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cancers de l’ovaire et de la prostate

Comme cela a largement été décrit dans la partie introductive de ce manuscrit, la surexpression et l’implication de l’axe ET-1/ETAR dans la progression tumorale ont été mises en évidence dans de nombreux cancers253.

Afin de mieux illustrer la pertinence de l’axe endothéline comme cible thérapeutique anti-cancéreuse, j’ai fait ici le choix de prendre deux exemples de cancers dans lesquels l’axe ET1/ETAR remplit un rôle crucial : le cancer de l’ovaire et celui de la prostate.

1. Axe ET-1/ETAR et progression tumorale

L’activation d’ETAR par la liaison de l’ET-1 conduit à la mise en place de différents processus cellulaires qui favorisent la croissance et la progression tumorale (Figure

25). En effet, en aval du récepteur activé, les diverses voies de signalisation mises en

jeu conduisent, par exemple, à la prolifération cellulaire, à l’échappement des cellules à l’apoptose, à la formation de nouveau vaisseaux, à la migration et à la dissémination métastatique. De plus, dans certaines tumeurs, dont celles d’origine prostatique, l’ET- 1 stimule la prolifération des ostéoblastes et au contraire diminue la résorption osseuse due aux ostéoclastes, participant ainsi à l’apparition de métastases osseuse. L’activation du récepteur ETAR est également une composante importante de la perception de la douleur chez les malades. De plus, les ET interviennent dans la modulation de la migration, de la différenciation et de l’activation les cellules immunitaires infiltrant la tumeur253.

Figure 25. Implication de l’axe ET-1/ETAR dans la progression tumorale. La

signalisation autocrine et paracrine d’ETAR induite par ET-1, au sein de la tumeur et dans le stroma tumoral, conduit au développement de nombreux cancers. D’après Bagnato et Rosano, 2008253.

2. Cancers de l’ovaire et de la prostate : deux enjeux de santé publique

Les incidences et les taux de mortalité des cancers de l’ovaire et de la prostate suffisent à se convaincre que ces maladies représentent toutes deux des problèmes de santé publique majeurs. En 2012, à l’échelle mondiale, un cancer de l’ovaire a été diagnostiqué chez près de 240 000 femmes et plus de 150 000 décès consécutifs à la maladie ont été comptabilisés (GLOBACAN 2012, Organisation Mondiale de la Santé), soit une survie à 5 ans d’environ 35%467. Cette même année, 1 111 000 nouveaux cas de cancer de la prostate ont été diagnostiqués à travers le monde et plus de 300 000 hommes sont morts de cette maladie (GLOBACAN 2012, Organisation Mondiale de la Santé). Ces chiffres révèlent l’urgence de la situation quant au développement de nouvelles thérapies.

3. Axe ET-1/ETAR et cancer de l’ovaire

Le cancer de l’ovaire, hautement métastatique, est caractérisé par une large dissémination péritonéale et des ascites468.

Par différentes approches (gain/perte de fonction et antagonistes du récepteur), le rôle clé de l’axe autocrine ET-1/ETAR a été confirmé dans le développement et la progression du carcinome ovarien278, 280. Il existe une surexpression d’ET-1 dans les tumeurs primaires et métastatique de carcinome ovarien, en comparaison à des tissus ovariens sains253, 268. Dans ces tumeurs, l’effet du peptide est médié par ETAR, dont la surexpression a également été mise en évidence253. En effet, dans plus de 85% de ces cancers, des niveaux élevés d’ET-1 sont relevés dans les ascites des patientes, associés à une surexpression et une suractivation d’ETAR280, 302. Il semble exister une corrélation entre cette surexpression de l’axe ET-1/ETAR et l’avancement en grade de la tumeur considérée280. L’analyse du profil d’expression génique d’EDNA a abondé dans ce sens, montrant que le gène était associé à la métastase. Par ailleurs, le niveau d’expression d’EDNA est augmenté dans les échantillons prélevés après une chimiothérapie, en comparaison aux échantillons de tumeurs primaires non traitées253, suggérant que l’axe endothéline participe à la résistance du cancer.

4. Axe ET-1/ETAR et cancer de la prostate

Il a été largement démontré que l’axe endothéline était impliqué dans la physiopathologique du cancer de la prostate262, 267, 322, 469.

En conditions physiologiques, ET-1 est produite par les cellules endothéliales de la prostate et des concentrations élevées du peptide vasoactif sont retrouvées dans le liquide séminal469. L’expression d’ET-1 a été mise en évidence dans la grande majorité des cancers de la prostate, et de façon plus intéressante, les concentrations plasmatiques chez les patients présentant un cancer métastatique sont plus élevées que chez des individus sains ou dont le cancer est localisé469.

