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2. Vers la métaphore

2.2. Plaidoyer pour la référence

L’entreprise structuraliste peut être résumée, aux yeux de Ricœur, comme celle qui élude le niveau de manifestation du langage, la parole vive, pour se diriger directement vers ses composantes irréductibles. Ce faisant, elle fond les différents niveaux d’organisation du langage en une seule classe homogène : le signe. C’est ce que Ricœur dénonce comme le postulat du monisme du signe97, qui place la sémiotique comme seule science du langage et en évacue le sujet en même temps que la signification, qui relèvent de l’emploi et de l’usage in praesentia plutôt que du schéma in absentia. Ricœur oppose à ce trajet analytique la voie inverse « de la synthèse, [où] se révèle la fonction de la signification qui est de dire, et finalement de “montrer”98 ». Dans le but de rendre justice à la complexité et l’hétérogénéité du phénomène langagier, le philosophe se doit donc de penser l’unité de la langue et de la parole isolées depuis Saussure, et corrélativement le sens, le signe et la référence. Cela revient non pas à résorber cette opposition et celles qui en découlent, mais à les déplacer grâce à une cartographie rigoureuse des niveaux de langage. Les classes distinguées devront impérativement être irréductibles les unes aux autres. Ricœur se réclame d’abord (dans Le conflit des interprétations) d’un dualisme issu d’Émile Benveniste Ŕ qui s’oppose au monisme sémiotique Ŕ entre la sémiotique d’une part, qui porte sur l’unité linguistique qu’est le mot, et la sémantique99 d’autre part, à laquelle

96 Paul RICŒUR, « Existence et herméneutique », dans CI, p. 20 (nous soulignons). 97 Paul RICŒUR, MV, pp. 129-133.

98 Paul RICŒUR, « Le problème du double-sens comme problème herméneutique et comme problème

sémantique », loc. cit., p. 65.

99 Pour éviter toute confusion, spécifions que nous utilisons le terme « sémantique » dans le sens où

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correspond le niveau de la phrase. Cette dichotomie deviendra trichotomie dans La

métaphore vive, où l’herméneutique viendra s’approprier le niveau du texte, et s’appliquer à

l’investigation de la référence.

a) Le dualisme benvenistien : sémiotique et sémantique

La distinction saussurienne initiale entre langue et parole est ressaisie par Benveniste comme celle entre langue et discours (Ricœur parlera pour sa part de système et d’acte, de

structure et d’événement). Il ne s’agit pas de remplacer un couple par un autre, mais de

réintégrer dans la linguistique ce qui n’était pour l’intelligence structurale qu’un résidu de l’analyse. Là où le structuralisme se détournait de la parole, qui ne se laisse pas maîtriser par la classification, pour asseoir la linguistique sur le seul signe, Benveniste fait reposer le langage sur deux sortes d’unité, toutes deux soumises à l’investigation : il y a d’une part les unités de langue ou signes, qui sont l’objet de la sémiotique; il y a d’autre part les unités de discours ou phrases, qui sont l’objet de la sémantique. Répertorions, pour la suite, les couples100 qui distinguent le discours du signe.

1) Le discours, contrairement à l’a-temporalité et la virtualité du système de signes, est de l’ordre de l’acte, donc de l‟événement.

2) Le discours, contrairement aux éléments du système liés par la contrainte, consiste en une suite de choix du locuteur où certaines significations sont élues et d’autres exclues.

3) Ces choix permettent que prenne place, au sein du langage, l’innovation via la composition et la compréhension de phrases inédites Ŕ dont Chomsky soulignera avec justesse le nombre virtuellement infini. À cela s’oppose le répertoire fini des signes.

4) Le discours, contrairement à l’anonymat du système qui est détaché des êtres parlants, implique subjectivité et intersubjectivité. En effet, « il y a parole là où un sujet peut reprendre dans un acte, dans une instance singulière de discours, le système de signes que la langue met à sa disposition; ce système reste virtuel tant qu’il n’est pas accompli, réalisé, opéré par quelqu’un qui, en même temps, s’adresse à un autre101 ». Le discours est foncièrement phénomène de communication et, ce faisant, est un dire à.

