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Pharmacologie de l’Irinotecan (CPT-11).

Dans le document en fr (Page 66-70)

CYTOTOXIQUES UTILISES DANS LE CANCER COLORECTAL METASTATIQUE

et 12.2). La fréquence de ces déficits dans la population est estimée à 3% pour les partiels et

2. Pharmacologie de l’Irinotecan (CPT-11).

L’irinotecan est donc un dérivé hémi-synthétique de la camptothécine, qui inhibe spécifiquement la topoisomérase I, induisant des lésions simple brin de l’ADN bloquant la fourche de réplication (Figures 17.1 et 17.2). Son activité cytotoxique est conditionnée par le temps de contact avec les cellules, et semble spécifique de la phase S [99-100].

Figures 17. 17.1. Mécanisme d’action de la Topoisomérase I sur l’ADN.

Le CPT-11 est principalement métabolisé par les carboxylestérases en un métabolite actif : le SN-38, de bien plus grande affinité pour la Topoisomérase I purifiée, et plus cytotoxique sur plusieurs lignées cellulaires tumorales [101]. Le SN-38 est lui-même inactivé par glucuroconjugaison via l’uridine diphosphoglucuronosyltransferase 1A1 (UGT1A1). Le SN- 38 (glucuronidé) est par la suite hydrolysé dans l’intestin. A ce niveau, une partie est cependant retransformée en SN-38 sous l’action de β glucuronidases bactériennes digestives contribuant à la survenue du tableau diarrhéique aigu retardé. Enfin, le CPT-11 est oxydé par les cytochrome P450 CYP3A4 et CYP3A5 en métabolites inactifs : APC et NPC (Figures

18.1 et 18.2).

Figures 18.1 et 18.2 Métabolisme de l’Irinotecan.

Irinotecan est une prodrogue requérant une activation métabolique par les carboxylestérases en son metabolite actif, le SN-38. L’Irinotecan est lui-même métabolisé par les cytochromes hépatiques P450 3A4 (et 3A5) en 7-ethyl-10-[4-N-(5-aminopentanoic acid)-1-piperidino] carbonyloxycamptothecin (APC), qui a une activité antitumorale 500 fois moindre par rapport au SN-38. Le SN-38 est détoxifié par glucuronidation via l’uridine diphosphoglucuronosyltransferases 1A1 (UGT 1A1) en SN-38 glucuronidé (SN-38G) puis éliminé dans les selles par voie biliaire.

Le CPT-11 inchangé est l’entité principale dans le plasma, suivi par l’APC, le SN-38 glycuroconjugué et le SN-38. Les essais de phase I (100-750 mg/m2 IV en 30 minutes) ont montré une pharmacocinétique triphasique, avec une demi-vie plasmatique terminale de 14,2 heures. Le SN-38 a montré un profil d’élimination biphasique avec une demi-vie d’élimination terminale moyenne de 13,8 heures [100-101]. Une large variabilité interindividuelle des paramètres pharmacocinétiques était observée, notamment pour le SN-38. L’exposition au CPT-11 et au SN-38 augmente proportionnellement avec la dose administrée. La pharmacocinétique semble indépendante du nombre de cycles administrés et du schéma

Une des voies d’élimination majeure est fécale, via les sels biliaires, avec environ 33% de la dose d’irinotecan administrée retrouvée dans les selles [99]. La sécrétion biliaire se fait par l’intermédiaire de deux types de transporteurs : les transporteurs canaliculaires de la bilirubine et des anions organiques (cMOAT), ainsi que les transporteurs d’efflux aux xénobiotiques dont la P-glycoprotéine (Pgp), mais également ABCG2, et dont les activités sont réduites lors d’une obstruction biliaire, de phénomènes inflammatoires et septiques [102-103]. L’autre voie d’élimination est biliaire, avec près de 50% de la dose administrée retrouvée dans les urines.

On l’a vu, les principales toxicités de l’irinotecan sont hématologiques et digestives. La toxicité digestive est principalement attribuée au SN-38 et à l’exposition secondaire endoluminale dans le tube digestif [104-105]. La toxicité hématologique est corrélée à l’aire sous la courbe de l’irinotecan et du SN-38 [106].

