et forme des corps apoptotique nommés echinocytes.

Classiquement, l’apoptose dite « mort cellulaire programmée » peut être déclenchée par deux types de stimuli. On parle alors de voie intrinsèque et de voie extrinsèque.

La voie extrinsèque fait intervenir des récepteurs de mort cellulaire, tel que le récepteur « apoptosis stimulating fragment » (Fas) qui a pour ligand les protéines de la famille « tumor necrosis factor » (TNF). L’engagement de Fas provoque une trimérisation du récepteur qui devient alors actif, ce qui lui permet de recruter une molécule adaptatrice, « Fas-associated protein with death domain » (FADD). FADD contient également un domaine de liaison à la procaspase-8. La formation de ce complexe entraine le clivage de la caspase-8 qui est alors produite sous sa forme dimérique active. La caspase-8 va alors, soit activer la cascade séquentielle des différentes caspases, soit la voie mitochondriale décrite ci-dessous.

La voie intrinsèque se déclenche suite à un stress cellulaire, comme le stress oxydatif. En condition physiologique la protéine « B-cell lymphoma-2 » (BCl-2)et d’autres protéines homologues maintiennent l’intégrité de la membrane mitochondriale. En condition de stress, ces protéines sont dégradées. Il se forme alors des pores de transition à la surface de la mitochondrie, conduisant à son gonflement puis son éclatement. Le cytochrome C est alors libéré dans le cytoplasme et va pouvoir activer la cascade des caspases [242] .

Dans les deux cas, les voies vont converger pour activer la caspase 3 qui possède de nombreux substrats. Les effets de la caspase 3 se visualisent aussi bien sur des protéines nucléaires impliquées dans la réparation de l’ADN que sur des protéines cytoplasmiques comme la gélosine qui est un régulateur de cytosquelette. Le clivage de molécules impliquées dans la structure et la réparation cellulaire va provoquer la fragmentation de l’ADN et du cytosquelette, mais la membrane plasmique reste intacte. Lors de la formation de corps

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apoptotiques, il se produit une modification dans la répartition des phospholipides, appelée « flip flop membranaire », qui expose les phosphatidylsérines (PS) à la surface membranaire. Les PS constituent un signal « eat-me » pour les cellules phagocytaires, qui permettent l’élimination des corps apoptotiques [242].

Il s’avère que les plaquettes possèdent également la machinerie apoptotique. Les plaquettes expriment les caspases 1, 3, 4 et 9. Une expression plus réduite est observée pour les caspases 2, 6 et 8 et aucune expression des caspases 5, 7 et 10 n’a pu être mise en évidence. Fas n’est pas exprimé au niveau des plaquettes, mais elles possèdent d’autres récepteurs de mort cellulaires tels que DR3, DR5, le TNF-récepteur p55 et RIP. Les plaquettes expriment également les protéines de la famille Bcl-2 : Bcl-X, Bfl1, Bad, Bak, Bax et Mc1 [243] .

L’activation des ces molécules apoptotiques a été mise en évidence au cours du stockage de concentrés plaquettaires. Après 5 jours de conservation dans les conditions standards des banques de sang, la viabilité des plaquettes diminue. Cette mort plaquettaire s’accompagne de l’augmentation des PS à la surface cellulaire et d’une augmentation de l’activité de la caspase 3. L’activation de la caspase s’effectue d’une manière spécifique car l’utilisation d’un inhibiteur (z-VAD-fmt) permet de stopper ce processus. La mort plaquettaire est donc bien associée à une l’apoptose spécifique [243].

Cette première étude a montré l’indépendance de l’apoptose et de l’activation plaquettaire car l’exposition des PS était indépendante de l’augmentation de l’expression du marqueur d’activation CD63 et l’activation par la thrombine n’avait aucun effet sur l’activité de la caspase 3. Cependant, la communauté scientifique n’est pas unanime. Il a même été montré qu’une stimulation par la thrombine induisait une dépolarisation de la membrane mitochondriale, l’expression de molécules pro-apoptotiques (Bax, Bak), l’activation de la caspase-3 et l’exposition des PS à la membrane [244] . L’action de la thrombine ne serait pas directe et nécessiterait la libération de facteurs plaquettaires capables d’induire l’apoptose. Lors de leur stockage, les plaquettes libèrent de nombreux facteurs solubles. Parmi eux, le TNF- qui est un fort inducteur de l’apoptose, via l’induction des caspases.

La durée de vie des plaquettes pourrait donc être contrôlée par l’apoptose. La caspase-9 par exemple est requise pour la mort des plaquettes et des mégacaryocytes mais n’intervient pas dans leur production, ni leur fonctionnalité [234].

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La famille Bcl-X a également été mise au cœur de la survie plaquettaire. Ces molécules détermineraient même leur durée de vie. Deux mutations faux-sens de Bcl-X sont capables d’accélérer la mort plaquettaire et d’entrainer de profondes thrombopénies [246].

Par ailleurs, il a été montré qu’une souche d’E. coli isolée chez un patient présentant un sepsis était capable d’induire des manifestations apoptotiques des plaquettes, telles qu’une condensation de l’actine, une baisse du potentiel mitochondrial et la dégradation de Bcl-X. L’utilisation de souches mutante et non pathogènes a permis de montrer que seules les souches pathogènes libérant des toxines formant des pores ont la capacité de dégrader Bcl-X. Il s’agit de l’α-toxine d’E. coli et de S. aureus. Ces toxines agissent probablement sur la calpaïne car cette protéine est à l’origine de la dégradation de Bcl-X. Par contre, l’inhibition du protéasome ne parvient à prévenir la dégradation de la protéine pro-apoptotique [247]. Cette étude est la première démonstration qu’une bactérie pathogène peut jouer sur le déclenchement intrinsèque de l’apoptose plaquettaire. La dégradation de Bcl-X suggère un nouveau mécanisme par lequel les bactéries pourraient provoquer la thrombopénie observée chez les patients bactériémiques. Ce mécanisme pourrait alors expliquer pourquoi la dépolarisation de la membrane mitochondriale (ΔΨm) est augmentée dans les plaquettes de patients SIRS [248]. La diminution du ΔΨm pourrait même être associée à la progression du SIRS.