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1.3.1 Phases caractéristiques de l’écoulement

Pour la suite, nous considérerons les phénomènes issus d’une onde de détonation sphérique en environnement non confiné. L’ensemble de ces phénomènes est décrit sur le diagramme de marche de la Figure 1.11qui représente l’évolution des phénomènes aérodynamiques principaux dans le plan

(r,t). Pour des raisons de clarté, ce diagramme n’est pas à l’échelle, le rapport entre le rayon maximal de la boule de feu et celui de la charge étant en pratique de l’ordre de 25 pour les explosifs condensés. Grâce aux travaux d’Anisimov et al. [4], puis de Kuhl [71] qui a réalisé des simulations de la phase qui suit la détonation, quatre phases successives, qui seront détaillées par la suite, ont été identifiées :

— une phase d’expansion2, — une phase d’implosion, — une phase de rechoc,

— une phase de mélange asymptotique.

Interface air-prodets Détente Détente réfléchie Choc primaire Choc secondaire Expansion Implosion Rechoc Phase asymptotique r | r0 0 t

Figure 1.11 – Diagramme de marche pour la phase post-détonation. En rouge : chocs primaire et secondaire, en bleu : interface air-produits de détonation, en orange : ondes de détente

Phase d’expansion initiale

Immédiatement après la fin de la détonation, la boule de feu connaît une phase d’expansion rapide. L’air ambiant est fortement comprimé au contact de la boule de feu ce qui donne naissance à un choc aérien très intense qui se propage vers l’extérieur. A l’intérieur de la boule de feu, et à cause de la détente sphérique qui se propage vers le centre, le fluide est surdétendu et un choc secondaire est formé. Ce dernier se propage dans la direction opposée à l’écoulement - qui va vers l’extérieur - mais, en raison de la vitesse initialement très élevée des gaz, il est dans un premier temps entraîné vers l’extérieur. Grâce à des arguments dimensionnels, Anisimov [4] propose une estimation de l’accélération initiale g de l’interface sous la forme suivante :

g = c 2 1 r0 ρ 0 ρ1 1 n , (1.12)

dans laquelle c1 est la vitesse du son dans les produits de détonation, r0 est le rayon initial de la

charge, ρ0 et ρ1 sont les densités respectives de l’air et des produits de détonation, et où n vaut 2

dans le cas d’une géométrie cylindrique et 3 dans celui d’une géométrie sphérique.

La différence de densité entre l’air et les produits de détonation et la décélération de l’interface provoquent le développement d’instabilités de Rayleigh-Taylor. Les perturbations initiales sont dues, par exemple, aux inhomogénéités dans l’explosif ou aux particules métalliques dans le cas des explosifs hétérogènes.

Les instabilités croissent d’abord linéairement puis non-linéairement à mesure qu’elles forment des structures en « champignons » caractéristiques de l’instabilité de Rayleigh-Taylor (voir section

2.3.2). En effet, comme les gradients de pression dans la boule de feu sont principalement radiaux,

le plissement de l’interface provoque la création de vorticité par effet barocline (non alignement du gradient de densité et du gradient de pression) ce qui crée et entretient la turbulence. Grâce à un phénomène de cascade3, ces champignons donnent progressivement naissance à de nouvelles structures plus fines, en particulier grâce à des instabilités de Kelvin-Helmholtz [71]. Des réactions chimiques entre l’air et les produits de détonation ont lieu à l’interface. Leur intensité est pilotée principalement par le mélange.

Phase d’implosion

Après sa réflexion au centre, la détente atteint successivement le choc secondaire et l’interface. A son passage la vitesse locale de l’écoulement diminue ce qui permet au choc secondaire de se déplacer vers le centre et à l’interface, décélérée, de se contracter. La limite interne de l’interface voit ainsi son rayon diminuer et l’épaisseur de la couche de mélange augmente. Le mélange est alors favorisé par le développement d’instabilités de Kelvin-Helmholtz.

