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CHAPITRE 2 : PLAISIR ET ÉMOTION : PERSPECTIVE PSYCHOLOGIQUE

2. Plaisir

1. INTRODUCTION

Dans la vie quotidienne, une personne expérimente la plupart du temps le plaisir et la motivation sans jamais se soucier des conditions de l’activité qui consiste à interpréter ces phénomènes, ni leurs implications.

Par exemple, un hockeyeur, motivé à jouer un match, expérimente un sens du plaisir pendant cette activité exigeante. Alors que ses capacités tactiques, musculaires et cardio-vasculaires sont sollicitées pendant trois périodes de 20 minutes, au signal de fin de match, il devient conscient d’un autre de ses besoins corporels. Il expérimente une excitation corporelle qui provient de son estomac. Il ressent un nouvel état de tension qui règne dans son corps et il l’interprète comme étant la faim. Poussé à combler cette nouvelle sensation, il n’a plus envie de retourner sur la glace pour jouer un autre match. Son désir du plaisir qui accompagne un repas prend plutôt le dessus sur son plaisir de continuer à jouer. Sans trop de réflexion, sa motivation est dirigée vers une autre activité humaine : celle de se nourrir.

Quel lien existe-t-il entre le plaisir et la motivation décrits par cette illustration tirée du domaine du sport? Les deux prochains chapitres considéreront quelques concepts fondamentaux de la « patinoire » que constitue la psychologie contemporaine, avant de nous engager au chapitre suivant, dans la psychologie du sport.

Ce chapitre vise à donner au lecteur une brève définition du plaisir selon la société occidentale. Par la suite, nous présenterons différentes théories de l’émotion afin de situer notre problématique dans son contexte psychologique. Chaque théorie vise une meilleure compréhension de la complexité des émotions humaines. Finalement, une appréciation de ces théories sera proposée selon une perspective chrétienne évangélique.

2. PLAISIR

2.1. Idée du plaisir dans la société contemporaine

Pour Baker (2007), dans le contexte urbain occidental, la quête du plaisir est évidente et n’a pas changé depuis plusieurs siècles. Pour les masses culturelles, le plaisir semble être une chose qu’il faille acheter. Baker observe le lien hédoniste entre le corps et la consommation économique66, qui réside autant dans les centres urbains contemporains que dans les villages puritains du XVIIIe siècle de la Nouvelle- Angleterre. Dans les deux cas, les commerçants ont su maîtriser l’art de faire de l’argent en se basant sur la soif humaine de plaisir67.

Schmuck et Sheldon (2001), chercheurs dans le domaine du bien-être humain, critiquent cette tendance populaire vers l’hédonisme. Selon ces auteurs, les masses culturelles contemporaines jouissent d’une plus grande liberté, quant à la recherche du bonheur, qu’à toute autre époque de l’histoire humaine. Malgré le libre accès à l’éducation et l’affranchissement à l’égard d’une contrainte morale étouffante, les masses en dépit de toutes ces opportunités d’atteindre le bonheur, se dirigent dans une mauvaise direction. Schmuck et Sheldon rejettent les suppositions populaires que le bonheur se trouve dans les richesses matérielles qui contribueraient à maximiser le plaisir tout en minimisant l’effort68.

Rutsky et Wyatt (1990) adoptent une perspective tout à fait différente par rapport au plaisir populaire. Ils constatent également que les plaisirs amusants sont étroitement associés aux masses culturelles américaines. De plus, la culture américaine de masses est exportée autour du monde par l’intermédiaire des films américains. Ces films, considérés comme amusants (fun), ridiculisent cependant ceux qui sont en position d’autorité. En conséquence, selon Rutsky et Wyatt, ce plaisir divertissant, qu’il s’agisse du cinéma ou encore de l’humour américain, intervient

66 « Emploi d’un bien ou d’un service à la satisfaction d’un besoin, impliquant la destruction de ce bien

ou de ce service. » tiré du Grand dictionnaire terminologique, de l’Office québécois de la langue française, consulté le 14 mars 2008 sur

[http://w3.granddictionnaire.com/btml/fra/r_motclef/index1024_1.asp].

67 BAKER, William J., op. cit., p. 19.

68 SCHMUCK, Peter et Kennon M. SHELDON, « Life goals and well-being: To the frontiers of life

goal research », tiré de Life goals and well-being: Towards a positive psychology of human striving, Toronto, Hogrefe & Huber Publishers, 2001, p. 2.

pour niveler les classes sociales et faire avancer les valeurs démocratiques ailleurs dans le monde69.

Afin de nous aider à déceler les différences qui subsistent à l’intérieur même du phénomène du plaisir, Rutsky et Wyatt établissent une distinction entre le plaisir sérieux et celui qui est non sérieux ou amusant. Dans les plaisirs sérieux, une personne trouve son contentement soit de manière autoritaire et rationnelle, en excluant ou abaissant un autre70, ou en s’abandonnant d’une manière radicale au contrôle d’une autre force plus grande qu’elle71. Le plaisir non sérieux et amusant n’est pas opposé au sérieux, mais il est capable de rire de lui-même quand il devient trop sérieux72.

Davidson (1999) fait une distinction entre les émotions positives, comme celle du plaisir généré lorsqu’un organisme approche de son but, et celles que comporte la joie ou la satisfaction qui constitue le résultat obtenu lorsque ce même organisme a atteint son but. En ce sens, le plaisir est compris comme une émotion antérieure à l’appétitif, et la joie, ultérieure73.

Enfin, Solomon (2000) note que toute émotion poursuit un objet, une personne ou un événement74. D’une manière déductive, le plaisir aussi doit posséder un objet dont la personne retire du plaisir.

Pour comprendre le plaisir, soit dans le contexte des masses occidentales ou au sens pragmatique des activités quotidiennes, le point de départ consiste à notre avis à réaliser qu’il s’agit d’une émotion humaine. Pour nous faire progresser dans la compréhension du plaisir nous proposerons, dans la section qui suit, d’abord une bref historique des débats pertinents dans l’étude de l’émotion, une définition scientifique de l’émotion et enfin, différentes théories contemporaines de l’émotion.

69 RUTSKY, R.L. et Justin WYATT, « Serious pleasures: Cinematic pleasure and the notion of fun »,

Cinema Journal 30, No,1, Fall 1990, p. 15.

70 Ibid., p. 6. 71 Ibid., p. 9. 72 Ibid., p. 10.

73 DAVIDSON, Richard J., « Neuropsychological perspectives on affective styles and their cognitive

consequences », tiré de Handbook of cognition and emotion, T. Dalgleish and M. Power (Eds), Chichester, England, John Wiley & Sons, 1999, p. 107.

74 SOLOMON, Robert C., « The philosophy of emotions », tiré de Handbook of emotions, M. Lewis,