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Chapitre IV : Rappel sur les anticoagulants en oncologie

IV.6 Place des anticoagulants dans la thrombose chez le patient cancéreux

chez le patient cancéreux

On sait que les patients cancéreux ont un risque de développer une MTEV quatre à sept fois supérieur à celui des patients non cancéreux. Un patient atteint de cancer hospitalisé sur sept décède d’embolie pulmonaire. La MTEV est la deuxième cause de décès. Cependant Il faut sortir du défaitisme d’études anciennes qui affirmaient que «MTEV et cancer : c’est déjà trop tard ! ». En effet les anticoagulants peuvent avoir des effets positifs. On sait que l’activation de la coagulation par les cellules tumorales participe à la croissance tumorale, à la néoangiogénèse et au développement des métastases. Les cellules tumorales surexpriment le facteur tissulaire qui en stimulant la production de VEGF et en inhibant la thrombospondine favorise l’angiogénèse tumorale [22]. L’héparine et les HBPM augmentent la concentration du TFPI dans le plasma qui va inhiber l’action du complexe facteur tissulaire-facteur VIIa sur l’angiogénèse et donc diminuer l’angiogénése [23-26].

D’autre part, les cellules tumorales circulent en adhérant aux plaquettes activées avec lesquelles elles forment des microthrombus tumoraux et se fixe aux organes par les cellules

129 endothéliales pour former les métastases. Cette fixation se fait par les glycosaminoglycanes de la cellule tumorale et par la P-selectine des plaquettes et de l’endothelium. Les HBPM constituée de glycosaminoglycanes est un ligand pour la P-selectine. Elle bloque l’intéraction de cette dernière avec les cellules tumorales et réduit les métastases [27-28]. Les cellules tumorales dégradent la matrice extracellulaire en sécrétant de la plasmine. Les héparines inhibent l’activité héparanase des cellules tumorales qui participe à la dégradation de la matrice extracellulaire et diminuerait ainsi la formation des métastases [29]. Enfin, les métalloprotéinases et notamment la MMP 2 et la MMP 9 jouent un rôle dans le

développement des métastases. Les HBPM inhibent de façon dose dépendante l’adhésion de

cellules tumorales à différents constituants de la matrice extracellulaire et sont capables de réduire la pénétration de cellules tumorales au sein de la matrice extracellulaire et réduisent la croissance des tumeurs. La majorité de ses actions s’exercent à des concentrations compatibles avec les posologies utilisées en clinique humaine [30-31].

Les héparines et les HBPM contrairement au fondaparinux partagent ces actions, en ce qui concerne les nouveaux anticoagulants oraux ces propriétés ne sont pas encore établies.

D’un point de vue thérapeutique, les héparines non fractionnée, l’héparine de faible poids moléculaire, les antagonistes de la vitamine K et le fondaparinux sont utilisés dans la prévention et le traitement de la MTEV chez les patients atteints de cancer. Alors que les héparines et le fondaparinux sont administrés par voie sous cutanée, les AVK sont actifs par voie orale. Alors que le traitement par AVK était le gold standard des MTEV chez les patients cancéreux, l’héparine de bas poids moléculaire (HBPM) est devenue le traitement de référence. En effet le cancer, ses comorbidités, les traitements associés, les interactions médicamenteuses et alimentaires peuvent rendre l’ajustement de l’INR difficile, et donc jouer sur l’efficacité et la sécurité de ce traitement par AVK. Les études ont montrée qu’il y avait au niveau de l’efficacité 2 fois plus de rechutes et en termes de sécurité 3 fois plus d’évènements hémorragiques qu’avec les HBPM. De plus les HBPM ralentissent l’évolution fatale de la maladie cancéreuse chez les patients sans métastases initiales, avec un taux de décès à un an de 20 % sous HBPM vs 36 % sous AVK [32-35]. Ceci additionné au fait que les AVK pour leur utilisation nécessitent une surveillance de laboratoire régulier et un ajustement de la dose à la différence des HBPM expliquant ainsi pourquoi on utilise de plus en plus les HBPM. Cependant, ces thérapeutiques par HBPM ont l’inconvénient d’être injectables, une des raisons pour laquelle l’industrie a développé les AOD dirigés contre le

130 facteur Xa ou la thrombine sans avoir la nécessité d’ajuster les doses régulières et sans surveillance en laboratoire.

Les nouveaux agents anticoagulants actifs par voie orale pourraient améliorer le traitement anti-thrombotique chez les patients atteints de cancer. Cependant, les AODprésentent des interactions importantes avec les médicaments fréquemment utilisés chez les patients cancéreux, et leur élimination par la voie hépatique et rénale pourrait influencer la pharmacocinétique, compromettant ainsi leur efficacité et la sécurité. De plus, peu de résultats d’essais cliniques conçus spécifiquement pour les patients atteints de cancer existent ce qui est un inconvénient important pour leur utilisation en oncologie. En effet, les études en phase III (EINSTEIN, AMPLIFY et RE-COVER) sur leur utilisation dans la MTEV

comprenaient un nombre limité de patients atteints de MTEV et cancer [36-41]. Des petites

études commencent à être rapportées dans les congrès mais surtout des études spécifiques sont en cours: SELECT-D (Anticoagulation Therapy in SELECTeD Cancer Patients at Risk of Recurrence of Venous Thromboembolism) qui compare une HBPM et un AOD dans le traitement de la MTEV chez 530 patient cancéreux avec comme critère principal de jugement la survie globale, et comme critères secondaires la survie sans progression et les complications hémorragiques. L'analyse des données de ces essais cliniques permettra l’évaluation de l'efficacité et la sécurité des AOD dans des populations spécifiques de patients atteints de cancer

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