5) Suivant Frege et Husserl, le discours pointe en dehors de lui-même vers une référence : « Cette avance du sens (idéal) vers la référence (réelle) est l’âme

qui lui sont corrélatifs. Celle-ci est à distinguer de la « sémantique structurale », notamment développée par A. J. Greimas, qui se situe, comme son nom l’indique, dans le giron structuraliste.

100 Sur ceux-ci, voir « La structure, le mot, l’événement », loc. cit., pp. 87-89. 101 Paul RICŒUR, « La structure, le mot, l’événement », loc. cit., p. 88.

45 même du langage102 ». Les signes, au contraire, évoluent en vase clos au sein du système.

Le mot détient la position intermédiaire qui fait communiquer le signe et la phrase. En effet, deux types de relation unissent les composantes du langage (phrase, mot, phonème) : la dissociation et l’intégration. D’un côté, la dissociation : les phrases se découpent en segments que sont les mots; les mots se divisent, à leur tour, en phonèmes. Or cette atomisation ne caractérise que la forme des unités linguistiques. De l’autre côté, l’intégration : les mots se combinent en une phrase qui constitue un tout irréductible à la somme de ses parties. Au niveau de la phrase, le sens de l’unité linguistique émerge. Le mot se situe à la croisée des chemins, à la jonction des unités de langue et des unités de discours. Le mouvement le plus intéressant est pour nous celui, inverse à celui du structuralisme, d’ascension vers le langage effectif. En changeant d’unité par intégration, « on change aussi de fonction, ou plutôt on passe de la structure à la fonction103 »; on passe en somme d’un système virtuel à la description d’un usage réel possible. La voie synthétique qu’emprunte Ricœur s’apparente ainsi à celle de l’intégration benvenistienne. Le passage du mot (saisi comme signe104) à la phrase, puis de la phrase au texte, correspond au mouvement de La métaphore vive : de la sémiotique à la sémantique, de la sémantique à l’herméneutique, ou, encore en d’autres mots, du signe au sens, du sens à la référence.

Pour l’instant, l’important est de constater que ce déplacement de la division du langage modifie les rapports de force. Le signe est détrôné et redevient simple partie au sein du tout Ŕ c’est d’ailleurs le sort que réserve Ricœur au structuralisme linguistique dans son ensemble. Aussi, le sens n’est plus confiné dans des oppositions intralinguistiques et se voit tiré, peu à peu, vers une réalité extralinguistique. C’est l’examen du discours, qui est mis le plus facilement en lumière par son contraste avec le signe, qui mène sur cette piste de la

102 Ibid., p. 87 (nous soulignons). 103 Ibid., p. 87.

104 Pour Ricœur, les notions de signe et de mot se recouvrent dans la sémiotique. Cela s’explique par le fait

que le mot, dans les linguistiques d’inspiration saussurienne, occupe non seulement une position d’intermédiaire, mais le niveau charnière : d’une part les phonèmes ne se distinguent qu’en tant qu’ils influent sur le sens du mot formé, d’autre part la construction de phrases signifiantes présuppose la signification des mots. En ce sens, autant la phonologie que la sémantique de la phrase dépendent de la sémantique du mot. Ce qui fait dire à Ricœur que « le signe saussurien […] est par excellence un mot » et, plus loin, que « [c]’est au seul bénéfice du mot que sont instituées les grandes dichotomies qui commandent le Cours » (Paul RICŒUR, MV, pp. 131-132).

