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A. Le mélanome

7. Les traitements du mélanome

Si le pronostique de survie des patients atteints de mélanome à un stade précoce est de 90%, l’exérèse de la tumeur permettant généralement d’éradiquer le cancer, un mélanome avancé (métastatique) est de très mauvais pronostique. Dans ce cas, les stratégies thérapeutiques mises en place sont bien souvent plus palliatives que curatives (Figure 46).

Le processus métastatique est communément décrit comme la migration de cellules tumorales individuelles détachées de la tumeur primaire qui entrent dans la circulation lymphatique ou dans la circulation sanguine (intravasation). Suite à leur

liaison aux cellules endothéliales et à leur extravasation des vaisseaux, les cellules cancéreuses s’établissent dans un organe et y prolifèrent.

Dès lors que le mélanome a développé des métastases à distance de la tumeur primaire il est quasiment incurable : la médiane de survie des patients est réduite à 6- 9 mois, la survie à 1 an est de 25% et celle à 3 ans n’excède pas 15%516, 544.

Figure 46. Stratégies thérapeutiques adoptées en fonction du stade du mélanome. Proposé par la Haute Autorité de Santé et l’Institut National du Cancer,

2012.

L’indentification de molécules clés impliquées dans la pathogénicité du mélanome a conduit au développement de nouvelles thérapies ciblées. En effet, comme expliqué plus haut, dans de nombreux cas de mélanomes il existe une activation constitutive ou une dérégulation des voies de signalisation Ras/Raf/MEK/ERK (voie MAKP), PI3K/AKT/mTOR (voie AKT) qui ont pour conséquence de favoriser la progression du cancer545.

Les inhibiteurs actuellement à disposition pour traiter les patients sont résumés dans la figure 47. Ils ciblent les différents acteurs des voies MAPK et AKT. Les deux voies RAS/RAF/MEK/ERK et PI3K/AKT/mTOR sont connues pour interagir à différents niveaux, ce qui aboutit à des activations et des inhibitions croisées, faisant de ces nœuds signalétiques (Figure 48) une cible privilégiée pour la thérapie546.

Figure 47. Inhibiteurs des voies de signalisation utilisés dans le traitement du mélanome et leurs cibles d’action. Proposé par Russo et al., 2014545.

Figure 48. Voies de signalisation PI3K/AKT et RAF/MEK/ERK et mécanismes d’action de leurs inhibiteurs dans le mélanome. D’après Russo et al., 2014545.

La première immunothérapie approuvée par la FDA pour le mélanome métastatique est un traitement à l’interleukine-2 (IL-2), dont l’efficacité est malheureusement faible545.

Dans le cas du mélanome, les lésions cancéreuses contiennent souvent un nombre important de lymphocytes T infiltrants, spécifiques des Ag associés à la tumeur547. Une approche thérapeutique consiste à augmenter l’activité de ces LT cytotoxiques. Comme il a été expliqué dans l’introduction (C. 6. 1.), le CTLA-4 constitue un « checkpoint » immunitaire impliqué dans l’inhibition de l’activation des cellules T. De ce fait, cette protéine de type immunoglobuline, présente à la surface des LT CD4+, CD8+ et régulateurs, est une barrière contre l’autoimmunité mais aussi une cible immunitaire (Figure 49).

L’ipilimumab est un AcM humain recombinant qui se lie au CTLA-4, empêchant ainsi la liaison de ses ligands, le CD80 et le CD86 (Figure 49). Il en résulte une prolifération incontrôlée des cellules T, ce qui augmente la réponse anti-tumorale de ces cellules mais également les risques d’émergence de phénomènes auto-immuns548.

Figure 49. Mécanisme d’action de l’ipilimumab. L’antigène (Ag) présenté par le

complexe majeur d’histocompatibilité (CMH) présent à la surface de la cellule présentatrice de l’Ag (CPA) est reconnu par le TCR (T cell receptor, récepteur des cellules T) présent à la surface du lymphocyte T (LT). Le cosignal induit par l’interaction entre la protéine B7 et le CTLA-4 (pour cytotoxic T-lymphocyte-

associated protein 4) exerce une régulation négative du système immunitaire. La

liaison de l’ipilimumab au CTLA-4 abolit cette interaction, favorisant la co- signalisation activatrice du LT, médiée par l’interaction de B7 et du CD28. D’après Luke et Hodi, 2013549.

L’ipilimumab, après avoir montré son rôle déterminant dans l’augmentation significative de la suivie globale des patients atteints de mélanome de stade IV381, a été accepté comme monothérapie par la FDA et l’EMA à partir de 2011. Cet AcM a ainsi été le premier traitement efficace du mélanome non résécable ou métastatique en 13 ans410, 545.

Fonctionnant sur le même principe d’activation du système immunitaire contre la cellule cancéreuse, le pembrolizumab et le nivolumab, tout récemment acceptés par la FDA (4 septembre 2014 et 22 décembre 2014, respectivement), sont également utilisés comme traitement du mélanome545 ; ils exercent leur action en ciblant le récepteur inhibiteur des cellules T PD-1 (pour programmed cell death 1), empêchant la liaison de son ligand PD-L1.

En résumé, il existe actuellement deux types d’approches offrant des résultats encourageants en termes d’amélioration de la survie des patients atteints de mélanome métastatique : l’immunomodulation, reposant sur l’utilisation d’un Ac anti- CTLA-4, et la thérapie ciblée, mettant en jeu des inhibiteurs de BRAF et de MEK, dans le cas des mélanomes présentant une mutation de ces kinases410, 550. Alors que l’anti- CTLA-4 induit des réponses à long terme chez un nombre réduit de patients, les thérapies ciblées fonctionnent pour nombre de malades, bien qu’une rechute soit observée chez la plupart des patients en raison de résistances pré-existantes ou acquises. Actuellement les pistes de recherche privilégiées sont : la détermination des marqueurs biologiques et cliniques permettant de mesurer l’efficacité de l’anti-CTLA- 4 ; la détermination et le contournement des mécanismes de résistance des thérapies ciblées. Pour répondre à ce deuxième point, la thérapie combinatoire représente un axe considérable de recherche545. Actuellement, on dénombre plus de 280 essais cliniques portant sur le mélanome de stade IV, évaluant notamment les bénéfices de nouvelles thérapies combinatoires545.

L’agressivité du mélanome et le mauvais pronostique vital associé à sa métastase, en dépit des nombreux traitements aujourd’hui à disposition du corps médical, plaident en faveur du développement de nouvelles thérapies mettant en jeu des cibles spécifiques et dont le potentiel n’est pas encore exploité en cancérologie. C’est le cas des récepteurs des ET. Le fait qu’ETBR soit surexprimé dans le mélanome et qu’il contribue à la progression métastatique du mélanome au niveau du système nerveux central299, manifestation associée à un mauvais pronostique, constitue un argument supplémentaire en faveur du développement de molécules ciblant ce récepteur.