La clairance de l’irinotecan est diminuée d’environ 40% chez les patients ayant une bilirubinémie comprise entre 1,5 N et 3N. Chez ces patients, la posologie de 200 m/m2 d’irinotecan entraîne une exposition comparable à celle observée chez les patients ayant des paramètres hépatiques normaux et recevant 350 mg/m2. Lors d’administrations hebdomadaires, le risque de manifestations d’effets toxiques hématologiques de grade 3-4 au premier cycle, comme la neutropénie, a été plus élevé chez les patients dont la bilirubinémie totale de départ était légèrement élevée (de 17 à 35 micromol/L) que ceux dont la bilirubinémie était inférieure à 17 micromol/L [107]. Des taux élevés de bilirubinémie et de phosphatases alcalines sont étroitement corrélés à une diminution de la clairance de l’irinotecan, principalement par excrétion biliaire, avec augmentation consécutive des taux de SN-38 [107] : Il est donc recommandé pour des administrations tous les 21 jours, des posologies de 200 mg/m2 chez les patients présentant une bilirubinémie de 1,5 à 3 N, et de 300 mg/m2 lorsque la bilirubinémie n’excède pas 1,5N. Les recommandations du fabricant sont de déconseiller l’administration d’irinotecan chez les patients avec bilirubinémie > 35 micromol/L, des transaminases > 3N en l’absence de métastases hépatiques, et de 3N en présence de celles-ci [108]. Par ailleurs, l’irinotecan est modérément lié aux protéines plasmatiques (30-60%) mais son métabolite actif, le SN-38, y est lié à près de 95% [24] : une prudence toute particulière doit donc être conseillée chez les patients présentant une hypoalbuminémie du fait d’un état de dénutrition, d’une insuffisance hépatocellulaire (tare sous-jacente, envahissement métastatique), d’une rétention hydrosodée (augmentation du volume de distribution), de pertes rénales (glomérulopathies voire syndrome néphrotique), d’un hypercatabolisme (syndrome infectieux) [109]. On notera que le CPT-11 administré en

IV chez un patient porteur d’un drain biliaire externe (donc sans exposition endoluminale) était éliminé plus lentement que chez des sujets sains, avec une toxicité essentiellement hématologique [109].

Finalement, les études pharmacocinétiques de population n’ont pas montré de corrélation entre la clairance de l’irinotecan et les caractéristiques démographiques tels que le poids, la taille, le sexe, l’ethnie, et la fonction rénale (notamment la clairance de la créatininémie calculée par la formule de Cockroft) [110]. A noter cependant que chez le patient fumeur, l’aire sous la courbe s’est révélé plus basse que chez le non-fumeur [111], avec une exposition diminuée de plus de 40% au SN-38 : la toxicité hématologique était considérablement réduite dans cette population avec seulement 6% de neutropénies sévères (grade 3-4), contre 38% chez les non fumeurs (OR :0,10 ;IC95% :0,02-0,43 ; p < 0,001); la toxicité digestive était par contre comparable dans les deux groupes. Le mécanisme pourrait correspondre à l’activation des cytochromes P450 (dont le CYP1A2 et à moindre titre le CYP3A4) par les dérivés aromatiques polycycliques contenus dans la fumée de tabac. En tout cas, une telle donnée est à prendre en considération dès lors que l’on recherche des niveaux de corrélations entre certains polymorphismes impliqués dans le métabolisme de l’irinotecan et les toxicités observées (risque de biais statistiques en analyse uni- comme en multivariée majeurs).

Autres risques importants de biais statistiques : les interactions médicamenteuse possibles, notamment avec les inhibiteurs (kétoconazole, par exemple…) ou inducteurs (rifampicine, carbamazépine, phénytoine, phénobarbital,…) du cytochrome CYP3A4 [108]. Avec le kétoconazole par exemple, il est observé une diminution de 87% de l’AUC de l’APC et une élévation de 109% de l’AUC du SN-38 [112]. Il n’est pas rapporté de modification pharmacocinétiques par contre avec l’association au 5-FU/acide folinique [108].

Finalement les principales caractéristiques pharmacocinétiques de l’irinotecan et de ses dérivés sont résumées dans le Tableau VIII, ci-après.

Dans le domaine de la pharmocogénétique, les efforts se sont focalisés ces dernières années sur les polymorphismes de l’UGT 1A1 dans la population générale, et les retentissements éventuels qui peuvent en découler en terme de gestion des toxicités ou d’optimisation thérapeutique avec éventuelle intensification de doses selon la population étudiée. C’est

Tableau VIII. Paramètres pharmacocinétiques de la camptothécine et de ses dérivés.

(D’après Garcia-Carbonero R, et Supko JG. Clin Cancer Res 2002 ; 8 : 641-61.)

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