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référence. Deux buts sont ainsi poursuivis : l’un, général, est de formuler une défense de la visée référentielle du langage; l’autre, plus particulier, est de poser dès maintenant la singularité du cas de la métaphore au sein du langage. Celle-ci se trouve en effet à cheval entre certains couples, déjà évoqués, qui distinguent le discours du signe. La métaphore possède en général des aspects systématiques et historiques qui ne peuvent être réduits les uns aux autres ni être éludés, sous peine de dissoudre sa spécificité et de la noyer dans la littéralité.

b) L’intégration du structuralisme

Remettre le domaine du mot et des unités de grandeur inférieure à celle du mot entre les mains de la sémiotique, comme le fait Ricœur à la suite de Benveniste, revient à affirmer que le structuralisme linguistique est justifié à l’intérieur de ses limites théoriques, qui sont celles de la combinaison d’éléments, du répertoire fini de signes, de la taxinomie, en un mot de la langue. Ricœur le reconnaît : ce qui constitue le langage demande une analyse structurale. Mais ce que le langage veut dire et ce sur quoi il dit quelque chose demandent une analyse proprement philosophique. L’unité du savoir recherchée par le philosophe implique donc de délimiter le domaine de légitimité du structuralisme, et non de le rejeter. Ce qui est remis en cause, c’est, nous l’avons dit, sa capacité à atteindre l’essence du langage et à épuiser son intelligence105. Ainsi la réunification de la langue et de la parole aboutit à une relation asymétrique entre sémiotique et sémantique. La sémiotique doit être subordonnée à la sémantique pragmatique, puisque nous ne pourrions pas savoir ce que vaut le signe s’il n’était jamais mis en situation106. Que vaut, que nous dirait le dictionnaire unilingue d’un idiome qui n’a jamais été employé ni ne le sera? La signification du mot semble présupposer son emploi Ŕ passé ou futur Ŕ en contexte, et donc reposer sur le mécanisme entier du langage, locuteurs y compris. Le signe est un signe de par son

105 La théorie chomskyenne d’une grammaire générative (qui travaille à décrire la genèse de tout acte de

parole possible, et non à analyser un corpus d’énonciations déjà émises), par exemple, pourra vaincre le structuralisme « en l’intégrant, c’est-à-dire en le situant exactement à son niveau de validité » (Paul RICŒUR, « La structure, le mot, l’événement », loc. cit., p. 90).

106 Paul RICŒUR, MV, p. 274. Cet argument fait écho à un passage du Cours de Saussure : « Comment

s’aviserait-on d’associer une idée à une image verbale, si l’on ne surprenait pas d’abord cette association dans un acte de parole? » (Ferdinand DE SAUSSURE, Cours de linguistique générale, Payot, Paris, 1978, p. 37). Cela nous pousse à réaffirmer le caractère nuancé des propos saussuriens. Le monisme sémiotique détient encore des limites et des contreparties qui s’effaceront chez des auteurs postérieurs. C’est à cette radicalisation, érigée sur les postulats de Saussure mais reconstruite sans référence à des auteurs particuliers, que nos considérations s’adressent en premier lieu.

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abstraction du langage en contexte d’usage. Le point de vue adopté ici est inverse à celui

du structuralisme, pour lequel la parole effective est un résidu de l’analyse. La primauté de la parole sur la langue n’est pas seulement « historique » ou temporelle, mais méthodologique, puisque la sémiotique repose en dernière instance sur le langage employé en contexte. L’intégration de la sémiotique au sein de l’étude du langage est de plus en parfaite continuité avec la posture philosophique privilégiée par Ricœur, qui place le travail de pensée dans un balancement constant entre les thèses de divers disciplines et philosophes. Ce faisant, la portée et les limites des théories en jeu sont mises au jour; ce qui est conservé peut être par la suite articulé dans un souci de complémentarité exempt d’éclectisme. Dans l’œuvre qui rassemble la version la plus unifiée et la plus concise de sa théorie du langage et de l’interprétation, sobrement intitulée Interpretation Theory107, Ricœur décrit d’ailleurs le cercle herméneutique comme une dialectique entre explication et compréhension108, c’est-à-dire entre analyse et synthèse. Cette dialectique, tout comme celle qui gouverne le mot et la phrase, admet toutefois une hiérarchie : l’explication n’est confirmée que lorsqu’elle est réinscrite dans la compréhension. Ricœur résume cette réciprocité par l’expression « expliquer plus, c’est comprendre mieux », que nous trouvons développée en un autre texte :