Phase de rechoc

Le choc secondaire se réfléchit ensuite au centre et se propage en sens inverse en direction de l’extérieur. Lorsque le choc secondaire traverse l’interface, ce dernier vient perturber la zone de mélange et permet de nouveau à la turbulence de se développer mais cette fois grâce aux instabilités de Richtmyer-Meshkov dues à l’effet barocline et à l’accélération par choc. De nouvelles structures turbulentes sont alors créées et le taux de dégagement de chaleur augmente grâce à la reprise de la combustion des produits de détonation. L’augmentation de température en aval du choc secondaire lui permet de voir son intensité et sa vitesse augmenter [8]. Par la suite le choc secondaire continue à se propager vers l’extérieur.

Aux passages de la détente et du choc secondaire à l’interface, respectivement une détente et un autre choc peuvent se former par réflexion et se propager en direction du centre de la boule de feu. Les mêmes mécanismes que ceux décrits jusqu’ici se poursuivent alors jusqu’à atteindre l’équilibre des pressions dans l’ensemble du domaine fluide. La boule de feu connaît alors une succession d’expansions et de contractions avec une augmentation temporaire de l’intensité des réactions à chaque passage d’un choc. En pratique, cependant, seuls les chocs jusqu’au choc tertiaire sont observés [41].

3. La dissipation de l’énergie turbulente a lieu à des échelles de plus en plus petites grâce aux termes non-linéaires, jusqu’à atteindre l’échelle de Kolmogorov où l’énergie est dissipée sous forme de pertes thermiques. Ce phénomène de cascade énergétique est décrit plus en détail dans la section2.3.3.

Phase de mélange asymptotique

Elle correspond aux instants finaux où l’épaisseur de la zone de mélange et la taille de la boule de feu ne varient plus de manière significative. Néanmoins le mélange et les réactions de combustion se poursuivent, en témoigne l’observation faite par Kuhl [85] qui constate qu’environ 90 % de la postcombustion a lieu pendant la phase asymptotique. Nous reviendrons sur cette observation dans la Section1.5 dans laquelle sont présentés les enjeux liés à la postcombustion.

1.3.2 Réactions chimiques de postcombustion

Lorsque l’onde de détonation atteint l’interface entre l’explosif et l’air, une détente est réfléchie dans les produits de détonation et entraîne une dissociation qui provoque la formation de CO et de H2 qui sont les deux espèces réactives majoritairement présentes dans les produits de détonation.

Du carbone solide C(s) est formé en grande quantité et rend la boule de feu opaque. Ce dernier

rayonne très intensément dans le visible, et son oxydation semble participer de manière significative à la postcombustion [89]. De l’azote N2, de l’eau H2O et du dioxyde de carbone CO2 sont également

présents en quantité importante [109,141].

Parmi les autres espèces rencontrées, il est également possible de trouver les suivantes : NO, HCN et NH3. L’analyse par spectrométrie faite par Volk et Schedbauer [141] des produits gazeux

obtenus à la suite de la détonation d’une charge de TNT non confinée en atmosphère d’argon donne, par exemple, les proportions indiquées dans le tableau1.1.

Table 1.1 – Composition molaire des produits de détonation d’une charge de TNT [141] Espèce X [% mol.] X phase gazeuse [% mol.]

C(s) 35,4 - H2O 19,6 30.3 CO 17,2 26.6 N2 13,5 20.9 CO2 9,9 15.3 H2 3,4 5.3 HCN 0,8 1.2 CH4 0,2 0.3 NO 0,07 0.1

Les réactions de postcombustion en phase gazeuse sont majoritairement constituées des réactions d’oxydation du monoxyde de carbone et de l’hydrogène par l’oxygène de l’air :

CO +1

2O2 −−→ CO2

H2+12O2−−→ H2O(g).

Dans le cas d’explosifs à très fort déficit en oxygène, du méthane peut également réagir : CH4+ 2 O2 −−→ CO2+ 2 H2O(g).

Les réactions présentées ici ne sont que des réactions globales. Elles ne forment bien évidemment qu’un mécanisme très simplifié, le but étant seulement d’exposer les principaux équilibres mis en jeu pendant la postcombustion. Il est cependant à noter que l’évolution de la composition de la boule de feu au cours du temps est mal connue car difficile à mesurer.