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V. SYSTEME DE PLUSIEURS EXTRACTANTS

V.1. PHENOMENE MIS EN JEU

V.1.1. PHENOMENE DE SYNERGISME

On parle de synergisme lorsque le rendement observé avec le mélange d’extractant est supérieur à la somme des pouvoirs extractifs des deux extractants pris séparément.

Un coefficient de synergisme a été défini par Taube et coll. [75] :

2 1 12 D D D log SC + = avec :

D1 coefficient de distribution de l'espèce extraite par l'extractant 1. D2 coefficient de distribution de l'espèce extraite par l'extractant 2.

Partie I : Bibliographie SC représente l'écart à l'additivité du phénomène d'extraction .

Lorsque

- SC > 0 on a un synergisme. - SC < 0 on a un antagonisme.

Tous les types de mélange peuvent être envisagés afin d'obtenir un synergisme thermodynamique. Ainsi Healy [75], s'appuyant sur les trois grandes classes d'extractants (acide, neutre, anionique), a établi une liste comprenant 6 couples d'extractants susceptibles d'engendrer un synergisme.

Cependant, ce classement peut être simplifié, étant entendu que la majorité des systèmes extractifs comprend un extractant acide permettant de neutraliser l'espèce à extraire et un extractant solvatant, permettant de déplacer l'eau coordinée au complexe neutre afin de le rendre plus hydrophobe.

Choppin et coll. [76] expliquent que le facteur principal dans le phénomène de synergisme est l'augmentation du caractère hydrophobe du complexe métallique extrait par ajout d'un additif. Trois mécanismes ont alors été proposés pour expliquer le synergisme lors du mélange d'un métal, d'un agent chélatant et d'un additif. Le premier implique la formation d'un ou plusieurs cycles chélatants et l’occupation, par l'additif, du site de coordination resté libre. Dans le second mécanisme, l'ion métallique n'est pas complètement coordiné par les ligands ou/et il reste une molécule d'eau dans la sphère de coordination. Cette dernière est alors remplacée par l'additif. Enfin, le troisième mécanisme implique l'expansion de la sphère de coordination du métal afin de permettre l'ajout d'une liaison avec l'additif.

Une interprétation complémentaire des phénomènes de synergisme est apportée par Akaima [77], à partir de l'étude de l'extraction du zinc(II) et du cadmium(II) par différents types d'extractants et suivant le concept de base dure (molle) et d'acide dur (mou). Cette théorie, nommée HASAB, a été développée par Pearson [65,66,67,68]. Les ions métalliques durs sont ceux qui se comportent comme le proton dans leur liaison avec le ligand. Ils sont petits, souvent très chargés et leurs électrons de valence sont difficiles à déformer ou à enlever. Les ions métalliques mous sont gros, faiblement chargés ou possèdent des électrons de valence faciles à déformer ou à enlever. Ils se lient fortement aux ligands très polarisables qui possèdent souvent une affinité très faible pour le proton. De manière similaire, les ligands sont divisés entre ceux qui ne sont pas polarisables (les durs) et ceux qui le sont (les mous). D’après la définition de Lewis des acides et des bases, qui sont respectivement des accepteurs et des donneurs d’électrons, les cations sont des acides durs ou mous, tandis que les ligands sont des bases dures ou molles. L’expérience montre d’une manière générale, que les complexes les plus stables sont ceux qui contiennent des acides durs avec des bases dures, et des acides mous avec des bases molles.

A titre d’exemple et afin d’illustrer les différentes propriétés des bases et acides dures (mous), Akaima a utilisé les extractants suivants :

1) Deux β-dicétones faisant office d'agents chélatants : la thénoyltrifluoroacetone (TTA) relativement "dure" et la monothiothénoyltrifluoroacetone (STTA) plutôt "molle".

2) Trois agents impliquant un synergisme thermodynamique : l'oxyde de trioctylphosphine (TOPO), la tributylphosphine (Bu3P), deux extractants respectivement durs et mous et la 1,10-phenanthroline (Phen), base de Lewis bidentée relativement forte (base "dure").

Partie I : Bibliographie Mécanisme général d'extraction

Le mécanisme d'extraction est le suivant : HL 2 M2++ + + 2H ML2 Kex,0 S HL 2 M2++ + + + H2 E ML2 Kex,1

avec HL, agent chélatant (TTA ou STTA).

E, Extractant associé (TOPO, Bu3P ou Phen).

Différentes associations sont testées afin de déterminer le mélange optimal pour l'extraction du métal considéré.

Système TTA(dure) -TOPO (dur)

Pour un pH proche de 7,25, la TTA seule, extrait totalement le zinc(II) et environ 25 % du cadmium(II). Ces deux métaux peuvent donc être séparés, mais le degré de séparation n'est pas optimal.

L'ajout de TOPO déplace le pH optimum de séparation à la valeur de 6,25, mais n'améliore pas le degré de séparation. Cependant pour un pH supérieur à 7, le mélange TTA-TOPO permet d'extraire 100 % du cadmium.

Système TTA(dure)-Phen (dure)

L'ajout de Phen déplace le pH optimum de séparation vers les pH acides. Le degré de séparation a remarquablement diminué.

Le mélange extrait donc préférentiellement le cadmium(II). Système STTA(molle)-Bu3P(molle)

L'affinité de la STTA pour le zinc(II) est légèrement supérieure à celle du cadmium(II).

L'ajout de Bu3P inverse cette affinité puisque le mélange d'extractants extrait préférentiellement le cadmium(II).

Système STTA (molle)-Phen (dure)

L'ajout de Phen favorise plus l'extraction du cadmium que celle du zinc.

