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Application en Cancérologie.

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CYTOTOXIQUES UTILISES DANS LE CANCER COLORECTAL METASTATIQUE

5. Application en Cancérologie.

On estime aux USA que 7% environ des patients présentent des effets secondaires graves aux traitements médicamenteux entraînant 100 000 décès par an. Concernant les anticancéreux,

les effets toxiques engendrés sont souvent sévères (20 à 25% de toxicité de grade 3-4 et 0.2% de mortalité), grèvent la qualité de vie des patients, peuvent mettre en jeu le pronostic vital, ou simplement retentissent sur la conduite et l’efficacité du traitement et donc sur la survie globale. Parmi les facteurs de potentiel échec prévisible d’un traitement de chimiothérapie, non dénué de risques donc, ou parmi les facteurs potentiels de toxicité, on trouve les variations interindividuelles du métabolisme qui influencent les capacités d’anabolisme et de catabolisme des médicaments. Ces capacités variables sont donc, comme nous l’avons vu, reliées à des modifications génétiques des enzymes du métabolisme, des récepteurs et des transporteurs des traitements anticancéreux. Selon le type de polymorphismes et leur localisation, chez l’hôte (pharmacogénétique) ou au niveau de la cellule tumorale (pharmacogénomique), la réponse au traitement anticancéreux en sera affectée (Figure 10) :

 Cas a : Existence de polymorphismes à la fois chez l’hôte et la tumeur régulant la

biodisponibilité de l’agent anticancéreux, l’efflux et la rétention, et déterminant si l’agent peut être actif sur la tumeur.

 Cas b : Nombreux polymorphismes tumoraux affectant la sensibilté à l’agent et

indispensables à l’agressivité tumorale (gènes tels que p53, dihydrofolate réductase ou topoisomerase II)

 Cas c : Polymorphismes germinaux intervenant dans la tolérance au traitement : haut

risque de toxicité mais polymorphismes (si conservés dans le génome tumoral) ayant peu d’intérêt dans l’expansion tumorale (gènes tels que Thiopurine methyl transferase ou Dihydropyrimidine Dehydrogenase).

En résumé la pharmacogénomique cherche à corréler des polymorphismes situés au sein du génome tumoral à des résistances prévisibles aux traitements anticancéreux, tandis que la pharmacogénétique cherche à rapprocher des polymorphismes du génome germinal (de l’hôte) aux profils de toxicités prévisibles . On peut néanmoins remarquer que

- d’une part la plupart des polymorphismes germinaux se retrouvent au niveau de l’ADN tumoral : les résultats sur ADN génomique peuvent donc pour une large part être extrapolés à l’ADN tumoral. Ceci n’est pas vrai bien sûr pour les mutations retouvées au niveau des voies transductionnelles, impliquées très tôt dans la carcinogenèse et pour lesquelles l’étude du génotype tumoral est

chromosome 18 - porteur du gène de la Thymidylate Synthetase (TYMS) -, les résultats observés doivent être interprétés avec précaution, ce d’autant que les métabolismes et mécanismes de régulations des enzymes impliquées dans le cycle cellulaire sont très probablement notablement différents dans une cellule dérégulée comme la cellule tumorale par rapport à un leucocyte circulant

- que d’autre part un polymorphisme renforçant l’activité d’une chimiothérapie peut alors être également corrélé à un profil prévisible de plus grande toxicité : c’est le cas par exemple de la Méthyltétrahydrofolate deshydrogénase (MTHFR), comme nous le verrons plus loin concernant le 5-Fluorouracile.

Figure 10. Localisations des polymorphismes et retentissement attendu.

(d’après Relling et al. Nature Reviews 2001)

L’importance relative de chaque polymorphisme (hôte ou cellule tumorale) dans le retentissement clinique est exprimée par la taille des cercles ; le degré d’interaction entre les

polymorphismes par la taille du recouvrement des cercles.

Le concept séduisant de pharmacogénétique - a priori donc plus simple dans sa réalisation et son exploitation pratique que l’exploitation du matériel tumoral -, fait désormais l’objet d’une véritable réflexion dans les grands congrès internationaux (le dernier congrès américain d’Oncologie Médicale ASCO 2009 mettait d’ailleurs en exergue cette voie de recherche translationnelle).

Mais qu’en est-il de la réalité sur le terrain ? A ce jour, malheureusement, l’individualisation

thérapeutique, paraissant pourtant si évidente, n’est toujours pas de pratique courante

dans la plupart des services assurant la délivrance des soins aux patients cancéreux.

Plusieurs raisons peuvent être avancées pour expliquer cet état de fait :

 Dans la plupart des cas et dans le contexte de « Médecine basée sur la preuve », les données conclusives définitives (niveau de preuve A) manquent car les études sont le plus souvent basées sur des données rétrospectives et sur des cohortes de patients de faible ampleur.

 Il existe avant tout et de manière évidente un déficit de communication de ce type de recherches translationnelles auprès des praticiens de terrain : les études sont nombreuses mais les résultats très souvent contradictoires tendant à décourager de leurs futures exploitations. A cela, un point à noter : les contradictions « apparentes » sont très souvent la résultante d’une part d’une confusion entre les résultats issus d’études ayant pour objet l’ADN tumoral et d’autres ciblant les polymorphismes de l’ADN germinal, et d’autre part la grande hétérogénéité des patients comme de leurs traitements dans la recherche de facteurs de corrélation. Enfin les métabolismes complexes impliqués dans la pharmacobiologie des chimiothérapies anticancéreuses (voies cataboliques, nom des enzymes, interaction, implications dans le cycle cellulaire) rendent peu lisibles pour le plus grand nombre une littérature scientifique vécue comme de « Biologie Fondamentale » sans en discerner les applications pratiques futures. Cependant des exemples caricaturaux par leur (apparente) simplicité comme les mutations de KRas associées à l’échec de traitements par anticorps anti- EGFR, et l’utilisation de plus en plus répandue des thérapies ciblées tendent à rapprocher le pragmatisme médical des notions complexes de biologie cellulaire. Dans ce contexte et à l’avenir, la pharmacogénétique devrait ne plus être marginalisée et même être intégrée en tant que telle dans le cursus des jeunes générations d’oncologues.