L’expression des récepteurs des ET se trouve quant à elle également altérée en comparaison à un tissu sain267, 470. L’expression d’ETAR est augmentée dans les tumeurs primaires et métastatiques de stade et de grade avancés. Au contraire, l’expression prédominante d’ETBR dans les cellules épithéliales prostatiques se

trouve réduite dans les cellules cancéreuses : cette réduction est en partie imputable à des mécanismes d’hyperméthylation du promoteur du gène262.

Dans le cas d’une prostate cancéreuse, les voies classiques d’élimination d’ET-1, via la liaison à ETBR267 et également via la NEP471, semblent diminuées. Ceci participerait également à l’augmentation locale des concentrations d’ET-1.

Alors que l’activation d’ETBR participe à l’élimination d’ET-1 et stimule l’apoptose, l’activation de l’axe ET-1/ETAR joue un rôle crucial dans la progression du cancer de la prostate, impactant la prolifération, l’échappement à l’apoptose, la formation d’os et altérant la qualité de vie des patients en détériorant l’équilibre dans la modulation de la douleur253. On notera ici que les réponses à la liaison des ET restent dépendantes du type cellulaire. Dans le cancer de la prostate, l’augmentation de l’expression de l’axe ET-1/ETAR donne donc, sans ambigüité, un avantage en terme de progression de la maladie.

5. La thérapie : les traitements actuels, leurs limites et les nouvelles cibles moléculaires

Bien que le cancer de l’ovaire réponde bien à la chimiothérapie, une fois qu’il devient résistant à celle-ci, les traitements à disposition du corps médical sont relativement peu efficace. Selon l’Institut National du Cancer (INCa), en fonction du type histologique, du stade et du grade du cancer de l’ovaire, les patientes subissent une chirurgie et/ou une chimiothérapie, associant généralement un sel de platine et un taxane (souvent le carboplatine et le paclitaxel, respectivement) (©Les traitements des cancers de l’ovaire, collection Guides patients Cancer info, INCa, novembre 2010). En cas de récidive, et elles sont nombreuses, le cancer devient résistant à la chimiothérapie, nécessitant le développement de nouveaux protocoles thérapeutiques reposant sur la connaissance des mécanismes moléculaires qui existent en amont de la progression tumorale. Parmi eux, des inhibiteurs de l’enzyme nucléaire PARP (pour poly(ADP-ribose) polymérase), qui intervient dans la réparation de l’ADN, ou le bevacizumab, un anti-VEGFA, déjà sur le marché pour le traitement d’autres cancers, dont la fonction est l’inhibition de l’angiogenèse. Rappelons ici qu’il existe une transactivation du récepteur du VEGF via l’axe endothéline, ce qui souligne la pertinence du choix d’ETAR comme cible thérapeutique.

Le cancer de la prostate présente une prolifération cellulaire lente couplée à une diminution de la mort cellulaire472, ce qui en fait une maladie relativement résistante aux agents chimiothérapeutiques. Si la privation en androgènes est dans un premier temps bénéfique, la maladie peut de nouveau progresser 1 à 2 ans plus tard : on parle alors de cancer de la prostate résistant à la castration. Cet aspect du cancer de la prostate a favorisé le développement, voire l’approbation, de nouveaux traitements venant au renfort des thérapies classiques (chirurgie, radiothérapie, curiethérapie, hormonothérapie et chimiothérapie, employant souvent le docetaxel) (©Les traitements du cancer de la prostate, collection Guides patients Cancer info, INCa, novembre 2010). La FDA a par exemple accepté le denosumab, un AcM humain, dans la prévention des complications squelettiques chez les patients atteints de métastase osseuse. L’implication de l’axe endothéline dans ce type de métastase confirme ici encore qu’ETAR est une cible de choix en thérapie anti-cancéreuse. Une partie de l’introduction a été dédiée aux essais cliniques portant sur l’efficacité des antagonistes chimiques des récepteurs des ET dans le traitement de certains cancers, notamment des antagonistes d’ETAR dans le cancer de la prostate résistant à la castration ; les résultats décevants de ces essais n’ont pu conduire à des autorisations de mise sur le marché.

D’une part, l’implication de l’activation du récepteur ETA dans l’agressivité des cancers de l’ovaire et de la prostate, et d’autre part, les moyens thérapeutiques actuels limités quant au traitement de ces cancers, justifient le ciblage d’ETAR pour ouvrir de nouvelles perspectives thérapeutiques. Les antagonistes chimiques d’ETAR ayant échoué dans les essais cliniques menés dans le cadre du cancer de la prostate, il est nécessaire de développer d’autres types de molécules contre ETAR. Des AcM dirigés contre ce RCPG auraient notamment les avantages de pouvoir entrer en compétition avec le ligand naturel du récepteur, de pouvoir exercer un effet antagoniste sur les voies de signalisations activées ou encore de pouvoir être couplés, permettant de ce fait une utilisation en diagnostic, en utilisant le récepteur comme un marqueur des cellules tumorales, ou en thérapie.