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Chapitre IV ETUDE DES MILIEUX DENSES

IV. F.1 Phase hexagonale

Intéressons nous à présent, plus en détails, à la phase quasi-hexagonale à trois dimensions obtenue pour les plus fortes concentrations salines. Nous avons vu au paragraphe IV.B que cette phase cristalline présente des caractéristiques structurales communes avec les cristaux de NCP obtenus en présence d'ions divalents. En particulier, nous observons une organisation orthorhombique, quasi-hexagonale compatible avec un groupe d'espace P212121. Comme nous l’avons précédemment expliqué, deux empilements colonnaires des NCP sont alors envisageables, et nos données de rayons X ne permettent pas d’écarter une de ces deux hypothèses. Cependant, l'analyse des images de microscopie électronique obtenues par cryofracture (Leforestier et Livolant, 2001) montre nettement l’organisation colonnaire des particules, sans observation d’un décalage latéral systématique entre NCP (voir Figure II-13). Il paraît donc raisonnable de penser que les colonnes formées sont "lisses".

D’autre part, nous avons noté, lors de l’indexation des pics de diffraction des diagrammes obtenus dans cette phase, (voir paragraphe IV.B.1) que certaines raies de diffraction difficilement indexables dans un réseau orthorhombique, pouvaient être dues à une légère distorsion de la maille orthorhombique. Les observations de microscopie optique ont montré que ces phases forment des germes à l’intérieur desquels la chiralité entre NCP donne lieu à une torsion mutuelle entre colonnes (twist) (voir paragraphe II.A.3.2.b). Dans ces conditions, il n’est donc pas impossible que cette torsion entre colonnes provoque une légère distorsion de la maille orthorhombique.

L’étude par diffraction des rayons X d’un échantillon monocristallin pourrait permettre d’indexer tous les pics de diffraction sans aucune ambiguïté, et ainsi de préciser l’organisation des NCP dans les colonnes, et de détecter une éventuelle torsion entre celles-ci. Tous les échantillons obtenus durant ce travail étaient polycristallins, mais comme l'atteste le diagramme présenté sur la Figure IV-5, ils étaient constitués de monocristaux de taille supérieure à quelques microns. Même si faute de temps, nous n’avons pu réaliser l'analyse par diffraction des rayons X d'un de ces monocristaux, une telle étude est tout à fait réalisable.

Etant donné nos conditions de préparation des échantillons (présence de sels monovalents uniquement, et ADN associé aux histones de longueur relativement polydisperse), il est assez remarquable d’avoir réussi à obtenir des cristaux avec un ordre parfait sur plusieurs microns. En effet, tous les cristaux décrits dans la littérature ont été obtenus en présence d'ions divalents, et en ce qui concerne les études les plus récentes (Lüger et al., 1997; Harp et al., 2000; White et al., 2001) avec de l'ADN comportant exactement 146 pb. Comme nous l'avons mentionné dans le chapitre II, les auteurs de ces dernières études (voir par exemple White et al., 2001), suspectent que l’organisation dans les cristaux soit gouvernée par trois types d’interactions :

(i) Les interactions entre extrémités des fragments d'ADN de deux NCP voisins situés dans le même plan (a,b) sont responsables de l'organisation quasi-hexagonale entre les particules.

(ii) Les interactions entre les faces supérieures et inférieures des octamères d'histones stabilisent l'empilement colonnaire des NCP.

(iii) Les interactions entre deux NCP successifs le long d'une colonne, par l'intermédiaire des ions divalents, et en particulier les ions Mn2+, stabilisent également l'empilement colonnaire.

Dans nos études, nous avons porté une attention constante à garder intactes les queues des histones des NCP, permettant ainsi la stabilisation des empilements colonnaires des particules. Les deux points les plus étonnants sont donc les suivants :

- Nos cristaux ont toujours été obtenus uniquement en présence d'ions monovalents. Toutes nos solutions contiennent 1 mM d'EDTA qui chélate les éventuels ions divalents présents dans la solution. En l'absence totale d'ions divalents, les interactions mentionnées ci-dessus en iii) ne sont alors plus possibles.

