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CHAPITRE 3 : MOTIVATION : PERSPECTIVE PSYCHOLOGIQUE CONTEMPORAINE

4. La relation entre le plaisir et la motivation

Malgré le fait que Platon ait divisé l’âme en trois parties (connaissance, émotion et motivation), Aristote a contesté la possibilité de cette division. Les chercheurs contemporains dans le domaine de la psychologie suivent l’approche holistique d’Aristote et visent à entretisser la connaissance, l’émotion et la motivation162. Par exemple, Izard et Ackerman partent de la prémisse que les émotions jouent le rôle primaire dans le système de la motivation du comportement humain163.

Les auteurs notent que la motivation et l’émotion ont la même origine étymologique : du latin movere qui signifie se mouvoir164. En psychologie de l’émotion et de la motivation, on s’intéresse donc à ce qui meut (et émeut) l’être humain. Revenons donc à la définition de l’émotion offerte au chapitre 2 et à celle de la motivation, proposée ci-dessus, pour faire ressortir ce lien.

Il existe trois composantes d’une émotion : des réponses physiologiques,

comportementales-expressives et cognitives-expérientielles. Puisque la motivation est

161 Tel que présenté dans COX, R. H., op. cit., p R.H., p. 25-27. 162 SCHERER, K. R., op. cit., p. 142.

163 IZARD, Carroll E., et B.P. ACKERMAN, op. cit., p. 253.

164 Le lecteur avec son arrière-plan herméneutique peut décider pour lui-même du poids qu’il veut

associée au déclenchement, à la direction, à l’intensité et à la persistance du comportement, la composante comportementale-expressive de l’émotion est directement reliée à la motivation. Prenons un exemple concret pour illustrer ce lien.

Vivant dans la solitude et étant dépourvue de la motivation/énergie nécessaires pour faire le ménage chez elle, une personne âgée pourrait bien retrouver sa joie en apprenant que sa famille arrivera en ville prochainement pour lui rendre visite. La composante cognitive-expérientielle de la joie d’apprendre cette nouvelle pourrait déclencher la composante comportementale-expressive qui nourrira la motivation et l’énergie essentielles pour se préparer à une telle visite. En ce sens, l’émotion est la manifestation du potentiel inscrit dans la personne et selon Kirouac, elle « s’actualise au moment où un stimulus significatif le met en branle165. »

Comment la dimension de l’affect positif associé au plaisir exerce-t-elle un rôle sur la motivation selon ces différentes théories?

Contrairement à la peur ou à la colère qui réduisent la quantité d’information qui peut être traitée et produisent un effet d’entonnoir, le plaisir ou la joie augmente le spectre d’information qu’une personne peut traiter166. Le plaisir ou la joie, lorsqu’associés à l’intérêt, semblent susciter le sentiment d’être engagé dans une activité ou d’être curieux d’obtenir plus d’informations sur un objet d’intérêt. En état d’intérêt intense, la personne se sent animée et vivante. Les théories cognitives prônent donc le rôle d’un choix conscient et raisonné dans la motivation. Dans l’exemple décrit ci-dessus, les connaissances qui permettent à l’individu d’atteindre son objectif (faire le ménage) sont associées à la considération métathéorique sociale : anticipation de la visite de sa famille et le plaisir qui en résulte.

D’autres théories cognitives mettent l’accent sur d’autres processus cognitifs. Par exemple dans la théorie de l’équité proposée par Adams, les individus sont stimulés par les inéquités qu’ils perçoivent lorsqu’ils comparent leur situation à celle d’autres personnes ou groupes167. Les individus préfèrent en général être traités de

165 KIROUAC, Gilles, « Les émotions », tiré de (dir,) R. J. Vallerand et E. Thill, Introduction à la

psychologie de la motivation, Laval, Éditions Études vivantes, 1993, p. 47.

166 Notes de cours Motivation et émotion, PSY 1045, Université de Montréal, p. 16. 167 DOLAN, S. L., G. LAMOUREUX, E. GOSSELIN et S. DOLAN, op. cit., p. 102.

façon juste et impartiale par rapport aux autres dans des situations semblables. Si une personne perçoit une injustice en se comparant à autrui, elle expérimente alors une insatisfaction qui théoriquement l’incitera à éliminer la tension psychologique en la motivant à agir, contrairement à la personne qui, en se comparant à autrui se voit avantagée. De cette comparaison, nous constatons que l’individu tire du plaisir qui peut soit l’inciter à travailler pour changer une injustice, soit l’amener à maintenir cet écart en sa faveur.

