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1. Définition

Nous allons à présent nous pencher sur la place du médecin généraliste dans la prise en charge de la santé sexuelle de ses patients. La WONCA Europe énonce différents points phares

caractérisant la médecine générale que l’on peut rapporter à ce domaine (40) :

 « Le premier contact avec le système de soins, […] prenant en compte tous les

problèmes de santé […] », dont la sexualité.

 « Elle développe une approche centrée sur la personne dans ses dimensions individuelle, familiale, et communautaire ».

 « Elle utilise un mode de consultation spécifique qui construit dans la durée une relation médecin-patient […] ».

 « Elle a la responsabilité d'assurer des soins continus […], selon les besoins du patient ».  « Elle base sa démarche décisionnelle spécifique sur la prévalence et l'incidence des

maladies en soins primaires ». Ainsi les recommandations concernant les bilans de dépistage des IST dépendent de l’épidémiologie locale.

 « Elle intervient à un stade précoce et indifférencié du développement des maladies, qui pourraient éventuellement requérir une intervention rapide ». Concernant les IST, il s’agit d’intervenir au stade asymptomatique afin de contenir l’expansion des épidémies.  « Elle favorise la promotion et l'éducation pour la santé par une intervention

appropriée et efficace ».

 « Elle répond aux problèmes de santé dans leurs dimensions physique, psychologique,

sociale, culturelle et existentielle ».

Ainsi comme affirmé par les patientes de notre étude, le médecin généraliste constitue le référent de premier recours, avec lequel se construit une relation de confiance au long court. Il se doit de prendre en charge chacun de ses patients, dans leur globalité, en tenant compte de leurs spécificités.

En termes d’IST, il se doit d’apprécier les risques encourus par ses patients en fonction de l’épidémiologie locale, de leur mode de vie et de leurs besoins afin de prescrire des bilans de dépistage adaptés.

89 Par ailleurs il a un devoir de sensibilisation et d’éducation à la santé de façon personnalisée à la sexualité, à l’âge et au mode de vie de ses patients.

Il se doit d’adopter une attitude empathique, bienveillante, non jugeante afin de créer un espace de discussion ouvert.

2. Plan santé sexuelle 2017-2030 :

En termes de santé sexuelle, le ministère de la santé a développé une stratégie nationale de santé sexuelle sur les années 2017 à 2030 qui repose, entre autres, sur le médecin généraliste. Différents objectifs sont ainsi développés (3):

 Conforter la place des professionnels de premier recours et notamment les médecins généralistes dans la lutte contre les IST en particulier chez les jeunes.

 Rendre effective la première consultation de contraception et de prévention des infections sexuellement transmissibles chez les jeunes filles de 15 à 18 ans pré‐ vue dans le cadre de la nouvelle convention médicale de 2016.

 Renforcer le rôle du médecin généraliste autour de la santé sexuelle : repérage des vio‐ lences, prévention primaire et secondaire des IST et du VIH, accès à une contraception adaptée, prévention des grossesses non désirées…

 De développer des programmes d’actions autour de l’éducation à l’image et au numé-

rique avec pour objectif de développer le sens critique et la prise de recul avec les

images vues.

Le médecin généraliste doit donc informer, éduquer, sensibiliser sa patientèle et proposer un

dépistage régulier des IST, des hépatites et du VIH à intervalle régulier en fonction du profil du

patient et des circonstances. Dans ce cadre, plusieurs outils d’aide au dépistage et à la

sensibilisation des patients ont été mis à la disposition des médecins généralistes :

- Par l’Institut National de Prévention et d’Education : « DÉPISTAGE DU VIH ET DES INFEC‐ TIONS SEXUELLEMENT TRANSMISSIBLES (IST) » (41),

- La société française de dermatologie : « Recommandations diagnostiques et thérapeu‐ tiques pour les Maladies Sexuellement Transmissibles » (21)

- L’HAS : « Dépistage de l’infection par le VIH en France » (42), « Dépistage et prise en charge de l’infection à Neisseria gonorrhoeae : état des lieux et propositions » (43)

90 - Sites internet : « ANTISÈCHES DE CONSULTATION EN MÉDECINE GÉNÉRALE » (44),

http://question-ados.inpes, http://www.info-ist.fr/ ou http://info-ado.u-strasbg.fr, http://onsexprime.fr

3. Etat des lieux des pratiques des généralistes

Cependant comme nous avons pu nous en apercevoir dans cette étude, la question des IST et de leurs dépistages n’est que rarement soulevée lors des consultations de médecine générale. Nous allons donc nous pencher sur les enjeux de cette omission en s’intéressant aux points de vue des généralistes puis à ceux des patients, selon les données de la littérature.

