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A. Le mélanome

6. Physiopathologie

Les ET comptent parmi les facteurs paracrines cruciaux de la biologie des mélanocytes517. En effet, l’axe endothéline joue un rôle important durant les étapes précoces et tardives de développement de ces cellules, mais également dans leur réponse au rayonnement UV ou encore, et ce point nous intéresse davantage, dans des conditions pathologique, dont le mélanome.

6. 1. Développement des mélanocytes et axe endothéline

Les mélanocytes forment un groupe hétérogène de cellules dont la propriété commune est la production de mélanine, pigment intervenant dans la protection contre le rayonnement UV518. On notera que ces cellules ne sont cependant pas les seules à produire ce pigment517. Elles sont entre autres présentes au niveau de la peau, de l’iris et de l’oreille interne.

Les mélanocytes dérivent des cellules des crêtes neurales (neural crest cell, NCC), des cellules embryonnaires à fort potentiel migratoire519. Les NCC, qui sont à l’origine de nombreux types cellulaires et tissulaires, se différencient dans un premier temps en progéniteurs pluripotents, puis bipotents, avant de se différencier en mélanoblastes, précurseurs des mélanocytes519, 520. Les mélanocytes nouvellement différenciés maturent, c’est à dire qu’ils deviennent capables de produire la mélanine dans des organelles spécialisés, les mélanosomes, et acquièrent une morphologie dendritique520. Dans la peau, ils sont présents au niveau de la lame basale, à la jonction entre l’épiderme et le derme. Un mélanocyte se trouve en relation avec 30 à 40 kératinocytes, formant ainsi une unité épidermique de mélanisation (UEM)521 (Figure 45). Ils se caractérisent par différents marqueurs tels que la tyrosinase (TYR) et MITF520.

Figure 45. Schéma représentatif de la structure épidermique. Le mélanocyte

présent dans la couche basale établit des communications dendritiques avec 30 à 40 kératinocytes, formant une unité épidermique de mélanisation. Le mélanocyte synthétise la mélanine dans des structures appelées mélanosomes, transportées jusqu’aux kératinocytes. Proposé par Cichorek et al., 2013520.

Comme nous l’avons précédemment mentionné dans l’introduction (A. 4. 5.), des modèles de souris invalidées ont permis de mettre en évidence l’importance d’Edn3 et d’EDNRB dans le développement des mélanocytes219, 220. Grâce à un système d’expression inductible, M.K. Shin et ses collaborateurs ont précisé que l’expression d’ETBR était primordiale au développement des mélanocytes chez la souris522. Plus précisément, le récepteur semble être indispensable à la survie et à la migration des mélanoblastes.

Diverses études ont montré qu’ET-3 promeut la prolifération et l’auto- renouvellement des précurseurs des mélanocytes, dans des modèles aviaire et murin, maintenant également la multipotence. De plus ce peptide est un facteur mitogène, de survie et de différenciation des mélanoblastes523-527. Au contraire, le traitement des mélanocytes par l’ET-3 favoriserait une dé-différenciation, avec une réexpression de marqueurs précoce des NCC528. Les cellules exprimeraient même des marqueurs des cellules gliales, suggérant une trans-différenciation523.

Le rôle de l’axe ET-3/ETBR a été mis en évidence dans le processus de différenciation des mélanocytes : alors que l’exposition initiale à ET-3 inhibe la différentiation de NCC, un traitement prolongé se traduit par l’augmentation du nombre de cellules pigmentées, c’est à dire la différentiation des mélanocytes525, 526. Plus précisément, ETBR serait spécifiquement requis à la différenciation finale des mélanocytes, peut être par le biais de la régulation des enzymes mélanogéniques524, 527, 529.

L’ensemble de ces études attestent de rôle majeur de l’axe endothéline, et plus particulièrement d’ET-3/ETBR, dans la physiologie des mélanocytes, dans des étapes précoces du développement et également à des stades tardifs de la différenciation517. 6. 2. Etiologie du mélanome