Selon la théorie du drive proposé par Hull, un état de privation physiologique (par exemple la faim, la soif, l’élimination des déchets ou la sexualité) se développe graduellement. Avec le temps, le besoin s’intensifie et donne naissance à une pulsion (drive) qui est un état motivationnel d’inconfort psychologique provoqué par des changements ou déficits physiologiques. Plus la privation est de longue durée, plus le besoin devient saillant et envahissant pour l’individu. En conséquence, la personne investit l’effort nécessaire pour remédier à la situation. Lorsque la pulsion est réduite par la satisfaction du besoin physiologique, l’individu éprouve le sentiment temporaire du plaisir associé à l’état de satiété168.

La théorie des besoins de Maslow (Figure 4) ressemble en partie à la théorie du drive de Hull. Sauf qu’elle est humaniste et non déterministe, reconnaissant une structure hiérarchique des besoins ajoutés au-dessus des besoins physiologiques de Hull169.

Maslow a proposé que l’humain est motivé premièrement à satisfaire les besoins qui se situent à la base de la hiérarchie des besoins. Suivant le principe de progression, l’individu satisfait ses besoins aux niveaux plus élevés en vue de réaliser son plein potentiel en tant qu’individu. Selon cette théorie, le plaisir vient de la croissance de l’individu en tant que personne. Par exemple, en vue d’assurer son développement au niveau de son besoin d’estime, l’individu pratiquera et se

168 REEVE, J. M., op. cit., p. 74.

perfectionnera dans un sport jour après jour, en retirant un plaisir de la satisfaction de son besoin de compétence170.

Figure 4. Hiérarchie des besoins de Maslow

Besoins d’actualisation de soi :

Développement de ses potentialités

Besoins d’estime de soi :

a) Se voir comme compétent b) Admiration et respect

Besoins d’appartenance et d’amour :

Amitié et amour

Besoins de sécurité :

Sécurité, stabilité, protection, être à l’écart de la peur et du chaos, Structure et ordre

Les besoins physiologiques :

Incluant la faim, la soif, le sommeil

La théorie des deux facteurs de Herzberg ressemble à celle de Maslow sauf qu’elle organise les besoins autour des deux catégories de la métathéorie de la stabilité/croissance : les facteurs d’hygiène, ceux qui consistent à se prémunir contre le danger, la privation et la douleur ainsi que les facteurs de motivation, qui comblent le besoin de s’épanouir171. Ces deux catégories de besoins s’étendent sur

deux continuums indépendants l’un de l’autre. Le fait d’atténuer les besoins du continuum des facteurs d’hygiène change une insatisfaction de l’individu en une non-

insatisfaction. Combler les besoins du continuum des facteurs de motivation modifie

une non-insatisfaction en une satisfaction172. Selon cet exemple, d’une part, le fait

d’avoir un emploi dans une entreprise qui offre à ses employés de nombreux avantages sociaux engendre de la non-insatisfaction. Bien que la présence de ces

170 REEVE, J. M., op. cit., p. 38.

171 DOLAN, S. L., G. LAMOUREUX, E. GOSSELIN et S. DOLAN, op. cit., p. 84. 172 Ibid.

avantages n’apporte pas de plaisir, l’absence de ces avantages créera du mécontentement (insatisfaction). D’autre part, le fait d’avoir la possibilité d’être promu dans l’entreprise et la reconnaissance accordée pour avoir accompli un bon travail engendre de la satisfaction et en conséquence du plaisir d’une situation de

non-insatisfaction173.

Selon la théorie du conditionnement opérant de Skinner, la motivation est apprise. Suivant une considération déterministe et normalisée, les comportements sont conditionnés « par le biais des conséquences qui y sont associées174 ». Un comportement est adapté et répété en fonction d’un plaisir tiré d’un renforcement positif.

Tous ces exemples démontrent les différentes manières par lesquelles le phénomène du plaisir peut être relié à la motivation humaine.

Dans la dernière section qui suit, nous apporterons quelques interrogations sur la définition de la motivation selon Vallerand et Thill et le paradigme matérialiste qui domine les métathéories de la psychologie contemporaine. Nous la conclurons par des exemples tirés d’un cadre d’interprétation évangélique qui pourrait ouvrir à l’étude de la motivation humaine une autre piste, inconcevable à la psychologie contemporaine.

5. APPRÉCIATION DE CES THÉORIES DE LA MOTIVATION SELON UN