Points de vue des généralistes

L’INPES a publié en 2005 « Comportement, attitude et rôle des médecins et pharmaciens dans la prévention et l’éducation pour la santé » (45) qui retrouve que 98.6% des médecins

généralistes interrogés considèrent que la prévention des comportements sexuels à risque et le dépistage des IST font partie de leur fonction. Ainsi les médecins estiment bien que la

prévention des IST fait partie intégrante de leur rôle.

Dans l’étude menée par l’INPES « baromètre de santé médecins généralistes 2009 », 95% des généralistes interrogés se disent à l’aise avec leur rôle de prévention mais se retrouvent en

difficulté pour aborder des thèmes relatifs à la sexualité. (46)

Concernant les dépistages des IST, 58.2% avaient réalisé leur dernière prescription de dépistage du VIH secondairement à une demande du patient, 72% l’avaient réalisée systématiquement lors d’un bilan d’un patient présentant une IST et 23.5% le proposaient de façon systématique aux personnes suite à un changement de partenaire sexuel. Ces chiffres confirment bien un

manque de dépistage des IST associé à un défaut de communication relative à la sexualité dans

le cadre des consultations de médecine générale.

Dans sa thèse sur la prévention et le dépistage des IST en médecine générale, interrogeant onze médecins généralistes, Timothée Blanc s’aperçoit que, même si tous les médecins inclus

proposent un dépistage lorsque le patient consulte suite à une conduite sexuelle à risque, la

prévention n’est pas toujours complète. Elle se limite souvent au rappel de l’importance du

91 Différentes thèses interrogeant des médecins généralistes au sujet de la prévention des IST et leur dépistage en médecine générale relèvent de nombreux différents freins (47), (48) :

- Manque de temps, emploi du temps surchargé - Défaut de formation initiale et continue

- Manque d’expertise pour certains cas complexes

- Méconnaissance de l’orientation et des pratiques sexuelles des patients

- Difficultés à identifier les patients à risque (surtout pour les médecins remplaçants) - Barrière socio-culturelle (notamment dûe à la religion ou la précarité)

- Difficulté dans la communication médecin-patient en particulier avec les adolescents et jeunes adultes ou au contraire avec la population âgée

- Refus et inconfort des patients ou du médecin

- Difficulté pour amener le sujet au sein des couples (crainte d’infidélités…) - Difficulté à gérer des accompagnants éventuels

- Complexité des annonces diagnostiques

- Difficulté de dépistage des partenaires sexuels suite au diagnostic d’IST chez un cas index (obstacle consécutif au devoir de respect du secret professionnel, sentiment de

honte ressenti par le patient, nombre de partenaires récents élevé…)

Points de vue des patients

Dans une thèse réalisée en 2014 dans le Languedoc Roussillon par Nicolas LE DIAGON (49), on constate que parmi les 352 patients âgés de 18 à 30 ans interrogés sur leurs connaissances des IST ainsi que leurs sources d’information, seulement 15.8% déclarent avoir acquis des

connaissances lors d’une consultation lambda de médecine générale, 31.5% lors d’un dépistage en cabinet de médecine générale et 47% lors d’une consultation de dépistage en CeGIDD. Ces résultats sont cohérents avec ceux de l’enquête IFOP- Benali pour le Sidaction réalisée en 2016 (cf Figure 26 : Les canaux d’information utilisés pour s’informer sur le VIH, sidaction (39)) où seulement 21% des patients interrogés citent leur médecin traitant comme source

d’information privilégiée contre 40% pour internet. (39)

Concernant la réalisation des bilans de dépistage, l’enquête CSF de 2006 retrouve que 55% des hommes et 20% des femmes font appel à leur médecin traitant. A noter que pour les femmes, il existe un recours de 64% au gynécologue, ce qui explique cette différence de résultat. (10)