Différentes mutations ont été identifiées dans le mélanome, dont certaines ayant un impact sur l’agressivité du cancer, constituant ainsi des cibles thérapeutiques privilégiées530. Selon une étude récente menée sur 132 patients et 291 tumeurs, 58% des mélanomes primaires étudiés étaient porteurs de mutation dans les gènes BRAF et NRAS (43% et 15% de mutations respectivement). Ces mutations activatrices, qui jouent un rôle clé dans la prolifération et la survie du mélanome, via l’activation de la

voie MAPK531, sont également présentes dans les métastases, sans augmentation significative de leur fréquence. La distribution des mutations BRAF/NRAS n’est cependant pas forcément conservée d’un site de métastase à l’autre, suggérant la génération de sous-clones chez certains patients530. 90% des mutations du gène BRAF sont localisées dans l’exon 15 au niveau de la valine 600. La plupart d’entre elles consistent en un échange de la valine en glutamate (BRAF V600E, environ 70% des cas), bien qu’il puisse également s’agir d’une substitution en lysine (BRAF V600K, environ 20% des cas)532. La mutation BRAF V600E serait d’avantage associée à une exposition intermittente au soleil, qu’à une exposition continue. Il a été montré que les souris transgéniques porteuses de la mutation BRAF V600E développaient des mélanomes de façon spontanée533.

D’autres mutations, responsables du caractère invasif du mélanome, ont été identifiées. Par exemple, il existe des mutations dans le gène KIT, dont la fréquence est plus importante dans les mélanomes acro-lentigineux et muqueux534.

Les cellules de mélanome partagent de nombreuses caractéristiques avec les précurseurs des mélanocytes. Les approches d’inactivation de gènes, les essais cellulaires et les observations immunohistochimiques sont autant de techniques qui ont permis de mettre en évidence l’existence de gènes (e.g. protéines SOX, MITF) et de voies de signalisation (e.g. Notch, Wnt) impliqués à la fois dans la spécification et la maintenance des mélanocytes, mais aussi dans la formation et la progression du mélanome519. Nous nous intéressons plus particulièrement ici au parallèle qui peut être fait entre les effets physiologiques de l’axe endothéline (plus particulièrement ET-3/ETBR) sur les mélanoblastes et son action sur la progression du mélanome.

Si une diminution de l’expression d’ETBR a été rapportée pour certaines lignées de mélanomes535, pour la majorité d’entre elles, il a été observé une surexpression du récepteur315, 536, 537. Parce qu’il est davantage exprimé dans le mélanome métastatique que dans la tumeur primaire538, ETBR est considéré comme un marqueur de progression de la maladie. De plus, certaines mutations d’EDNBR seraient impliquées dans la prédisposition au mélanome539. Parallèlement à cela, il a été mis en évidence une expression aberrante d’ET-3 dans les cellules métastatiques de mélanome, promouvant la survie des cellules540. De plus, ET-3 exerce un effet prolifératif sur les cellules de mélanome, et ce de manière dose-dépendante272. En effet, l’inhibition de l’expression d’ET-3 entraine l’inhibition de la prolifération, de l’invasion et de la survie du mélanome541.

Des expériences in vivo ont montré un effet combinatoire des UVB avec l’expression d’ET-3, Kitl (pour kit-ligand) et bFGF (pour basic fibroblast growth

factor), induisant le développement de lésions pigmentées, histologiquement

caractérisées comme des mélanomes. Les UVB, ET-3, Kitl et bFGF exerceraient un effet synergique sur les mélanocytes517.

Les effets de l’axe endothéline sur la progression du mélanome cités ci-dessous ne font pas figure de liste exhaustive mais uniquement d’exemples, un chapitre ayant été consacré à ces effets dans l’introduction (B. 2.). Dans le mélanome cutané, ET-1 et ET-3, via ETBR, induisent une diminution de l’expression du système de molécules d’adhésion l’E-cadhérine-caténine, alors qu’au contraire elles augmentent l’expression de la N-cadhérine258. Ce changement de profil d’expression, de l’isoforme E à l’isoforme N, est décrit comme un mécanisme libérant les mélanomes du contrôle des kératinocytes et changeant les propriétés migratoires des cellules, favorisant ainsi la progression tumorale542. Par ailleurs, les ET affectent les communications intercellulaires en phosphorylant la connexine 43 et induisent l’expression du facteur de transcription HIF-1α, ce qui conduit à la l’expression du VEGF258.

Différentes études confirment, par l’utilisation du BQ788 ou d’ARN interférants, l’implication d’ETBR dans le caractère invasif du mélanome, inhibant ainsi sa progression71, 259, 543. Par ailleurs, le bosentan (antagoniste non sélectif ETA/ETB) a montré des résultats positifs en essais pré-cliniques qui ont encouragé le développement d’essais cliniques, dont les résultats mitigés ont été décrits dans l’introduction (B. 3. 2.)357.