 Les concepts anciens et bien ancrés du développement des médicaments anticancéreux « classiques » basés d’une part sur la notion de surface corporelle, ne reposant

doses basées sur l’observation et la gradation des toxicités cliniques font finalement prescrire des protocoles de chimiothérapies à des posologies standardisées fondées sur des données statistiques d’efficacité et de tolérance théoriques, prenant en compte les populations de métabolisme « intermédiaire » ou « rapide » (80 à 90% des cas), mais négligeant les populations extrêmes à risques , soit d’inefficacité pour les métaboliseurs « ultrarapides », soit de toxicités pour les métaboliseurs « lents ».

 La difficulté à mettre en évidence pour la plupart des médicaments l’(es) enzyme(s) majeure(s) impliquée(s) dans les phénomènes de résistances et/ou dans les risques de toxicités ; ces mécanismes étant le plus souvent complexes et faisant intervenir plusieurs niveaux métaboliques imbriqués.

 Les protocoles actuels étant basés le plus souvent sur des polychimiothérapies, l’influence éventuelle d’un facteur de toxicité concernant une molécule peut être « lissée », « annulée » ou « majorée » par le métabolisme des autres traitements de chimiothérapie. A cela, se rajoutent des toxicités communes. Ainsi les analyses rétrospectives statistiques cherchant à dégager des facteurs de corrélation en uni- et a

fortiori en multivariée sont rendues difficiles par les nombreux biais évidents qui en

découlent, ce d’autant que les effectifs rapportés dans la littérature sont faibles.

 Dans le même ordre d’idée, les nombreux facteurs de confusion liés à la prise concomitante pendant tout le temps des traitements anticancéreux, d’autres traitements dits de « support » (corticothérapie, antiépileptiques, antisécrétoires, etc…) rendent potentiellement peu lisibles les résultats de corrélation, des voies métaboliques communes (notamment au niveau hépatique via les cytochromes) pouvant très largement interférer.

 L’application du concept « d’individualisation thérapeutique » implique des laboratoires experts, ayant démontré leurs possibilités techniques avec validation en routine des recherches pré- et per-traitements qu’elles soient de nature génotypiques ou phénotypiques. Ces laboratoires labellisés sont finalement peu nombreux sur le territoire français ce qui constitue un frein au développement de telles techniques en pratique courante, d’autant que le nombre d’examens du fait de l’augmentation croissante du nombre de malades dans les futures années s’accompagnera de besoins

parallèles en personnels comme financiers. La constitution de cancéropôles et de centres régionaux de recherche centralisée devrait néanmoins améliorer cette situation à l’avenir.

Malgré tous ces écueils potentiels, l’idée de l’utilisation de la pharmacogénétique en complément des autres avancées scientifiques tend à s’étendre et fait l’objet de plusieurs revues dans des publications internationales [42-46], focalisant l’intérêt d’une telle démarche à la fois dans l’optimisation des réponses aux traitements - et donc sur les survies - , mais également sur la diminution des effets secondaires graves qui représentent non seulement un coût humain, mais aussi financier pour les systèmes de Santé des pays occidentaux et/ou des compagnies privées d’assurance (notamment aux USA) : hospitalisations prolongées, retard à la mise en route des traitements, mauvais contrôle des symptômes donc augmentation du nombre de ponctions par exemple, des séjours médicaux…etc.

Les tableaux IV et V illustrent les principales enzymes ayant fait l’objet du plus grand

nombre de communications et d’articles ces dernières années, ainsi que le retentissement sur le plan clinique d’éventuels polymorphismes à leurs niveaux, tant en terme d’efficacité que de toxicité. Certaines d’autres elles sont représentées dans notre travail de Thèse et seront discutées et détaillées plus loin.

Enfin, dernier argument sur la légitimité d’une telle démarche : si le praticien peut « tolérer » jusqu’à un certain point des effets secondaires potentiellement graves dans le contexte d’une maladie évoluée à pronostic vital engagé, il apparaît totalement inacceptable et disons-le « non éthique » de ne pas proposer des dépistages réglés de pharmacogénétiques, quand ils sont l’objet d’abondantes communications (exemple de l’enzyme du catabolisme DPYD dans le cas du 5-Fluorouracil, nous y reviendrons), et dans le cas particuliers des traitements adjuvants, situations cliniques où le(a) patient(e) est déjà potentiellement guéri(e).

Tableau IV. Polymorphismes, incidences, types de cancers concernés, et conséquences métaboliques. D’après Shimoyama S et al. [45].

Tableau V. Exemples de polymorphismes associés à des variations de réponses aux agents anticancéreux. D’après Lee et al. [46].

II. PRESENTATION DE LA PHARMACOLOGIE ET DE LA

PHARMACOGENETIQUE DES PRINCIPAUX

CYTOTOXIQUES UTILISES DANS LE CANCER

COLORECTAL METASTATIQUE

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