107 Interpretation Theory, The Texas Christian University Press, Fort Worth, 1976, 107 p.

108 Cette distinction est notamment héritée des travaux épistémologiques de Wilhelm Dilthey, qui réservait la

méthode explicative aux sciences de la nature et la méthode compréhensive aux sciences de l’esprit. Hans- Georg Gadamer, reprenant mais rénovant cette dichotomie, a cherché à légitimer des expériences de vérité hors du champ de la méthodologie scientifique. Ainsi, une opposition subsiste entre sciences naturelles et humaines Ŕ comme le titre de son grand œuvre, Vérité et méthode, en témoigne. L’originalité de Ricœur réside dans la définition de l’interprétation comme dialectique réglée de la compréhension et de l’explication. Cela fait dire à John Arthos que Ricœur ligote par là l’herméneutique et l’expérience de compréhension à l’analyse « scientifique », et donc au travail du savant : « But in Ricœur, explanatory analysis is cast as a dialectical partner to the cultivation of understanding as a human competency. […] Ricoeur fuses without remainder the explanatory work of research to the common human act of reading, listening, witnessing (literature, poetry, etc.). The integration of explanation and understanding yields a hermeneutics that is tied to the scholarly task. […] The scholarly task, the work of the expert, is suddenly positioned well above its hermeneutic paygrade » (John ARTHOS, « The Scholar and the Pub Crawler: Revisiting the Debate between Ricoeur and Gadamer », Journal of French Philosophy, vol. 16, no. 1/2 (printemps-automne 2006), pp. 74-75). Gadamer viendrait au contraire, selon l’auteur, affirmer la prédominance absolue de la compréhension Ŕ qui est un mode d’être Ŕ sur toute explication Ŕ qui est un mode dérivé du précédent. Pour Ricœur, comme nous le verrons à l’instant, la compréhension prime aussi sur l’explication en ce qu’elle l’enveloppe et que, au final, l’explication est comme un instrument en vue d’une meilleure compréhension. Du reste, l’objection quasi-politique d’Arthos Ŕ une activité commune, démocratisée, vient dépendre du travail de quelques experts Ŕ paraît démentie par nos expériences de compréhension : une fois un phénomène ou une œuvre expliqués, même par un effort de vulgarisation simplificatrice, ne les comprend-on pas mieux?

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Sur le plan épistémologique, d’abord, je dirai qu’il n’y a pas deux méthodes, la méthode explicative et la méthode compréhensive. À parler strictement, seule l’explication est méthodique. La compréhension est plutôt le moment non méthodique qui, dans les sciences de l’interprétation, se compose avec le moment méthodique de l’explication. Ce moment précède, accompagne, clôture et ainsi enveloppe l’explication. En retour l’explication développe analytiquement la compréhension109.

c) Réfutation par l’expérience

Jusqu’ici, le principal argument qui a poussé Ricœur à limiter la prétention du structuralisme linguistique relevait de sa focalisation sur une conception du signe qui n’admet aucune transcendance. Ériger la langue en système demande d’abstraire le langage de ses conditions d’actualisation pour l’établir en objet stable. La mise en question de cette conception du signe et du primat du mot qui s’y attache a été engagée grâce à la sémantique de la phrase. Il nous reste à compléter cette critique par un plaidoyer pour la référence. C’est bien par un appel à l’expérience contextuelle, qui tombe bien entendu en dehors du système lexical, que le philosophe peut rééquilibrer les rapports entre analyse et synthèse : « L’expérience que nous avons du langage découvre quelque chose de son mode d’être qui résiste à cette réduction. Pour nous qui parlons, le langage n’est pas un objet mais une médiation; il est ce à travers quoi, par le moyen de quoi, nous nous exprimons et nous exprimons les choses110 ». La contribution de cette citation à notre problème réside dans le statut accordé au langage, ici envisagé comme moyen ou milieu à travers lequel se découvrent le sujet (« nous nous exprimons ») et le monde (« nous exprimons les choses »). Le sujet s’y pose, le monde s’y montre. Quelques lignes plus loin, Ricœur ajoute : « Le langage veut disparaître, il veut mourir comme objet ». L’usage du langage dément continuellement sa réification car, de par sa nature de medium, il est transitif et pointe vers autre chose que lui-même111. L’argument paraît convaincant en ce qu’il est confirmé par des expériences de communication les plus communes. À moins de ne pas comprendre la langue parlée ou d’une prononciation hors du commun, les interlocuteurs ne s’arrêtent pas aux sons par lesquels le message est transmis. La lecture présente une expérience similaire,

109 Paul RICŒUR, « Expliquer et comprendre » dans TA, p. 181. 110 Paul RICŒUR, « La structure, le mot, l’événement », loc. cit., p. 85.