L'effet de masquage de la Phen est beaucoup plus marqué sur le zinc(II) que sur le cadmium.

Dans ce cas, la Phen permet d'une part d'engendrer un synergisme lors de l'extraction du cadmium, d'autre part de masquer l’extraction du zinc(II) grâce à la formation du complexe Zn(Phen)2+. Ces propriétés permettent la séparation du zinc et du cadmium.

Discussion et interprétation

Afin d’utiliser les notions d'acides et de bases durs ou mous, plusieurs paramètres ont été introduits pour exprimer la constante (K) de formation du composé AB (A : acide de Lewis et B : base de Lewis) :

Partie I : Bibliographie

( )

log K =S SA B+ σ σ A B

où S est le facteur correspondant à la force de la base ou de l'acide et σ, le facteur correspondant à la "mollesse" de ces derniers.

Afin de pouvoir déterminer K, il est nécessaire d'avoir une échelle permettant d'évaluer la "dureté" ou la "mollesse" des acides et bases de Lewis. De plus, il est important ici de considérer que nous avons affaire à des ligands polydentés. A cet effet Kawamoto et coll. [78] ont proposé deux expressions pour S et σ tenant compte de ces paramètres :

R . 3 , 2 S 2 S ho A = ∆ RT 2,3. ∆H o f A = σ avec o h S ∆ : Entropie d'hydratation. o f H

∆ : Chaleur de formation de l'ion métallique (en phase aqueuse).

Ces paramètres permettent de classer les différents composés en fonction de leur "dureté" et de leur "mollesse". Sachant qu'un acide mou (dur) s'associera plus facilement avec une base molle (dure), toutes les données présentées dans les tableaux I-14 et I-15 permettent d'expliquer les résultats des différentes extractions.

Tableau I-14 : Paramètre de dureté (mollesse) des extractants considérés.

Agent chélatant SB σσσσB

TTA 0,312 0,101

STTA 0,260 0,287

phen 0,257 0,093

Agent chélatant (du plus mou au plus dur) : STTA(molle) >> TTA = Phen (dure). Métal (du plus mou au plus dur) : Cd2+ >> Zn2+ (l'ordre est identique pour les complexes M(Phen)2+).

Le tableau I-16 montre que le paramètre de mollesse de Cd2+ est plus fort que celui de Zn2+.

Tableau I-15 : Comparaison de la dureté (mollesse) des cations métallique Zn2+ et Cd2+.

M2+ ou MS2+ SA σσσσA σσσσA / SA ∆∆∆∆σσσσA / SA Zn2+ 32,2 -26,6 -0,826 0,378 Cd2+ 28,1 -12,6 -0,448

Zn(phen)2+ 23,9 -24,1 -1,01 0,463 Cd(phen)2+ 20,9 -11,4 -0,547

Le paramètre de force de Zn2+ est lui, plus important que celui de Cd2+. De plus la TTA est un ligand plus fort que STTA et Phen, ce qui explique que la TTA soit un meilleur extractant pour Zn2+ que pour Cd2+. Ce mécanisme est illustré par l'équation ci-dessous :

E

Partie I : Bibliographie

La nature relativement dure du TOPO est une des conditions favorables à l'extraction de zinc(II), plus dur que le cadmium(II), en présence de TTA (extractant relativement dur). Cependant, l'addition de Phen (dur) favorise l'extraction du zinc(II) plutôt que le cadmium(II), quel que soit le ligand TTA ou STTA. Les auteurs expliquent cela par l'ajout du ligand au sein de la sphère interne du métal, créant ainsi un complexe plus hydrophobe. Cependant, l'addition de Phen est une petite aide à l'extraction du zinc(II) en présence de TTA ou de STTA, cela bien que la Phen soit plutôt considérée comme un ligand dur (tableau I-15). Pour expliquer ce phénomène de synergisme causé par la Phen, les auteurs proposent l'équation ci-dessous, dans laquelle l’espèce modifiée M(phen)2+ agit comme un acide de Lewis :

( )

+

+ L2 Phen

M 2 ML2

(

Phen

)

Ainsi l'espèce M(Phen)2+ fait office de nouvel acide de Lewis, ce qui lui confère de nouvelles propriétés suivant la théorie HASAB (tableau I-16). Cela permet d'accroître la différence entre les paramètres ∆σA

A S   

 de "mollesse" des complexes du zinc(II) et celui du cadmium(II).

V.1.2. CONCLUSION

La sélectivité de l'extraction par des chélates peut être contrôlée en modifiant le type de complexe à extraire grâce à un ligand auxiliaire (ici Phen). Ainsi, on peut exacerber ou au contraire diminuer l'affinité d'un métal vis-à-vis d'un extractant.

V.1.3. PHENOMENE DE CATALYSE

La catalyse correspond à une accélération de la cinétique d'une réaction chimique par addition d'une substance qui n'est pas consommée de façon substantielle et qui ne modifie pas l'équilibre de la réaction. On considère généralement que cette substance, appelée catalyseur et notée (C), forme des liaisons chimiques avec un ou plusieurs des réactifs (R). Le complexe intermédiaire formé (RC) est souvent hautement réactif et non observable. Il est une passerelle pour la conversion des réactifs en produits (P). La catalyse peut donc être schématisée par le cycle suivant [79] :

C RC

R

Partie I : Bibliographie

Lorsque la catalyse a lieu dans une seule phase, liquide ou gazeuse, on parle de catalyse homogène. Quand deux phases sont mises en jeu, on parle de catalyse hétérogène. C’est le cas en extraction liquide-liquide.