- Dans notre cas, l'ADN ne présente pas une longueur parfaitement définie de 146 pb. Toutes nos études ont été réalisées sur des particules présentant une longueur d'ADN associée de 155pb, avec une polydispersité de ± 7pb. On imagine alors difficilement comment les extrémités de fragments d'ADN qui se font face vont interagir pour stabiliser l'organisation hexagonale. De plus, les valeurs des paramètres orthorhombiques sont comparables à celles obtenues dans les cristaux en présence d’ions divalents. Même si l’on néglige la polydispersité de nos échantillons, les 10 pb supplémentaires de l'ADN devraient provoquer une augmentation de la distance entre NCP d’environ 30Å (10x3,4Å), et ainsi une augmentation des paramètres a et b. Or, nous observons dans nos cristaux des paramètres a=110,1Å, b=194,0Å, c=112,7Å (NaCl 160 mM, PEG 28%), très peu supérieurs aux valeurs observées dans les cristaux en présence d’ions divalents (a=104,9Å, b=192,6Å et c=110,4Å pour Lüger et al, 1997).

Nous ne sommes pas en mesure de comprendre actuellement l’origine des forces qui stabilisent l'organisation parfaite que nous avons observée. Cependant, deux séries d’expériences supplémentaires nous ont permis de constater que l’on n’observe plus d’ordre à longue distance quand les queues des histones sont dégradées, ou quand l’ADN associé aux particules est trop long ou trop polydisperse.

Le diagramme de diffraction obtenu pour une concentration saline de 160 mM et une pression de PEG de 19%, avec une solution de NCP présentant une longueur d'ADN de 155 pb, mais ayant une partie des queues des histones H3 protéolysées, est présenté sur la Figure

250 mg/ml. Le temps d'équilibration de cet échantillon est de 1 mois. Ce diagramme présente des pics très élargis par rapport à la résolution instrumentale. Comme nous l’avons précédemment décrit pour la concentration saline égale à 37 mM, un tel diagramme caractérise une organisation colonnaire des NCP avec un désordre intra et inter colonne très important. Nous rappelons que pour des particules intactes, dans des conditions de préparation strictement identiques (même concentration initiale en NCP, même pression de PEG, même temps d’équilibration et même longueur d'ADN associée), le diagramme de diffraction obtenu est caractéristique d'une organisation cristalline orthorhombique, quasi-hexagonale, à trois dimensions. 0.00 0.05 0.10 0.15 0.20 0.25 0 1000 2000 3000 4000 5000 6000 7000 (b) (a) q (Å-1) I( q) ( u .a. )

Figure IV-18 : Variation de l’intensité diffractée pour une concentration saline de 160 mM et pour une pression osmotique de 4,7.105 Pa pour des NCP : (a) présentant des histones intactes et une longueur d’ADN de 170 pb et (b) présentant une longueur d’ADN de 155 pb mais pour lesquelles une partie des queues des histones H3 sont protéolysées.

La Figure IV-18 montre également le diagramme de diffraction obtenu à partir d'une solution de NCP présentant une longueur d’ADN égale à 170 ± 15pb, pour une concentration saline de 160 mM et PEG 19%. La concentration initiale de cet échantillon avant l’application du stress osmotique était égale à 230 mg/ml. Le temps d’équilibration est de 1 mois. Comme précédemment, ce diagramme présente des pics larges, caractérisant une organisation colonnaire très désordonnée. On remarque que le premier pic du diagramme de diffraction,

qui correspond à la distance moyenne entre colonnes, est situé à des valeurs de q plus petites. La position de ce pic correspond à des interdistances entre colonnes comprises entre 130 et 143Å environ (suivant le type d'organisation des colonnes entre elles, nématique, colonnaire hexagonale localement ou isotrope). Pour l'échantillon avec les histones partiellement protéolysées, l'interdistance moyenne est comprise entre 113 et 125Å. Nous rappelons que pour l'échantillon obtenu dans les mêmes conditions (1 mois d'équilibration, PEG 19%) avec une longueur d'ADN de 155pb et des histones intactes (voir paragraphe IV.B.1), nous avons trouvé, dans le réseau orthorhombique des paramètres a et b égaux à 116,3 et 204,3Å, ce qui correspond à une interdistance moyenne entre colonnes de 117,1Å.

En conclusion, l'ordre à trois dimensions entre NCP est détruit si les queues des histones sont protéolyées, ou si l'ADN est trop long et polydisperse. Il subsiste toutefois une organisation en colonnes, mais avec un désordre intra et inter colonnes. Dans le second cas, les interdistances entre colonnes sont considérablement augmentées, ce qui n'est pas surprenant.