111 D’inspiration hégélienne, les remarques de Gadamer sur le sujet vont dans le même sens, et sont

éclairantes : La « médiation est par essence médiation totale. Médiation totale signifie que l’élément médiatisant se supprime lui-même », c’est-à-dire qu’il est complètement transparent par rapport à ce qu’il porte. (Hans-Georg GADAMER, Vérité et méthode, op. cit., p. 138 [125]). Dans ce passage, Gadamer traite du phénomène artistique, mais le langage est aussi conçu, dans Vérité et méthode, comme un tel élément médiatisant.

49 au sens où l’attention n’est pas absorbée par les marques graphiques elles-mêmes, mais par ce qu’elles veulent dire. Toute tentative d’objectivation du langage Ŕ sous la forme de phonèmes, de graphes, de règles syntaxiques, etc. Ŕ contrevient à cette propension du langage à se dissiper pour que se manifestent en pleine lumière son sens et sa référence. Pour le résumer en une formule paradoxale, c’est en s’évanouissant que le langage « devient lui-même; alors il se tait devant ce qu’il dit112 ».

Mais qu’est-ce que le « dire »? Et comment sa propre nature permet-elle au langage de surmonter la clôture des signes? Le structuralisme peut encore, dans une certaine mesure, ressaisir les dernières remarques dans son propre cadre conceptuel, par exemple celui meublé par les notions saussuriennes de signifiant et de signifié. On pourrait alors dire que dans la parole, la partie sensorielle du signe s’efface devant le concept. Mais cette description demeurerait insuffisante, puisqu’elle délaisse une valeur détenue par le verbe « signifier ». Saussure avait choisi les mots « signe », « signifiant » et « signifier » parce qu’ils « s’appellent les uns les autres tout en s’opposant113 ». Un quatrième terme est appelé par ce trio : la désignation, qui est l’action ou le fait d’être le signe linguistique de quelque chose, d’être « mis pour » et de renvoyer à autre chose qu’à soi, mais en vertu de soi. Ce sens est inscrit dans le couple signifiant-signifié, qui comporte une dualité intentionnelle : « les mots, par leur qualité sensible, expriment des significations et […], grâce à leur signification, ils désignent quelque chose. Le mot signifier couvre ces deux couples de l’expression et de la désignation114 ». Les structuralistes peuvent jusqu’à un certain point accepter cette faculté dénotative du mot, si le « quelque chose » en question est intralinguistique (un concept ou un autre signe, par exemple). Ricœur avancera d’un pas en soutenant qu’une « véhémence » anime le langage et le porte par essence à transcender le signe. Pour exposer cette thèse au plan linguistique, Ricœur empruntera à Benveniste le concept d’« intenté » du discours : celui-ci est la visée extérieure au langage, corrélatif de la phrase (alors que l’« instance » de discours correspond au mot). Mais le terme « intenté » renvoie aussi à l’intention, au double sens de la pragmatique et de la phénoménologie husserlienne. Le langage, en emploi et en action, est utilisé en vue de (dans l’intention de)

112 Paul RICŒUR, « Le problème du double-sens comme problème herméneutique et comme problème

sémantique », loc. cit., p. 68.

113 Ferdinand DE SAUSSURE, Cours de linguistique générale, op. cit., p. 99. 114 Paul RICŒUR, DI, p. 22.

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dire quelque chose en un certain moment et endroit. La situation de discours et le sujet parlant sont remis dans leurs droits. De plus, le langage est par excellence intentionnel au sens Ŕ phénoménologique cette fois Ŕ où il vise autre chose que lui-même. Pour exprimer