92 générale. On constate ainsi un important défaut de prévention des IST en médecine générale, autant en matière de sensibilisation que de prescription de bilans de dépistage, alors même que les patients estiment légitime que leur médecin se penche sur leur sexualité, à la recherche de conduites sexuelles à risque et/ou de troubles sexuels. (47)

Concernant les conditions nécessaires afin d’aborder correctement les enjeux en lien avec leur santé sexuelle, les jeunes expriment des préoccupations concernant la confidentialité et la

qualité de leur prise en charge par les professionnels de santé auxquels ils seraient susceptibles

de recourir. Il leur est plus aisé de discuter de sexualité avec leur médecin en l’absence d’accompagnants. De plus ils sont souvent désireux que ce soit leur médecin qui en prenne l’initiative, gênés par l’idée de devoir introduire des sujets relatifs à leur vie sexuelle par eux- mêmes. Ils émettent un besoin de trouver des interlocuteurs compétents et à l’écoute au sein des professionnels de santé, et qui adoptent une posture bienveillante et non-jugeante. (13) Par ailleurs la proximité du médecin de famille avec leurs pairs ou leurs parents peut susciter des inquiétudes. En effet une peur du jugement ou la peur de bouleverser la relation

entretenue avec le médecin peuvent constituer une barrière. Dans ce cas les patients peuvent s’orienter vers un centre de dépistage, ou encore vers un médecin généraliste remplaçant comme suggéré dans la thèse de Geoffrey BRAURE portant sur les pratiques des médecins généralistes remplaçants en matière de prévention et de dépistage des IST. (47)

Ainsi au-delà des supports et des moyens suggérés dans cette étude, les données de la littérature retrouvent que, du point de vue des patients, les éléments les plus importants afin d’introduire au mieux des sujets relatifs à la sexualité et ses risques résident dans l’adoption d’une attitude bienveillante et sans jugement par leur médecin et le maintien d’une relation de confiance entre le médecin et son patient au cours du temps.

Formations

Afin d’améliorer la prévention des IST au sein de la population générale, un des enjeux du plan santé sexuelle 2017-2030 promu par le ministère de la santé s’attache à améliorer la formation

initiale et continue des médecins généralistes concernant la santé sexuelle. L’objectif est autant

de leur permettre de disposer d’un socle commun de connaissances scientifiques, psycho-

93 et sans jugement sur les sujets liés à la sexualité, afin d’adapter leurs conseils, leurs diagnostics et leurs prises en charge. (4)

En termes de formations spécifiques axée sur la communication, différentes modalités existent dont (1), (50), (51):

- Le counseling (ONUSIDA 2011) désigne les « consultations systématiques organisées dans le cadre des soins de santé primaires en vue de traiter les problèmes émotionnels, psychologiques et sociaux qui influencent la santé et le bien-être des personnes ». Il s’agit d’un processus dynamique de communication entre un "patient" et un "conseiller qualifié" afin de l’aider à explorer, découvrir et clarifier par lui-même les moyens de résoudre des problèmes et des difficultés personnelles, sociales ou psychologiques. Il s’agit d’une prise en charge centrée sur le

patient qui aboutit à une décision médicale partagée.

- La Communication brève relative à la sexualité (CBS, OMS 2015) quant à elle est un type de counseling qui se restreint au domaine de la sexualité. Elle a pour objectif de prendre en charge les problèmes d’ordre sexuel et les problèmes personnels ou psychologiques qui en découlent ainsi que de promouvoir le bien-être. Elle nécessite d’adopter les perspectives du patient et de respecter ses croyances, ses valeurs, ses émotions, ses pratiques personnelles et ses attentes. - L’entretien motivationnel est un style de conversation collaboratif permettant de renforcer la

motivation propre d’une personne et son engagement vers le changement. Ce style

d’intervention est particulièrement adapté dans les situations où une personne fait preuve de comportements nocifs par sa santé ou situation sociale et est ambivalente face à un

changement de ces comportements.

La maitrise de ces différentes techniques de communication est un préalable indispensable à l’instauration d’un discours de prévention sur les IST et fait partie des recommandations

françaises. La société française de dermatologie notamment incite à la réalisation de formations complémentaires de ce domaine. (21)

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