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CHAPITRE 6 : PLAISIR ET MOTIVATION : DIALOGUE

3. Réflexions psychologiques au profit d’une discussion théologique de la spiritualité

3.1. Contribution de la psychologie sur la composante affective du croyant

Piper, suivant Edwards (1996), établit la distinction entre la croyance

rationnelle du croyant affirmant que Dieu est glorieux et son sentiment de la

condition glorieuse de Dieu dans son cœur349. Dans sa discussion, Piper fait référence au terme sentiment comme étant la perception spirituelle du croyant, qui consiste à voir la beauté de Jésus-Christ avec les yeux du cœur350. Cette nouvelle perception de Jésus est un don provenant de l’Esprit de Dieu. Le terme croyance rationnelle fait référence à « la perception physique351 » de l’humain. En conséquence, Piper associe le sentiment au domaine spirituel et la perception physique à l’entendement rationnel. Une appréhension de la beauté de Christ par le croyant « conduit toujours à un

348 1 Corinthiens 10,31

349 EDWARDS, J., « A Divine and Supernatural Light », dans K.P. Minkema (Ed.), The Works of

Jonathan Edwards (Vol. 17), New Haven, CT, Yale University Press, 1996, p. 412, cité dans PIPER, J., Ibid., pp. 81-82.

350 Ibid., p. 81. 351 Ibid., p. 82.

acquiescement…, les deux peuvent être tellement liés quand nous les ressentons, que nous ne pouvons plus les distinguer352. »

Quoique nous acquiescions au lien entre l’entendement rationnel et les sentiments décrits par Piper, nous sommes d’avis que la division établie par Piper entre le physique et le spirituel dans la psychologie du croyant peut être mieux nuancée. Il nous semble qu’une révision de la définition des termes caractérisant les émotions employés par la psychologie moderne peut apporter plus de clarté.

Rappelons les définitions utilisées au chapitre deux de ce mémoire pour décrire la composante affective de l’humain. D’abord, le terme affect, et les mots de sa famille lexicale, englobant tous les autres concepts de l’émotion. Cette composante humaine se distingue des dimensions physiologique, cognitive et volitive de l’humain et exerce une influence sur elles. Puis, le terme émotion selon Luminet qui correspond à des « [r]éponses extrêmement rapides de l’organisme suite à certaines circonstances [habituelles ou] inhabituelles de l’environnement qui se caractérisent par un ensemble de réponses physiologiques, comportementales-expressives et

cognitives-expérientielles concomitantes353. » Enfin, le terme sentiment, qui est le « [t]erme qui fait spécifiquement référence à la composante cognitive-expérientielle de l’émotion354. » En l’occurrence, ce que la personne ressent du côté subjectif est ce qu’elle désignera comme son état affectif à ce moment précis. En conséquence, le phénomène du sentiment tombe dans une sous-catégorie de l’émotion et celui de l’émotion dans une sous-catégorie de l’affect. En d’autres mots, le sentiment fait partie de la composante affective chez l’humain.

Cette distinction venant de la psychologie moderne nous aide à énoncer comment la composante affective du croyant évangélique, sur le plan psychologique, joue un rôle sur sa motivation dans sa quête spirituelle : soit celle de nourrir sa foi ou de l’étouffer.

352 Ibid., p. 82.

353 LUMINET, O., op. cit., p. 110. 354 Ibid., p. 214.

3.1.1. La foi nourrie par l’affect positif

Pour évoquer la citation de Binney trouvée en Piper : « Le plaisir doit précéder l’illumination ou plutôt le plaisir est l’illumination355 », ne serait-il pas plus justifiable de dire que l’illumination n’est pas réservée seulement à la composante de l’entendement rationnel mais aussi à la composante affective? Par illumination, nous voulons décrire l’action du Saint-Esprit sur le croyant, par l’utilisation de la parole de Dieu entendue, pour qu’il voie avec les yeux du cœur et croie en Jésus-Christ soit pour parvenir au salut, soit pour grandir dans sa foi.

Nous proposons que par une action spirituelle et mystérieuse, le Saint-Esprit illumine d’une part, la connaissance du croyant pour qu’il comprenne l’évangile et l’accepte. D’autre part, l’Esprit illumine l’affect du croyant pour que la personne de Jésus-Christ et son œuvre rédemptrice deviennent agréables au croyant. L’illumination éveille d’un côté un désir agréable chez le croyant à l’égard de la personne de Christ et par ailleurs une compréhension rationnelle et une gratitude profonde pour le prix que Jésus-Christ a payé pour expier son état pécheur. Il s’agit de l’œuvre de l’illumination dans les composantes affective et cognitive du croyant et elle suscite et nourrit l’élément surnaturel de sa foi, dans la quête spirituelle de toute sa vie. À son tour, cette foi suscite la motivation chez le croyant d’acquérir une compréhension accrue en ce qui concerne la connaissance (théologique) ainsi que dans le domaine affectif (dévotion). Ces composantes cognitive et affective combinées à la composante volitive contribuent à la motivation humaine qui se traduit par l’action de produire du fruit digne de la foi envers Dieu et envers son prochain356.

Prenons pour exemple, l’expression la connaissance de Christ, comme elle est utilisée par l’apôtre Paul dans ses épîtres357. Nous proposons que cette connaissance implique une démarche cognitive et une expérience affective du Sauveur. Cette connaissance plus riche a aidé Paul à persévérer (composante cognitive) et à se

355 Thomas Binney (1798-1874) était un pasteur anglais congrégationaliste. Citation des « Sermons »

de Thomas Binney, tirée du livre de Charles Haddon Spurgeon, The Treasury of David, 3 vol., Mclean, VA, Macdonald Publishing Company, n.d., vol 1, p. 131. Cité dans PIPER, J., op. cit., p. 82.

356 Matthieu 22, 37

réjouir (composante affective) même durant l’emprisonnement et devant la menace de la mort358.

3.1.2. La foi étouffée par l’affect négatif

Selon Lewis (2000), les mécanismes de défense chez l’humain peuvent empêcher qu’une émotion soit ressentie359. C’est-à-dire qu’une personne peut être motivée à agir inconsciemment soit dans le sport ou dans la spiritualité chrétienne évangélique à partir d’affects négatifs comme la colère, la peur ou la culpabilité. Quoiqu’efficace comme source de motivation à court terme, il est difficile de maintenir une telle motivation au cours des années. En conséquence, la personne, se fatigue à la longue, s’épuise et perd sa motivation. La logique de cet argument suggère qu’un croyant qui délaisse sa foi a peut-être entrepris sa quête spirituelle pour les mauvaises raisons.

Il est évident qu’être motivé à partir d’affects positifs comme la joie et la gratitude envers la grâce de Dieu semble préférable à la motivation qui découle de la culpabilité.

3.2. Contribution de Vallerand au sujet de la motivation du croyant